"Rien ne changera si les classes populaires et les classes intermédiaires ne refont pas union" selon François Ruffin (FI). Un des obstacles à cette union, c'est la différence de perception des réalités scientifiques et pratiques par chacune de ces classes.

De nombreux choix de société se fondent aujourd'hui sur des arguments scientifiques ou pseudo-scientifiques. On utilise les chiffres à tort et à travers pour déterminer le nombre d'élèves par classe, pour savoir s'il faut sortir ou non du nucléaire, pour évaluer le coût de telle ou telle mesure... Toutes les décisions sont appuyées par des rapports chiffrés qui les crédibilisent, et qui noient le poisson dans une purée de statistiques indémerdable. Malheur à celui qui les remet en cause ou les conteste : il se verra opposer d'autres arguments encore plus "objectifs" et d'autant moins critiquables.

Beaucoup d'étudiants et les cadres qu'ils deviennent ensuite se laissent prendre à ce jeu qui désincarne la vie réelle pour la transformer en tableaux de chiffres tellement plus simples à modéliser, contrôler, informatiser puis réformer. C'est en toute bonne foi que ces élites éduquées comprendront et admettront qu'il faut reculer l'âge de la retraite parce que, vous comprenez, l'espérance de vie augmente (sans réaliser qu'elle augmente essentiellement parce que la mortalité infantile baisse et pas parce qu'on vit plus longtemps en bonne santé), qu'il faut faire des efforts et accepter la rigueur tant que notre dépense publique est supérieure à celle des pays voisins (sans se rendre compte que derrière ces dépenses publiques ne se cachent pas les mêmes services d'un pays à l'autre et que la différence de coût s'explique et peut se défendre), etc...

À l'autre bout de l'échelle sociale, inversement, on refuse parfois l'évidence scientifique, faute d'en comprendre les fondements, ou simplement parce qu'elle ne colle pas avec l'idéologie que l'on souhaite défendre. Une telle évidence apparaît même suspecte, tant on a abusé, il est vrai, de notre crédulité avec les nuages radioactifs qui s'arrêtent au frontières et l'innocuité longtemps affirmée du tabac. Les "experts" se sont tellement fourvoyés sur les plateaux télé à décrire une réalité que personne ne reconnaissait, les universitaires ont si souvent copiné avec les industriels, qu'il devient difficile de trier le bon grain scientifique de l'ivraie propagande.

Ainsi voit-on fleurir dans les publications ou rassemblements pour écolos gauchistes des attrape-nigauds grossiers vantant les mérites d'appareils anti-ondes, ou lit-on des articles remplis de contre-vérités scientifiques pourfendant les OGM, les vaccins obligatoires ou le nucléaire.

Ce ne serait pas si grave si les grands médias ne prenaient pas un plaisir pervers à mettre en première page les arguments les plus fallacieux et les plus indigents, pour qu'on finisse par n'entendre plus que ceux-là dans le brouhaha ambiant.

À partir de là, les critiques les plus construites, fondées sur des arguments scientifiques solides, certes moins spectaculaires que des plantes mutantes ou des champignons nucléaires imminents, sont inaudibles et invisibles. Les vraies raisons de combattre les OGM, le nucléaire ou les vaccins obligatoires ne sont pas exposées ou si peu. Et les classes intermédiaires, exaspérées sans doute par la bêtise de ce qu'elles peuvent lire et voir, ici ou là, s'interdisent de s'y associer.

L'union des classes intermédiaires et populaires suppose donc des efforts de part et d'autre. Admettre d'abord que son clan peut se tromper, et parfois dans les grandes largeurs. Admettre que la démonstration mathématique n'est ni un gage d'objectivité indiscutable, ni une preuve de manipulation manifeste d'une élite qui complote. Il suffit souvent d'un peu de bon sens et d'un peu moins de partisanisme pour faire le tri dans les bonnes et les mauvaises idées des uns et des autres.

La démarche scientifique, la vraie, reste relativement épargnée par les dérives idéologiques. C'est précisément pour cela que les économistes tentent de faire considérer leur matière comme une science, alors que les hypothèses les plus basiques comme la loi de l'offre et la demande, sur lesquelles s'appuient toutes les théories économiques, à commencer par le libéralisme, n'ont jamais été formellement démontrées. Dans les autres matières, les chercheurs peuvent encore proposer les théories les plus abracadabrantes et les soumettre à leur pairs.

Bien sûr l'industrie participe plus volontiers au financement des travaux qui vont dans le sens du business et de la croissance, mais généralement, sur les sujets qui font polémiques (OGM, ondes...) et ou de nombreuses études sont disponibles, on peut accorder une confiance raisonnable au consensus scientifique du moment, tout en n'abandonnant pas la lutte sur le terrain éthique et politique où il y a toujours à dire. Très souvent, les études qui s'opposent à ce consensus souffrent de nombreux défauts, soit au niveau du financement qui a visiblement dicté les résultats, soit au niveau de la méthode qu'un lycéen moyen saurait réfuter.

De nombreux vulgarisateurs de talent tiennent aujourd'hui des blogs ou des chaînes Youtube qui rendent toutes ces vérifications abordables. Quelques réflexes d'hygiène mentale et des notions de sociologie de base permettent à tout un chacun de ne pas se laisser avoir et peuvent éviter de passer pour un imbécile en société.

 

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1. Le vendredi, 12 janvier 2018, 17:30 par télécharger livres gratuits : Un pas de coté - Vuittenez -

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