Rassurez-vous, mon dos va bien.

Depuis que je suis passé à temps partiel, je me rends compte, encore plus qu'avant, que les gens autour de moi ne vont pas bien. En bon desperate househusband que je suis maintenant, je suis plus souvent à trainer dans la cour d'école, et j'entends les discussions des parents d'élèves, surtout des femmes d'ailleurs, qui ne font que confirmer ce que j'entends de mes collègues, de mes amis et des autres.

Déprimes, coups de mou, petits bobos ou grosses maladies, tension nerveuse, stress, mal de dos, mal aux dents, cancers... Et des gens en pleurs, de plus en plus en face de moi (et pas toujours à cause de moi !). On travaille moins qu'il y a cinquante ou cent ans, on a mille et un matériels qui nous simplifient la vie quotidienne, on ne manque de rien et surtout pas de bouffe, et pourtant, qu'est-ce qu'on peut en chier, par moment. À des degrés divers, bien sûr. Pour certains, ça va être juste une grosse difficulté pour se lever le lundi matin, et trouver la motivation pour aller au bureau ou à l'usine. Pour d'autres, ça va être de noyer le week-end dans l'alcool pour oublier tous ces cons et la détresse scolaire du petit dernier. Enfin, pour ceux qui sont psychologiquement assez forts pour tout supporter, c'est le corps qui va lâcher, un genou de traviole, un rhume qui s'éternise, une allergie aux pollens carabinée, des migraines à répétition... Notre organisme est assez inventif quand il s'agit de nous alerter qu'un truc ne tourne pas rond.

Sur-sollicités, nous courons toute l'année après un idéal qui s'enfuit comme l'âge de la retraite recule. La plupart du temps, on se trompe de cible. À vouloir le meilleur pour nos gosses, on ne leur donne pas l'essentiel : du temps. Dans l'espoir de profiter de la vie, on accumule les loisirs chronophages et les sorties qui coûtent cher. Le bonheur est pourtant, je crois, dans notre capacité à ne rien faire et ne rien acheter pour le chercher.
Je suis souvent surpris de voir des gens overbookés, qui jonglent entre une vie professionnelle accaparante et les activités extra-scolaires de leurs enfants qui s'ajoutent à leurs devoirs, je suis surpris, donc, de les voir prendre un temps incroyable pour ajouter encore de l'instabilité et de l'activité dans leur vie. C'est comme une drogue. Ils prévoient un séjour en famille à chaque vacances scolaires, une sortie chaque week-end, changent de voiture tout le temps, remplacent leurs gadgets high tech par d'autres qu'ils maitriseront encore moins. Il n'y a qu'à regarder le plat de spaghettis qu'on trouve derrière chaque téléviseur pour s'imaginer les nœuds dans le cerveau qu'on se fait pour accéder à une énième chaine pourrie qui diffuse la Grande vadrouille au mieux, et la coupe du monde au pire.

Dans cet état de manque savamment entretenu par la publicité et les médias, pas étonnant que personne n'envisage l'idée de s'arrêter un instant pour souffler et regarder derrière nous, la trace qu'on a laissée. Le risque, c'est qu'on se rende compte que tout ce qu'on a accumulé comme objet et comme expériences, n'était que du plaisir synthétique et fabriqué à la chaîne. Que si l'on avait passé le temps qu'on a passé au boulot pour pouvoir acheter toutes ces bagnoles et ces télés avec nos gosses et nos proches, notre vie aurait somme toute été bien plus réussie.

Commentaires

1. Le samedi, 29 mai 2010, 15:26 par Agase

Et donc, c'est quoi le mal du siècle ?

2. Le samedi, 29 mai 2010, 21:31 par pierre

Salut,

t'es dur avec la Grande Vadrouille, moi j'aurais choisi comme chaine pourrie, celle qui diffuse Kho Lanta ou similaire...

3. Le samedi, 29 mai 2010, 21:34 par pierre

correction,

C'est vrai que tu dis "qui diffuse la Grande vadrouille au mieux"...

4. Le dimanche, 30 mai 2010, 11:42 par Merome

Agase : Le mal du siècle, selon moi, c'est cette course en avant que je décris.

5. Le lundi, 31 mai 2010, 09:57 par Tassin

@ Mérome :

C'est exactement le ressenti que j'ai également. Beaucoup de gens se plaignent de trimer comme des dingues et de pas pouvoir mettre de côté alors qu'ils cèdent à l'acquisition d'un nobjet (ou pire : un nobjet avec abonnement) dès qu'ils ont 2 sous en poche ou un salaire permettant de contracter un crédit.

Je les plains vraiment. Le capitalisme est quand un système diabolique, arriver à exploiter les gens à ce point malgré tous les gains de productivité accomplis depuis 2 siècles c'est extrêmement pervers... En plus maintenant on leur dit qu'il va falloir travailler plus et ces neuneus là se résignent "bah oui c'est vrai on vit plus vieux qu'avant"...

Pour paraphraser Saez "L'homme ne descend pas du singe, il descend plutôt du mouton"

http://www.deezer.com/fr/#music/sae... (Tu dois déjà connaitre mais au cas où, ça devrait te plaire!)

6. Le lundi, 31 mai 2010, 19:01 par Nath

Tiens tu sais quoi Merome, je crois que tu aurais plaisir à faire la lecture à tes enfants le soir de cet excellent bouquin qu'est "Momo" de Michael Ende.

7. Le dimanche, 6 juin 2010, 18:20 par david

Il y a deux livres "anti-manuel d'économie" ("les fourmis" et "les cigales" de Bernard Maris) qui, parmi d'autres aspects abordent ce sujet de la valeur du temps dans le système capitaliste.
Le mythe de "capitaliser en travaillant beaucoup pour profiter de sa retraite" et le besoin "d'avoir toujours l'objet dernier cri", ne semblent pas forcément aller dans le sens de vivre heureux l'instant présent.

Assez fort pour un système qui justement promet toujours un meilleur bonheur, et nous convainc que nous le sommes plus aujourd'hui qu'autrefois.

Et en faisant ce constat, on peut se demander quelle est ampleur du gâchis énergétique que l'on fait. Pour élargir la comparaison de Jean Marc Jancovici sur l'équivalent esclave-énergie (http://www.manicore.com/documentati...), combien d'esclave gâchons nous pour ne pas être plus heureux?

Ajouter un commentaire

Les commentaires peuvent être formatés en utilisant une syntaxe wiki simplifiée.

La discussion continue ailleurs

URL de rétrolien : https://merome.net/blog/index.php?trackback/668