Fiche de lecture et critique.

J'ai profité des vacances et de la grippe de Noël pour lire Le symbole perdu, dernier bouquin de la trilogie "Langdon" de Dan Brown, commencée avec Anges et Démons et poursuivie avec Da Vinci code.
Si les deux premiers avaient un petit côté anti-clérical, chacun à leur manière, ce dernier roman a un discours presque inverse et tente de nous expliquer que science, franc-maçonnerie et religions disent toutes la même chose et œuvrent dans le même sens à la poursuite de la connaissance.

Une thèse que bien sûr, je ne partage pas, et qui me donne l'occasion de revenir sur mon point de vue sur les religions.

Mais d'abord, le roman lui-même. Je mentirais en disant que je n'ai pas pris de plaisir à le lire. J'aime particulièrement les chapitres courts et le rythme enlevé du scénario. Les points de vue des différents protagonistes de l'histoire sont assez admirablement enchevêtrés de manière à faire planer un suspense haletant presque tout le long. Littérairement, de ce que je peux en juger n'étant pas un grand lecteur, c'est assez neutre. Pas de grandes envolées lyriques ni d'effets de style tarabiscotés. On est plus dans le spectaculaire et le grandiose à la manière d'un bon gros blockbuster film américain. Avec les mêmes défauts d'ailleurs : les deux cents dernières pages sont parfaitement inutiles et ça n'en finit plus de finir sans rien apporter ni à l'histoire, ni au débat.
La succession d'énigmes entre mathématiques et références aux textes sacrés est parfois un peu pesante. Chacune d'elles présente plusieurs niveaux de lectures, au point qu'on se demande comment le héros arrive à s'en sortir autrement que par des coups de bol répétés.

La franc-maçonnerie est au cœur du scénario et on apprend quelques détails de fonctionnement de ces confréries tout au long du bouquin. Ce n'est pas inintéressant et semble relativement bien documenté.
Plus précisément, ce sont les "Mystères anciens" que Langdon va rechercher pendant près de six-cents pages, c'est-à-dire une connaissance ancestrale qui aurait été transmise par les érudits depuis des millénaires, à travers la religion, la science et les francs-maçons.

Là où je n'adhère plus, c'est sur le message global que semble vouloir délivrer Dan Brown à ce sujet : les Hommes, au moins certains d'entre eux, auraient depuis toujours eu connaissance de grands secrets sur l'humanité et ses pouvoirs à la limite du paranormal. Des pouvoirs que la science ne redécouvre qu'aujourd'hui petit à petit, alors que tous les livres sacrés de toutes les religions les évoquaient déjà et que les loges maçonniques perpétraient tout en les cachant depuis des siècles et des siècles. Amen.

Ce qu'il y a de bien avec les textes sacrés, évangiles et autres bibles, c'est qu'ils sont tellement métaphoriques qu'on peut leur faire interpréter et réinterpréter toute notre Histoire à notre convenance. Et c'est une des choses principales que je reproche aux religions de tous acabits : cultiver le mystère en faisant croire que c'est un enseignement.
Imaginons un instant les premiers évangélistes frappés par la foi au point de souhaiter la partager avec le monde entier. Plutôt que d'écrire des textes bien clairs et pédagogiques pour illustrer les grands principes qu'ils souhaitaient prôner (ou qu'un éventuel Dieu leur aurait dictés), ils ont préféré se vautrer dans des métaphores imbitables, donnant lieu à milles interprétations des plus intégristes au plus consensuelles brouillant complètement leur message originel.
Quand on est animé par la volonté d'enseigner et d'élever les esprits de ses disciples, la moindre des choses est de s'efforcer d'être intelligible. N'importe quel enseignant vous expliquera que ce qui se conçoit bien s'énonce clairement. Et tous les professeurs cherchent chaque jour de nouvelles façon plus limpides et directes de transmettre leur savoir.

Imaginez un prof de math qui utiliserai des paraboles (le comble) bibliques pour expliquer les identités remarquables. Au lieu de (a+b)²=a²+2ab+b², cela donnerait un texte alambiqué de trois pages sur les produits des termes par eux-mêmes, ajoutés au double de leur produit, en vérité je vous le dis.

En un mot comme en cent : à partir du moment où quelqu'un qui prétend vous enseigner quelque chose se perd en formules métaphoriques et tourne autour du pot, c'est un escroc.
Cette année, une fois n'est pas coutume, j'ai assisté à la messe de Noël. Écoutez un prêtre, voyez comme son discours est truffé de métaphores et de double ou triple lectures.
Je ne connais qu'une légende comparable : celle du père Noël. Quand votre gosse de 5-6 ans vous demande où vit le Père Noël et comment il fait pour distribuer tous ces cadeaux, votre réponse est comparable, dans sa forme, à celle que vous ferait un prêtre au sujet d'un point de détail de sa religion. Ici, il n'est pas question d'enseigner quoi que ce soit, mais au contraire de maintenir dans l'ignorance.

Je ne crois pas que la culture du secret, le mysticisme et les paraboles, soient une bonne façon de transmettre des savoirs. Au contraire, je crois en la transparence, la simplicité et l'ouverture d'esprit. Francs-maçons et religions œuvrent ainsi en dépit du bon sens, si tant est que leur objectif et d'élever le niveau de conscience de leurs ouailles. Je ne crois pas non plus une seule seconde, comme semble le prétendre l'auteur, que la science ne fait que découvrir ce que d'autres savaient déjà depuis longtemps. Et si c'était le cas, ce serait véritablement dommage d'avoir perdu tout ce temps à tergiverser sur un faux saint suaire et d'autres faux miracles.

Commentaires

1. Le dimanche, 2 janvier 2011, 18:50 par pierre

Salut,

je ne retiendrai qu'un passage:

"à partir du moment où quelqu'un qui prétend vous enseigner quelque chose se perd en formules métaphoriques et tourne autour du pot, c'est un escroc."

Certains comprendront... d'autres, non.

Bonne année.

2. Le dimanche, 2 janvier 2011, 20:37 par La Nelly

Wow ! Dans le genre "sujet épineux" ça se pose là...
Il y a tellement à dire, enfin, à mon sens... J'ose ?
Avant tout : je n'ai pas lu le livre. Je n'ai lu que Le Code de Vinci que j'ai aimé, mais je n'ai pas adhéré à la polémique qui s'en est ensuivie. C'est un roman, point barre. Pas une nouvelle théologie. Enfin, ce n'est que mon avis.
Bon... Moi je pourrai un peu parler de la Bible, parce qu'il y a que ce texte "sacré" là que je connaisse (et encore, de ce que j'en ai pu comprendre).
Elevée dans un milieu Kto (modéré, hein) j'en ai appris assez pour m'affranchir des dogmes. Mon fils n'est pas baptisé, et je me suis mariée à la mairie, sans église, mais avec une robe de princesse (ah ben quand même, faut entretenir le rêve de petite-fille tout de même)...
Toutefois, je pense qu'il ne faut pas tout rejeter en bloc. Et remettre les choses dans leur contexte. Qu'il y ait des abrutis pour appliquer à la lettre des préceptes écrits il y a 2000 ans, j'ai encore du mal à piger... Mais il y a 2000 ans, imaginons, je dis IMAGINONS, qu'il y ait un gars bizarre qui soit différent et assez "éveillé" pour ne pas s'engluer dans les moeurs obscures de son époque encore plus obscure. Si on dit à un type d'il y a 2000 ans, qu'il ne faut pas lapider sa femme adultère, parce que ça ne se fait pas, quand même, on n'est pas des bêtes, crois-tu qu'il le prenne pour du pain béni ? Hein ? Eh ben nan. Il veut la lapider. Merde !
Alors il lui reste quel choix au bon gars qui essaie de changer les choses ? Eh ben des formules métaphoriques et qui tournent autour du pot avec des "celui qui n'a jamais pêché et patati...".
Moi ce que j'en dis, c'est que dans chaque religion, il y a du bon, et que les explications d'il y a 2000 ans valaient pour les gens d'il y a 2000 ans. Le Saint Esprit, le buisson ardent, bon... on peut comprendre aujourd'hui que c'est de la foutaise... Mais au delà de ça, il s'agit aussi de l'interprétation du monde. Tout intelligents que nous sommes, nous serons toujours des benêts comparés à nos arrières-...-arrières-petits-enfants qui en comprendront bien plus que nous...
Et moi, benoîtement, en 2011, j'adhère encore assez bien à "aide-toi, le ciel t'aidera" ou encore "Ne fais pas à l'Autre ce que tu ne veux pas qu'on te fasse".
Le pire, c'est que ça fait partie de notre culture...

Je me fais lapider, ou j'ai bon ?

PS : Lieutenant Mat : J'adooooore ! (Est-ce que je marque les points que je venais de perdre ?)

3. Le lundi, 3 janvier 2011, 08:46 par Merome

@Nelly : Ce n'est pas parce que je suis en désaccord avec toute forme de religion que je rejette en bloc toutes les valeurs qu'elles ont pu défendre. "Tendre la joue droite", la morale, et tout ça, ce sont des principes assez sains que je peux défendre moi-même, mais à quoi sert la religion à part compliquer le message ?

4. Le lundi, 3 janvier 2011, 09:31 par Nelly

Je pense aussi que la religion ne sert à rien. Je suppose juste que la religion est (était) une base, une manière d'expliquer ce qu'on ne comprenait pas. L'homo sapiens enterrait ses morts sur ce genre de base (avec dogmes et croyances). Mais on connaît tous les déviations terribles (sacrifices humains, inquisition, etc.) de ce que l'homme sait faire quand il a une excuse...
Qu'on puisse s'affranchir de la religion, tout en restant humain sans être animal, c'est là tout l'enjeu.
A mon avis.

5. Le lundi, 3 janvier 2011, 17:12 par agase

Ben, la religion, à un moment, Bien sur pour expliquer des choses difficiles à comprendre avec des phrases encore plus difficile à comprendre.
Mais c'est elle qui met en place une morale. Celle que nous connaissons en tout cas dans notre pays. On parle de morale judéochrétienne.
Ca a au moins servit à cela à un moment.

On aurait pu avoir un tout autre développement basée sur une tout autre religion :
- les romains pratiquaient l'inceste de façon courante ainsi que la pédophilie.
- les égyptiens, les mayas les sacrifices humains...

6. Le lundi, 3 janvier 2011, 22:23 par Stef

On peut tout a fait mettre en place un code moral et s'affranchir de tout le cirque mystico-religieux autour.
Le sens des valeurs et de la morale n'a plus grand chose a voir la religion, je dirais même que c'est de plus en plus l'inverse a notre époque.

7. Le mardi, 4 janvier 2011, 09:18 par agase

@Stef
c'est un peu ce que je dis. Mais l'histoire nous montre quand même que les différentes morales qui se côtoient dans le monde actuellement sont bien basées sur une religion.
Maintenant, je suis d'accord que ce n'est pas forcément une fin en soi.

8. Le vendredi, 14 janvier 2011, 18:08 par Jerome

Bonjour,

Nous souhaiterions vous joindre à notre campagne de lancement du Symbole perdu.

Pourriez-vous nous contacter à l'adresse indiquée?

D'avance merci,
Jérôme Balen

9. Le mardi, 8 février 2011, 12:23 par Olivier

bonjour,
Dan Brown a écrit un roman. Pas un livre historique. Il s'appuie sur des faits réels, ce qui lui permet d'ancrer son livre dans la réalité donc de rendre tout son contenu à peu près plausible, mais c'est au lecteur de faire la part des choses. A tout le moins de ne pas oublier qu'il s'agit d'une fiction.
Ensuite, il y a chez les Franc-Maçons comme dans les religions (comme dans la société) une grande majorité de gens "biens " et une minorité de crapules.
Enfin, contrairement à toi, je crois que l'enseignement n'est pas toujours exotérique et ne peut pas toujours l'être. D'abord parce que certaines vérités sont si complexes et si profonde qu'il est à peu près impossible de les révéler et de les faire accepter avec des mots simples. Ensuite, parce qu'obliger les "apprenants" à s'interroger au lieu de leur livrer le "savoir" sur un plateau, les amener à trouver une partie des réponses par eux même, c'est déjà les faire progresser.
En d'autres termes, celui qui t'apprend à pêcher au lieu de te donner du poisson te rend peut-être un plus grand service qu'il n'en a l'air...

10. Le samedi, 23 avril 2011, 11:19 par Victor Anomasil

Pour ceux déçus que Le symbole perdu ne soit toujours pas la suite attendue du Da Vinci code, sachez que cette suite existe !... enfin presque. Disons qu’un ami à moi l’a écrite (un prof, ils n’ont que ça à faire). Ca s’appelle « Le cheval d’alliance » et c’est en vente sur Lulu.com et The book edition. Ce n’est pas une vraie suite, bien sur, sinon ce serait un plagiat. C’est ce qu’on appelle en littérature une mise en abîme. Le héros est l’auteur du roman « Le code Mona Lisa ». C’est un polar ésotérique plutôt gratiné et sanguinolent où les relations avec l’héroïne (dans les deux sens de ce mot) sont loin d’être aussi platoniques que dans le roman. Enfin ? On comprend bien mieux qui était Marie-Madeleine et comment elle a pu avoir un enfant du Christ. Attention, plongée étourdissante dans l’Egypte de Kheops et d’Akhenaton, Moïse, la guerre de Troie (si,si !), un vrai roman épique !
Allez-y voir (et je ne touche pas de royalties !)

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