Un jeu de Maximilian Thiel, illustré par Frédéric Bertrand et édité en France par Iello.

Mes goûts en matière de jeux de société se sont affinés au fil des années et je cherche maintenant à jouer à des jeux de gestion à thème moderne, fort et réaliste, sans hasard. Et figurez-vous qu'il n'y en a pas tant que ça qui sortent, ces dernières années et je dois me jeter sur ceux qui réunissent toutes ces caractéristiques, comme Power$truggle.


Image : Agorajeux

Le thème du jeu est la dure vie de l'entreprise, ses coups bas pour booster sa carrière, ses licenciements injustes pour assurer un revenu confortable aux actionnaires...
Vous me direz : on est bien loin des idéaux habituellement défendus sur ce blog, et vous aurez raison. Lorsqu'il s'agit de jouer, j'aime me projeter dans un monde différent de mon quotidien. Jouer le rôle d'un odieux patron capitaliste, le temps d'une partie, pour de faux, c'est agréable.
Il se trouve que le thème est très présent, comme j'aime, jusque dans les deux phases de jeu qui composent un tour (Comité de direction et Phase des services) qui ont une saveur très réaliste.
En revanche, cela ne simplifie pas l'explication des règles : deux phases, la première phase découpée en 7 étapes, et la seconde qui dure entre 4 et 7 manches où chaque joueur pourra effectuer une action parmi sept possibles, les actions pouvant parfois être subdivisées en deux ou trois cas ! C'est touffu. Simple, mais touffu !

L'objectif du jeu est de marquer quatre points. Dès qu'un joueur atteint ces quatre points, il l'annonce et on termine la manche en cours. Le joueur ayant le plus de points à la fin de cette manche est déclaré vainqueur, en cas d'égalité, le plus riche l'emporte.
Notez que le premier à faire quatre points n'est pas forcément le gagnant.
Il y a six façons de marquer un point. C'est peu. Ça signifie que les fins de parties sont très serrées, ce que j'ai pris pour un défaut du jeu à la première partie mais qui s'avère en fait être tout à fait intéressant : j'ai l'impression que les joueurs seront très souvent à égalité et c'est leur fortune personnelle qui les départagera. Je résume : l'objectif est d'obtenir les quatre points en dépensant le moins d'argent.

Les six points possibles peuvent s'obtenir de la façon suivante :
- En atteignant sept sur l'échelle de l'influence
- En atteignant dix-huit sur l'échelle des stock-options
- En atteignant quatre sur l'échelle des services principaux
- En atteignant neuf sur la piste de corruption (qui a dit que ce jeu était moral ?)
- En plaçant trois consultants dans trois directions différentes
- En surclassant son ennemi juré.

Je ne vais pas détailler tout cela, mais je m'attarde un peu sur la notion d'ennemi juré : au début de la partie, chaque joueur reçoit deux cartes "ennemi juré". L'une détermine un joueur, l'autre les compétences à "surclasser" pour obtenir le point. Par exemple, on peut avoir comme objectif secret de surclasser son voisin de droite sur la piste de l'influence, des services principaux et de la corruption. Si l'on y parvient, on marque le point.

Le mécanisme central du jeu est basé sur la notion de majorité. Il y a six directions dans cette entreprise, chacune composée de six services potentiels. Le majoritaire en service devient directeur. L'ancien directeur peut intégrer le conseil d'administration et ainsi postuler pour le rôle de PDG (s'il est majoritaire au conseil).
Pour obtenir ces majorités, il y a 7 actions possibles qui permettent de déplacer, ajouter, transformer des employés et des cadres dans les différentes directions. Les directeurs ont des pouvoirs liés à leur position, qu'ils peuvent utiliser ou non, selon la motivation générale dans l'entreprise.
Par exemple, le directeur de la Communication décide du calendrier entre deux comités de direction. En choisissant l'ordre des évènements qui se dérouleront, il possède une information capitale qui lui permet d'optimiser ses actions.
Le directeur de la comptabilité peut acheter des stock-options moins chers.
Et ainsi de suite pour chaque directeur.

Ces pouvoirs peuvent être obtenus par corruption entre les joueurs. Contre une somme d'argent, le directeur cède sa carte et le pouvoir qui va avec, qui est renforcé. Chacun des joueurs gagne ainsi un point de corruption. En cas d'échec de la corruption, le joueur qui refuse voit l'un de ses employés licencié, ce qui peut déboucher sur la fermeture de son service ! Et les conséquences qui vont avec pour obtenir les majorités futures.

Les possibilités sont innombrables et malgré le faible nombre de points disponibles, il y a moyen de bâtir un plan d'actions précis pour arriver à ses fins. Au bout de deux parties à trois joueurs, je ne suis pas encore capable d'élaborer ce plan, mais quelques enchaînements gagnants qui ont eu lieu permettent d'entrevoir des stratégies futures.

Comptez deux bonnes heures pour la première partie avec l'explication de règles. Le jeu doit par ailleurs être un peu plus long quand il y a plus de joueurs. Difficile d'y faire jouer des enfants de moins de 12 ans. Les mécanismes sont simples et compréhensibles, mais les stratégies sont hors de leur portée (ce qui ne les empêchera pas forcément de gagner !)
Un mot sur les illustrations qui sont juste parfaites. Un style bande-dessinée, très coloré, et parfaitement coordonné sur tous les éléments de jeu. On retrouve par ailleurs des notes d'humour dans les cartes évènements ("La semaine de travail hebdomadaire passe à 49.5h sans compensation : la motivation perd 2 points !).

Bref, Power$truggle pourrait bien rejoindre le cercle restreint des jeux dont je n'arrive pas à me lasser, avec Container et Imperial.
Je vous invite à l'essayer rapidement.


Image : Philibert

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