Trois enfants à la montagne

Traditionnelle carte postale de vacances

Je rentre de Bourg-Saint-Maurice où j'ai passé une semaine avec mes trois numéros. Pour ceusses qui auraient loupé les épisodes précédents, Trois enfant à la mer, Trois enfants dans la ville, Trois enfants au Moyen-Âge et Trois enfants dans la zone sont autant d'articles qui reviennent sur mes vacances en famille et en train, mes déboires, mes déconvenues, et mes bonnes surprises.

Cette année, échaudés par une location ratée à un particulier l'an dernier, nous sommes revenus à la formule "Résidence Hôtelière", avec l'établissement "Le cœur d'or", situé à Bourg-Saint-Maurice. La résidence a le bon goût de proposer une piscine couverte et chauffée (indispensable à n°2 qui est née avec des pieds palmés et des branchies en guise de poumons) et de se situer à moins d'un kilomètre de la gare, donc accessible à pied.

Pour ne rien gâter le paysage est évidemment sublime, en plein cœur des Alpes et avec de nombreux moyens de transports pour accéder à de plus hautes stations, Bourg Saint Maurice n'étant qu'à 810 mètres d'altitude.
Après une visite inévitable à l'Office du tourisme, nous sommes revenus blindés de dépliants présentant les belles balades et les horaires du funiculaire, des navettes gratuites entre stations, des musées à visiter et des activités à ne pas manquer pour les enfants.

Dès le lendemain notre arrivée, nous avons projeté une montée en funiculaire à Arc 1600, pour redescendre sur Bourg Saint Maurice à pied. Les enfants étaient motivés comme jamais, équipés de leurs chaussures de randonnées achetées d'occasion sur PriceMinister, et prêts à nous aider à suivre les panneaux indicateurs comme nous le faisons régulièrement autour de chez nous, quand il nous prend l'envie de marcher sur un sentier balisé.
Neuf heures du matin, après un solide petit-déjeuner de randonneurs, ébahis par la vue et amusés par le trajet en funiculaire, la dynamique du groupe-famille était fort bonne, ce qui est important quand les parents sont en infériorité numérique et que le syndicats des enfants maltraités est toujours prompt à lever les banderoles pour demander la fin imminente de la promenade en exerçant un odieux chantage à l'affectif ou, plus sournois encore, à la santé ("maman, j'ai mal à la cheville"). Bref, les parents me comprendront peut-être.

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Donc, on avait le choix entre la marche n°1 ou la marche n°2, sur le plan des randonnées officielles d'été 2012 glané à l'Office, deux heures de marche au départ de Arc 1600 et à destination de Bourg Saint Maurice. Arrivée prévue à 11 heures, on pourra se faire un bon repas revigorant, sachant que nos numéros, en plus d'être fainéants et pénibles, sont des estomacs sur pattes qui doivent manger à heures fixes et si possible pas de légumes.
9h30, nous cherchons encore le départ de la marche n°1, qui semble être là sous nos yeux, mais non, y a pas de pancartes, la carte ne nous aide pas (si si : je sais lire une carte). On tourne, on se retourne, on s'engage dans un chemin puis un autre, espérant y voir un début de quelque chose mais rien. Qu'à cela ne tienne, à 10h00, nous décidons de nous renseigner auprès d'un autochtone, dont par chance, nous comprenons la langue un peu traînante. On nous conseille d'aller à "Plan Devin", parce que c'est là que tout se joue, tous les chemins y mènent, les indications y sont lumineuses, et d'ailleurs, il y a même une gendarmerie.
Arrivés à "Plan Devin", il faut se rendre à l'évidence, il n'y a rien. A part un joli plan qu'on a déjà sur nos dépliants, et qui par conséquent nous aide guère. On remonte à l'office du tourisme, la source de l'information, la quintessence de ce qui se fait de mieux en matière d'information touristique. On demande à la dame qui nous répond, mon pauvre monsieur, la marche n°1 ? Ne vous y aventurez pas : il y a des travaux et des VTT. Jamais on ne vous conseillerait d'aller là. Prenez donc la marche n°2, si vous tenez vraiment à aller à Bourg Saint Maurice (mais pour quoi diable y foutre, semble-t-elle ajouter, alors que vous êtes à Arc 1600 qui est beaucoup mieux ?).
Soit, allons-y pour la n°2, ça fait juste une heure et demie qu'on tourne, sans trouver le départ ni de la n°1 ni de la n°2. Les gosses ont déjà quelques bornes dans les pattes, il y a des marches d'escaliers à se taper un peu partout, ça s'impatiente, ça grogne, la mutinerie gronde. Donc, elle part de où cette foutue marche n°2 ? De là ? Ok, chiche, on y va.
On y est allés... Et on n'a jamais trouvé le départ. On a tourné encore quelques dizaines de minutes comme des cons, on a distribué des bonbons et des paires de claques aux mioches, et on est redescendus tout couillons par le funiculaire, fourbus d'avoir tourné en rond dans une station toute pourrite.

Déception. Manger. Piscine. Sieste. Télé.

Le lendemain, il fallait échafauder un plan pour motiver les numéros à chercher une nouvelle randonnée à leur portée :
- On prend le funiculaire jusqu'à Arc 1600.
- Ouais !
- On fait la marche n°3 qui nous amènes à Arc 1800 en 1h30.
- Bouuh !
- Mais là-bas, on mange au resto !
- Ouais ! Des frites ?
- Potentiellement des frites.
- Ouais !
- Après, on redescend par la marche n°4.
- Bouuh !
- Et on reprend le funiculaire !
- Ouais !

Négociation réussie. Redressement productif en marche. Mieux qu'Arnaud Montebourg.

Alors figurez-vous que le "Chemin des espagnols", on l'a bien trouvé. Alors, je n'irai pas jusqu'à dire qu'il était convenablement fléché, je ne saurais toujours pas dire où il commence et où il finit, mais on s'est bien retrouvés à Arc 1800, à un moment. Et on a mangé des frites. Et on est revenus par la marche n°4 tout aussi bizarrement indiquée, mais bon.

Au passage, Arc 1800 est beaucoup plus joli/intéressant que Arc 1600 qui ne propose que des cages à lapin pour skieurs. On en profite pour repérer les remontées mécaniques accessibles d'ici, et le parcours "Aventure" pour plus tard dans la semaine.

Le lendemain, pas la force de négocier une randonnée, on propose de monter à l'Aiguille Rouge, à 3200 mètres, en funiculaire, navette/bus, téléphérique et télécabine. 80 euros pour trimballer tout le monde dans les remontées mécaniques pour la journée. La météo était incertaine, mais finalement la vue était assez dégagée.
La navette nous a déposés à Arc 1950, village "Disneyland" où nous avons encore une fois dû faire de nombreux tours et détours pour trouver le départ des remontées mécaniques. Mais ils ne savent pas faire de pancartes dans ce pays ? Évidemment, avec le fort relief, pas moyen de voir plus loin que le bout de son nez, donc on monte sur une crête, on voit que c'est pas là, on redescend... Pour corser la chose, les remontées mécaniques qui ne fonctionnent qu'en hiver ne sont pas indiquées sur la carte "été", donc pas de point de repère.
On dirait que tout est fait pour des gens qui connaissent déjà le coin, pour les sportifs d'hiver qui maitrisent déjà les stations par cœur, sans doute, et un vague sentiment de n'être pas forcément les bienvenus au milieu de tout ça, heureusement contrecarré par l'amabilité de la plupart des commerçants. Mais pas par cette dame du télésiège, par exemple, qui ne nous explique pas comment monter dans le bordel sans se fracasser les jambes et mettre les gosses en sécurité. Information zéro. Les touristes doivent savoir d'eux-mêmes. Ils avaient qu'à lire les pancartes. Ah ben merde, y en a pas.
M'enfin, au-dessus de l'aiguille rouge, on voit ceci :

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Le jour est venu de faire le "Parcours Aventure", il y a des pubs partout, 120 ateliers, vue imprenable sur le Mont Blanc, on a le dépliant dans les mains, j'ai même pris le temps de visiter le site web pour optimiser l'organisation de la journée. Les gosses sont motivés à bloc, on a déjà fait de "l'Acrobranche" autour de chez nous, ensembles, sur des parcours adaptés aux enfants et aux adultes.
Ça se passe à Arc 1800, où l'on se rend en funiculaire + navette. On trouve l'endroit, ah non, là c'est pour les 1m45 et plus. On se résigne : on ne pourra pas faire le truc ensemble, seuls les gosses iront. On trouve l'espace "Kids" qui va de 6 à 13 ans, tout pile ce qu'il faut à nos trois numéros, on commence à faire la queue, ça ouvre à 10h00. On constate que les gens autour de nous ont déjà leur ticket, on leur demande où ils l'ont eu ? "Dans la cabane du mini-golf", nous répond-on (ça ne s'invente pas !). On va voir la dame du mini-golf, et on lui demande des tickets pour le parcours aventure. Sa réponse imparable : "Ici, c'est le mini-golf". Et nous dit : "Il faut d'abord réserver au Parcours aventure, s'il leur reste de la place, vous viendrez acheter les tickets ici après"...
Restons calmes.
On se repointe au Parcours Aventure, "il vous reste de la place pour ce matin ?", "Ah ben non c'est complet, revenez cet après midi".
On avait déjà prévu autre chose l'après midi, et puis ça commençait à nous courir de voir qu'on ne faisait rien comme les autres. Arc 1800, c'est un truc d'Insiders, une usine à "forfaits", remontées mécaniques, club juniors, tennis, vtt, activités... Tout le monde se trimballe avec son carnet de trucs prépayés, et se débarrasse de ses gosses pour la journée. Nous qui venons de la vallée avec de simples euros, on n'a accès à rien, et on ne comprend pas grand chose.



Je vous passe l'instant où il faut expliquer aux gosses qu'ils ne feront pas le parcours aventure. Du coup, on a acheté des souvenirs (typiquement savoyards en provenance de Chine).

Le soir, retour sur Bourg Saint Maurice où se tient le marché des artisans locaux, dans la rue piétonne. On évite l'orage de peu, mais la soirée est fantastique, les gens agréables, le restaurant "Le Refuge", conseillé par l'amie de FilGB (merci Elodie), impressionnant au niveau du service (même pas besoin de demander des carafes d'eau quand elles sont vides, j'avais jamais vu ça avant).

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On profite de la douceur du soir pour digérer en flânant dans la ville qui est calme est rassurante. Avec un taux de chômage ridiculement bas, Bourg Saint Maurice ne connait (semble-t-il) pas la crise et l'insécurité. Autre chose amusante : on ne voit que des femmes au boulot. Commerçantes, serveuses, entretien des espaces verts, ... Je ne sais pas où sont les hommes dans ce patelin, sans doute sur des vélos quelque part, ... Et la plupart des femmes sont sveltes et bronzées. L'air de la montagne ? Le sport ? Ou bien le pognon qui permet d'éviter la junk food et de prendre soin de soi ?

Elodie nous avait parlé de la coopérative laitière qui vend la spécialité locale : le Beaufort. Et l'office du tourisme vantait les mérites d'une visite gratuite de sa fabrication. On arrive au lieu de vente qu'on croyait bêtement être l'endroit de la visite. Point du tout, c'est ailleurs, l'office du tourisme nous renseigne, avec sa pertinence habituelle, c'est simple, vous allez ici, vous prenez là, c'est tout droit puis sur votre droite. Bon.
Sauf que, comme le reste de Bourg Saint Maurice, tout est conçu pour des gens motorisés, ou au pire à vélo. Nous, à pieds, et cette fois-ci mal chaussés parce qu'on partait pour quelques centaines de mètres, c'était un petit peu plus compliqué que "c'est sur votre droite au bout de la route". En plein cagnard, 4 ou 5 bornes sans trop être sûrs d'arriver à l'heure. Au final, on n'est pas déçus, sauf par les indications toujours fumeuses et inadaptées.

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Je ne jette pas la pierre aux gens qui ont essayés de nous renseigner : nous sommes atypiques. En famille, mais sans voiture, en station, mais sans forfaits, on ne rentre pas dans les cases toutes faites des vendeurs d'activités. Et puis on a un sans doute un côté réfractaire à l'état d'esprit "vacances-consommation", mais qui ne nous empêche pas de faire un tas de choses, et d'acheter des trucs, parfois, en dépit du bon sens écologique.

Visite de l'atelier de torréfaction du café qui propose des biscuits Billiote de "Montbélliard" (sic) à deux pas de chez moi. La vendeuse nous explique que le taux de chômage bas de la ville est dû au fait qu'ici les gens bossent, alors que dans le sud, ce sont des fainéants. Raisonnement un peu court, à mon sens, mais je ne relève pas.

Dernier jour, on découvre un joli petit chemin au pied de notre appartement, indiqué sur aucune carte, relativement bien fléché (une fois qu'on est dessus, mais pour le trouver, pardon), il aurait pu nous permette de visiter Séez, le village voisin, mais ce sera pour une autre fois, nos numéros ont été happé par un jardin d'enfants qui se trouvait sur le trajet.

Malgré peut-être l'impression que donne la lecture de cet article, nous avons passé d'excellentes vacances. Sans doute les meilleures de notre vie de famille. L'hébergement était de fort bonne facture et pas si cher, le lieu riche de paysages époustouflants, la météo parfaite, les gens accueillants et les activités, dans l'ensemble, réussies. L'occasion de se ressourcer, d'avoir des discussions insolites avec nos enfants (toute une soirée sur le Titanic et les différentes façons de produire de l'électricité !), de faire un peu de sport. Si j'en ai le courage, je vous expliquerai aussi ma méthode efficace pour apprendre à nager en 37 ans.

Commentaires

1. Le dimanche, 29 juillet 2012, 14:31 par FilGB

Très content que ce se soit bien passé ! :) C'est chouette la montagne hein ? Du coup vous avez pas trop fait de grosses randos sur la journée entière ?

Bon, la prochaine fois, fais un combo : trois enfants à la ville-à la montagne et viens à Grenoble ;)

2. Le dimanche, 29 juillet 2012, 20:37 par Merome

@FilGB : Notre plus grosse rando, ce fut 1h30 le matin, et 1h30 l'après-midi, avec resto (frites !) au milieu.

Grenoble, on a déjà failli, mais on a préféré finalement un endroit civilisé :) Enfin, si tu connais une résidence hotelière dans le coin, proche de la gare et avec une piscine couverte, balance les adresses :)

3. Le lundi, 30 juillet 2012, 21:37 par Nath

@Merome : tu es de mauvaise foi, Grenoble Fil et moi on te l'a déjà proposé X fois. En plus, pas loin en Chartreuse il y a un Gite Ecologique accessible en navette + funiculaire + navette depuis la gare de Grenoble (l'Evasion au Naturel) alors tu n'as aucune excuse pour ne pas venir l'année prochaine !
Promis, on montera vous voir avec une batterie de jeux de société !

4. Le lundi, 30 juillet 2012, 21:41 par Nath

Contente en tout cas de savoir que tu as apprécié Bourg-Saint- Maurice. J'ai la chance d'avoir de la famille dans ce coin (entre Bourg et les Arcs) et c'est le paradis pour les enfants !

Nous cette année, nous avons fait également une semaine "sans voiture"... "Trois enfants à Londres" (ou plutôt "Deux" car nous avons un peu foiré l'organisation du voyage et été obligé de laissé n°3 en cours de route faute de papiers... hum !). Intense, fatigant et super à la fois !

5. Le mardi, 31 juillet 2012, 15:20 par Merome

@Nath : C'est vrai que tu m'as déjà donné des adresses, mais si je me souviens bien, j'ai jugé la chose pas jouable en raison des navettes/funiculaires à coordonner. Avec 3 gosses et des valises, c'est pas toujours simple de se déplacer dans les transports en communs... Enfin, je réétudierai la question.

On a envisagé Londres aussi. A l'occasion, il faudra que tu me reparles de ça pour me donner quelques tuyaux.

6. Le mardi, 31 juillet 2012, 21:45 par Nath

Sans problème Mérome, on a passé un très bon moment là-bas et il y a de quoi faire de beaux programmes où chacun y trouve son compte ! (bon, par contre, c'est beaucoup plus cher que Bourg-Saint-Maurice !)

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