La martingale

Il ne vous a pas échappé que j'étais joueur. Pas au sens casino, machines à sous, poker... J'ai beaucoup joué aux jeux vidéos, puis je suis passé aux jeux de société modernes, j'ai même conçu mes propres jeux en ligne qui m'ont permis d'en arriver à écrire sur ce blog.

À la base de tout jeu, il y a la règle. Il suffit d'une minuscule faille pour que, naturellement, les joueurs s'engouffrent dedans en toute bonne foi, parce que ça leur permet de gagner à coup sûr, ou plus facilement. Le fautif alors, c'est celui qui a écrit la règle, et pas le joueur.

Ceci étant posé, comment analysez-vous cette vieille vidéo qu'on a portée à ma connaissance récemment (merci Pierre) :

Des élus bien propres sur eux qui vont grappiller quelques euros en signalant leur présence pour la journée, sauf que leurs valises témoignent de leur départ imminent pour d'autres activités. Bien sûr, ils sont déjà payés pour tout ça, mais il s'agit là de choper des indemnités supplémentaires, il n'y a pas de petits profits.

Comme je l'ai dit plus haut, la martingale profite aux joueurs, mais on ne peut les blâmer : ils ne font que tirer le meilleur parti des règles du jeu qui ont été fixées. Ceux qu'il faut blâmer, bien sûr, ce sont ceux qui ont écrit les règles. Et dans ce cas, ce sont... les élus aussi.

Autrement dit, il ne faut pas les critiquer parce qu'ils profitent du système, mais bien parce qu'ils ont écrit des règles du jeu qui leur sont favorables. Et on touche du doigt ici le principal problème de nos démocraties modernes : les règles du pouvoir sont écrites par ceux qui détiennent ledit pouvoir.
Dans le monde du jeu de société, on dirait de ces règles du jeu qu'elles sont bugguées. Dans le monde réel, on appelle ça (abusivement) "démocratie".

Le droit du droit, ce qui est censé nous défendre contre les abus de pouvoir, c'est la Constitution. La Constitution précise les modalités de l'exercice du pouvoir et ses limites. La plupart des Constitutions ont été écrites par ceux qui devraient les craindre. Les élus se sont taillés sur mesure des règles pour se les appliquer. N'est-ce pas un bel exemple de martingale ?

Au risque de paraphraser Etienne Chouard, qui m'a ouvert les yeux depuis 2005 sur ces sujets, la rédaction d'une Constitution ne doit en aucun cas être laissée à la discrétion des élus. C'est le peuple lui-même qui doit se charger de définir les règles qui lui permettront de se défendre de ceux qui exercent le pouvoir. Peut-être fallait-il un siècle ou deux de régime parlementaire représentatif pour que l'on s'en rende bien compte.

Notez bien que l'exercice est loin d'être facile. Je reviens un instant sur la Théorie des jeux : jouez aux dés avec un ami plus riche que vous, en misant de l'argent à chaque partie. On ne peut pas suspecter les dés d'être truqués ou partiaux. Eh bien votre ami plus riche que vous a plus de chances de gagner que vous parce qu'il pourra continuer plus longtemps de prendre le risque de perdre. À un jeu équitable, le plus riche gagne toujours.

Aussi, lorsqu'on rédige une Constitution ou toute autre règle de gestion de n'importe quoi, il faut garder à l'esprit la nécessité de pénaliser celui qui est favorisé au départ. Ça peut sembler injuste ou inéquitable, mais c'est tout le contraire.

En matière d’Éducation, par exemple, l'école telle qu'on la connaît aujourd'hui entretient les inégalités au lieu de les gommer. En formant tout le monde de la même manière, riches, pauvres, cultivés ou non, elle fait progresser, au mieux, tout le monde au même rythme, si bien que les inégalités "de naissance", perdure au fil des siècles.
Il faut écouter à ce sujet Franck Lepage, qui est passionnant en plus d'être drôle. Je vous mets la première vidéo, mais il y en a 16 en tout pour deux heures de spectacle :

Ça m'a permis au passage de comprendre quelques notions de parapente et de me conforter dans l'idée qu'il faut pas toucher à ça