La fabrique à célibataires et l'usine à cirrhoses.

Ce week-end, c'était festival. Je ne suis pas un habitué des festivals, je vais donc prononcer un jugement hâtif comme j'en ai l'habitude et dire plein de grossièretés désobligeantes qui vont offusquer les âmes sensibles et les habitués de ce genre de manifestations. Il leur reste encore quelques secondes pour zapper l'article et attendre le suivant.

J'allais voir et écouter Zaz, initialement. Mais l'observation du public a souvent pris le pas sur le spectacle lui-même, à la fois parce que Zaz n'était pas particulièrement efficace pour mettre l'ambiance qu'il faut (ni foncièrement mauvaise, hein. Disons sans plus), et parce que le spectacle était sur ce qu'il restait de pelouse. Un spectacle fort peu réjouissant que celui de voir mes contemporains dans ces circonstances.

En admettant donc que les festivaliers que j'ai vus étaient représentatifs de leur espèce, je regrette d'abord qu'ils ne respectent pas l'artiste. A priori, pour la plupart, ils ne sont pas venus pour ça. Si l'on excepte les dix premiers rangs près de la scène, le public n'a pas de scrupule à arriver en retard, partir en avance, aller et venir pendant le concert, discuter à bâtons rompus le dos tourné aux musiciens...
Pour moi qui voulait un peu suivre, et pour mon fils qui mesure 60 cm de moins que moins, c'était un peu rageant de voir passer tous ces gens devant nous, stationner quelques minutes, hurler pour appeler un pote à l'autre bout de l'assistance...

S'ils n'étaient pas là pour l'artiste, alors pourquoi étaient-ils là ? Dans le meilleur des cas, pour un autre artiste qui se produisait le même jour. Mais plus vraisemblablement et avant tout, ils étaient là pour picoler de la bière en se cramant au soleil. Des hectolitres de bière ont dû s'écouler dans les gobelets des garçons et des filles (qui ne sont pas les dernières à lever le coude).
Alors, bien que n'ayant pour ainsi dire jamais bu une goutte d'alcool, je ne suis pas sectaire pour autant, et je comprends qu'on puisse apprécier une bonne bière, un bon vin, ou un apéro, à la fois pour sa richesse gustative que pour l'aspect convivial qui se dégage de ce genre d'atmosphère. Mais qu'on se mette en ruine à la bière (et au joint) au point de plus pouvoir marcher, j'avoue que c'est une conception du loisir que j'ai du mal à partager.

D'autant que la seconde principale raison d'être là des festivaliers, c'est cette ambiance, cette connivence, ce moment de plaisir qu'on peut partager en participant au même spectacle, à la même fête, et pourquoi pas, l'idée de trouver l'être cher et mettre ainsi fin aux épaisses solitudes des soirs de semaine.
Comment peut-on imaginer une seconde qu'une telle démonstration de non-engagement, d'irresponsabilité, de futilité, ... puisse favoriser la construction de quelque chose de solide ?
Si je ne suis pas capable de tenir l'attention une heure pour une artiste pour laquelle j'ai payé un billet, comment percevrai-je la femme de ma vie dans le quotidien le plus vide, dans les moments les plus plats qui émaillent toutes nos vies ?

Pourtant, les messages subliminaux de séduction sont manifestes. Les torses nus, les bronzages travaillés, les décolletés provocants, le sourire de circonstance. On retrouve sa bande et on cherche à se faire remarquer, on montre qu'on s'amuse, on surjoue, on essaie de prouver que dans la vie, on n'est pas chiant(e), qu'on est toujours drôle et prêt(e) à délirer.
La vie, c'est juste pas ça.

En vérité, le seul compagnon que l'on garde pour la vie de ces journées de chaleur sordide, c'est le mélanome malin.

Commentaires

1. Le mardi, 28 juin 2011, 22:29 par Etherel

Ah ben je retrouve bien ce que j'ai pu noter au long de mes participations aux Eurockeennes. En 1991, j'y suis allé pour la première fois. J'ai vu des groupes "mythiques" pour moi (Pixies, Mano Negra, House of Love, ...), et il me semblait bien qu'alors on y allait "pour la qualité de la programmation". Et la qualité était là. Et j'avais 18 ans.
Au fil des années, j'ai vu le meme public des "18 ans" continuer à venir. Mais de moins en moins pour la programmation, et de plus en plus pour l'Ambiance. Ah.... l'Ambiance ! Je traduis pour ceux qui n'ont encore pas compris : l'Ambiance c'est en fait venir avec une bande de potes et quelques meufs, on se saoule la gueule, on fume des joints, on s'habille "fun et coloré", ... En clair, plus rien à foutre de l'artiste qui se produit....

2. Le mercredi, 29 juin 2011, 10:47 par Tassin

Pourtant une putain de prog à ce festival : Balkan Beat Box, ZEP, les Fatals, Israel Vibration, Alborosie...
Ca devait bien déboiter!

Sinon concernant ton sentiment sur la comportement des "djeunz", j'en sais rien vu que je suis de cette génération là.
Tu nous ferais pas un peu de réaction sur ce coup là?

3. Le mercredi, 29 juin 2011, 11:20 par Stef

Je me suis dit un peu la même chose (que Merome) en voyant des mecs bourrés évacués en titubant du concert des Black Eyed Peas vendredi.
Concert assez exceptionnel au Stade de France, les places y étaient assez chères (a tous les sens), venir pour se faire sortir au bout de 15 minutes et passer la soirée a vomir dans les toilettes, j'ai du mal a comprendre. (et pourtant je bois de l'alcool) Bon par contre là-bas c'était une petite minorité qui se trouvait dans cet état, mais je comprend tres bien l'idée de l'article, c'est triste de tout mélanger et c'est dommage pour les artistes que les festivals ne soient devenus que des points de rencontre alcool/drogue pour une partie du public.

4. Le jeudi, 24 novembre 2011, 21:09 par célibataire

Personnellement je ne suis pas fan des festivals, je trouve que c'est comme les coffrets dvd ^^ y'a toujours un truc dont on se fout mais c'est compris dans le lot...Bref je préfère de loin voir moins d'artistes (un seul en fait) mais bien le choisir et le voir dans de bonnes conditions... les festivals dans la boue et sous la flotte j'ai fait et je referai pas ^^!

Ajouter un commentaire

Les commentaires peuvent être formatés en utilisant une syntaxe wiki simplifiée.

La discussion continue ailleurs

URL de rétrolien : https://merome.net/blog/index.php?trackback/804