La réforme des retraites, le film "Entre les murs", l'éducation parentale, les démarches "qualité"... Tout ça dans un seul article !

Hier soir, j'ai regardé le film "Entre les murs", palme d'or à Cannes en 2008. Un bon film dans l'ensemble, même s'il n'échappe pas à quelques clichés un peu lourdingues. Mais surtout, le film m'a fait réfléchir aux problèmes soulevés par le système éducatif, et par extension, à tout type de "système" que l'on peut mettre en place dans nos sociétés. Je m'explique :

Le film montre l'escalade des punitions pour un collégien turbulent qui le mène tout droit à l'expulsion. Il montre aussi comment l'organisation scolaire se trouve obligée de résoudre un problème qui n'est pas le sien. Un problème social et humain, qui ne peut pas rentrer dans une organisation rationnelle et procédurière. Je crois que c'est le gros défaut de nos sociétés modernes : on cherche à tout prévoir et à attribuer des responsabilités. Paradoxalement, cela aboutit à une déresponsabilisation et cela pousse à chercher la désorganisation et la radicalisation.
Ainsi, le conseil de discipline que subi le collégien dans le film fait apparaître de manière évidente toute l'absurdité du système, obligé de sanctionner un comportement qui n'est pas un problème purement scolaire, et pour ce faire, de passer par des étapes plus ou moins démocratiques qui n'ont en tout cas plus rien d'humaines. De la posture des parents d'élèves, à la réaction des professeurs, jusqu'à l'incompréhension du collégien et de sa famille, tout, dans cette mise en scène, montre que cela dysfonctionne, tout en suivant une procédure extrêmement bien rôdée et techniquement irréprochable.

Et c'est là que je fais le parallèle avec les manifestations (contre la réforme des retraites, mais aussi les précédentes grèves), et avec les "systèmes qualité" que l'on met en œuvre dans certaines entreprises. À partir du moment où tout est prévu, même les contestations, même les erreurs et les dysfonctionnements, alors nous entrons dans une sorte de jeu de rôle où chacun va essayer de tirer parti au mieux de ses droits, déshumanisant et déresponsabilisant tous les protagonistes. Toute tentative de protestation, chaque erreur, va être récupérée et phagocytée par le "système" qui s'en trouvera renforcé. En ISO 9001 on appelle ça la "gestion des non-conformités". On canalise les fauteurs de troubles dans quelque chose de bien encadré (comme une manifestation). À la limite, on encourage les gens à s'exprimer de cette façon que l'on sait savoir gérer.

Il y a pourtant des cas qui nécessitent un peu d'innovation dans leur traitement. Il y a des problèmes qui ne rentrent pas dans des cases à cocher. Pour ces cas-là, le système, aussi perfectionné soit-il, est un handicap à leur résolution. La gestion des humains ne peut pas être "systématique". On n'éduque pas ses propres enfants en établissant une échelle de punitions et de récompenses gravée dans le marbre. On improvise et on gère les évènements comme ils arrivent. Ce traitement "humain" des problèmes est le seul viable, à mon sens.

Les procédures figées, les manifestations canalisées, les conseils de discipline, ... mènent à la radicalisation. À défaut d'un traitement adapté et humanisé des problèmes que l'on rencontre, on applique un modèle, certes perfectionné, mais terriblement cloisonné, qui finit par ne plus rien résoudre et au contraire entretenir les rancœurs, les frustrations et les déceptions.

Je l'ai déjà dit ici, j'aime pratiquer l'art du contrepied. Face à un système qui a même prévu comment je dois protester contre lui, j'agis comme un virus. J'utilise ce qui théoriquement le soutient pour l'affaiblir. Concrètement, dans une société de consommation, je consomme,... mais autrement. Dans une société où la valeur-travail est porté aux nues, je travaille... mais moins.
Et quand je suis moi-même le "système", quand je suis en position d'autorité face à mes enfants, par exemple, je m'efforce de traiter chaque problème d'une façon différente et inattendue. En un mot d'une façon humaine qui a aussi ses défauts, bien sûr, mais qui produit, j'espère, moins de frustrations.

Mon point de vue est un peu brouillon et je m'en excuse, j'ai un peu de mal à décrire une procédure qui dit qu'il ne faut pas de procédures. Si un jour nous aboutissons à une VIe république, j'espère qu'elle n'aura pas tout prévu et qu'une marge de manœuvre "humaine" existera au-delà du fonctionnement institutionnel.

Commentaires

1. Le dimanche, 14 novembre 2010, 19:01 par liamperry01

Bonjoir, (ca marche le matin et le soir).
Cher Merome, puis-je te conseiller deux lectures ma foi passionnantes.
La première concernant les systèmes éducatifs en général : La vision de Bourdieu, Pierre de son petit nom. Je ne fais que le citer : "Ceux-ci les systèmes éducatifs ne sont pas neutres mais au service d’une culture ou d’une république :les enseignants contribuent (inconsciemment ou non) à transmettre les normes et valeurs d’une classe dominante. L’école reproduit la structure sociale, processus qui fonctionne d’autant mieux qu’il est masqué. Ce système favorise donc une certaine forme d’inégalité puisque il facilite l’intégration dans le système des enfants de la classe dominante et donc par effet inverse augmente les difficultés pour les enfants des classes dominées." Tu trouveras plus d'infos dans un ouvrage intitulé "la misère du monde" (tout un programme). J'imagine que comme tout un chacun tu connais ton Karl sur le bout des doigts concernant les classes et les luttes et la force de travail et tout ça...
Concernant les problèmes de systémie, et bien la le hasard ne faisant jamais bien les choses de nouveau P. Bourdieu qui a une approche systémique de la socio. et explique nombre des problèmes liés à une approche globale d'une société: Tout doit être prévu et pour cause, Freud le dira très bien sous la forme du désir et de la frustration: non l'homme n'est pas humain, il est juste une marmite a désirs et quand on pense que le but d'une société capitaliste est d'assouvir ce désir de manière à générer du profit et bien tu quadratures le cercle comme dirait l'autre (qui est un peu moi aussi ...), et pour assouvir de maniere (puisque tu aimes les jeux economiques tu comprendras aisement le principe) optimale ce profit essayons de maximiser 1° le desir du peuple 2° si y en a qui sortent des clous et bien on les remets dedans et vite fait bien fait en plus (gentiement ça s'appelle le travail social) mechament ça s'appelle la prison. (Je me permets donc ma seconde lecture : L. Wacquant et son celebre "Prisons de la misere").
C'est fou quand même toute cette misère.
J'ai essayé rapidement entre un gosse qui veut jouer au monopoly et un autre à qui il faut changer la couche (à vu de nez il est déjà 18H00 passé), t'ouvrir mon horizon sur des sujets que tu traites sur ton forum (que je viens de découvrir recherchant un petit jeu de société pour mes longues soirées d'hiver avec "mes"pauvres.).
Sur ce en espérant avoir un peu de temps pour compléter ce post je vous souhaite un bonjoir (ça marche toujours aussi bien)

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