Par le biais d'une interview de Serge Latouche, réalisée par RTLinfo.be

Puisque les chutes de neige, la grippe A, la crise économique semblent avoir pris le dessus sur les problèmes écologiques et économiques qui nous attendent et qui sont pourtant carrément plus dramatiques, reparlons un peu de décroissance.

Le "mot-obus" commence à faire son chemin, puisqu'il est repris, dans des termes positifs ou négatifs, même par les politiciens les plus en vue.
Nicolas Sarkozy, comme d'habitude, n'a rien compris, puisqu'il dit :

''Quand j’entends nos écologistes parfois dire qu’ils vont faire campagne sur le thème de la décroissance, est-ce qu’ils savent qu’il y a du chômage? Est-ce qu’ils savent qu’il y a de la misère dans le monde? Est-ce qu’ils savent qu’il y a près d’un milliard de gens qui ne mangent pas à leur faim et que la décroissance ça veut dire plus de misère pour tous ces gens-là ?''

Il feint d'ignorer que la misère du monde est précisément due à notre croissance à nous, une croissance sans partage, avec un énorme gaspillage de ressources naturelles qui s'épuisent.

Alain Juppé est un peu plus malin, il commence à se rendre compte que notre système de développement n'est pas tenable en tenant ces propos :

'' La crise et la dégradation de notre planète reposent sur une forme de folie humaine basée sur la démesure généralisée. Faut-il faire de la décroissance? Je pense que dans les pays pauvres, il faut de la croissance et qu'ailleurs, là où l'on gaspille, il est nécessaire d'envisager une forme de décroissance''

Bravo, c'est un premier pas (si on m'avait dit que j'encouragerais un jour Alain Juppé sur ce blog !).

La décroissance, je le redis, est avant tout un slogan. Il ne s'agit pas de faire exprès de s'appauvrir et de se complaire dans la misère et le retour à la nature. La décroissance, c'est un pied de nez au développement durable, qu'on nous vend comme une solution miracle aux problèmes actuels, alors que c'est LE problème.
La décroissance va bien au-delà du problème écologique. C'est un projet de société où l'humain redevient le centre de tout, alors qu'aujourd'hui, c'est l'argent qui domine.

Malheureusement, personne de sérieux n'a la possibilité d'en parler dans les médias traditionnels. Ces voix dissonantes ne sont pas entendues et lorsque par miracle on peut voir un débat digne de ce nom, il se déroule entre convaincus de la croissance et du développement durable.

RTLInfo.be a mis en ligne une interview de vingt minutes de l'économiste Serge Latouche. C'est aujourd'hui l'homme qui est sans doute le plus audible au sujet de la décroissance. Ses phrases sont claires, ses arguments sont percutants, il représente aujourd'hui complètement mon opinion sur le sujet.
J'aimerais tant qu'une chaine française ou une radio mette ce genre d'économiste en face de Nicolas Sarkozy ou de Martine Aubry. Il y a des questions simples auxquelles ils ne pourraient jamais répondre. Des questions que malheureusement personne ne pose aujourd'hui...

Courez donc écouter cette interview de vingt minutes. Et dites m'en des nouvelles.

Commentaires

1. Le dimanche, 31 janvier 2010, 20:42 par etheriel

Intéressant, aucun doute. Le diagnostic est à mon avis un bon diagnostic, mais le remède me semble (aujourd'hui) inapplicable (parce qu'il sera refusé par la société, tout simplement). Ceci dit, la bonne nouvelle, c'est que les parigots claqueront avant nous quand il n'y aura plus de supermarché :)

2. Le lundi, 1 février 2010, 08:14 par Merome

@etheriel : Content de t'entendre dire ça. Effectivement, le risque est qu'on attende la catastrophe pour mettre en place les bonnes solutions. Mais soyons optimistes, si déjà les gens prenaient conscience de ça, ils auraient peut-être une tout autre attitude et d'autres attentes. Aujourd'hui, on est toujours dans cette phase de prise de conscience et c'est pour ça que ce genre d'interview peut (pourrait) faire avancer les choses, si c'était diffusé sur des grands médias, à une heure de grande écoute...

3. Le lundi, 1 février 2010, 14:06 par kelux

Concernant l'« argumentaire » sarkozyste sur la décroissance, en voilà une déconstruction intéressante : http://www.lepost.fr/article/2009/1...
En tout cas ce qui est sûr, c'est qu'il vaut mieux que la décroissance soit décriée (à tort et à travers) qu'ignorée. On est sur la bonne voie !

4. Le vendredi, 26 février 2010, 23:04 par Anita

Je ne veux pas entrer dans un débat interminable car je suis très mal informée sur le sujet et j'ai très peu de référence à balancer mais j'aimerais quand même ajouter mon point de vue...

Le remède est inapplicable dans le sens où je pense qu'il s'agit d'une éternelle utopie, ou vraiment si ca n'est pas le cas, je dirais avec très peu de conviction que ce remède pourrait être appliqué par une partie seulement de la population. La phase de prise de conscience concerne seulement les gens les plus informés, qui s'y intéressent ou qui peuvent se permettre de considérer ce style de vie. Là n'est pas la question, surtout que vous parlez déjà de la décroissance, de la faim, du chômage etc, dans votre billet. Ce que j'entends par "inapplicable" et "une partie seulement de la population" je le précise maintenant..
J'aurais pu laisser ce commentaire dans nimporte quel post de ce blog car c'est un point de vue qui (malgré moi) casse tout optimisme possible.
Les gens en générale manquent parfois d'empathie, de compassion ou n'ont réellement, mais VRAIMENT, aucune idée de ce que les autres ont dans la tete ou endurent dans la vie (ou pas).
Les médias, les politiciens, les citoyens les plus altruistes sont les plus concernés par mon propos. Certes, le changement de climat, le développement durable, le commerce équitable, les produits bios, tous ces sujets éthiques sont repris par les médias, très à la mode en ce moment mais en même temps PLUS que sérieux et c'est quand même positif ! Les gens commencent à comprendre que jeter un sac plastique en pleine rue, prendre la voiture pour acheter son pain chez la boulangère de la rue d'à côté, fermer le robinet pendant qu'on se brosse les dents, éteindre la lumière quand on quitte une pièce, tout ca c'est bien pour la planète !!! (et ca n'est aucunement ironique) J'ai des tas d'exemples sur les gros consommateurs de tas de machin choses... mais vous m'avez comprise ! Les sujets que vous reprenez dans votre blog mènent à la reflexion et j'apprécie la lecture. Ce sont des sujets auxquels j'aime penser silencieusement ou dans des débats nocturnes en petit comité.
Je souhaite vraiment qu'un jour notre société prenne conscience de ce qu'elle pourrait être, si seulement on s'écoutait et qu'on osait ! (un peu d'optimisme)
Mais la réalité est tout autre. Là d'où je viens les gens ne savent pas qui est Pompidou, n'ont jamais pris la peine de jeter un oeil sur des paroles de Renaud, de Brel... n'écoutent que Nrj ou Skyrock fm, n'ont jamais lu aucun vers de Baudelaire. Devant chez moi, des mômes de 7 ans jouent dans des caddies Carrefour qui trainent en plein milieu de la rue, les sacs plastiques sont pris au piège dans des hautes branches tous les jours. Je vois des femmes qui peinent à vivre décemment. Une fois sortis du collège, les jeunes ados ne savent pas où aller, ils sont désoeuvrés, n'ont aucune passion dans la vie et n'aspirent à pas grand chose, n'ont aucune ambition professionnelle et sont trainés dans des lycées professionnels qui ne forment que des vendeurs, des comptables ou des secrétaires... Et c'est de là que part ce côté matérialiste des jeunes. Les mp3, les DS, la télé qui abrutie, les murs d'immeuble qu'ils tiennent, toutes ces choses superflux sont ce qui les font exister en quelque sorte et qui les divertissent. Et ce sont les seules choses qui les maintiennent "éveillés", occupés, ils ne connaissent de la vie que cela car c'est tout ce qui leur est proposé. De la politique, je peux mettre ma main à couper qu'ils ne connaissent que Sarkozy (pour ces méthodes), Besancenot (pcq il est marrant et a un drôle de discours), Royal (pour des embrouilles de récréation avec le méchant Sarko), UMP, PS, Bush (pour l'Irak), Obama (pcq il est noir) et qu'ils ont voté contre Sarko pcq Sarko est très peu populaire chez les jeunes révoltés !
Bon tout ça pour dire que certes les médias relayent l'information, montre des militants, des tas de choses qui sont censés refléter la société actuelle mais que ces images ne montrent en rien le monde dans lequel nous vivons au quotidien.
Je connais même des gens qui se foutent complètement, mais alors ROYALEMENT de l'écologie, parce qu'ils doivent survivre ; qu'ils ne peuvent consommer de produits bios car ils n'ont pas d'autre choix que de prendre le produit hard discount de chez ED, qu'ils jètent leur sac en plastique dehors pcq ils n'ont aucune idée de ce qu'est l'écologie, qu'ils n'éteignent pas la lumière tout simplement parce qu'ils n'ont pas de toit. Pcq il y a des gens qui ne savent pas lire, qui n'ont pas la radio.. il y a des gens tellement pas intéressés et il y a des gens qui sont tellement BIEN dans leur petit confort personnel que ce genre de sujet ne les atteint même pas. Il y a des gens à qui ca n'a même pas traversé l'esprit une seconde. Il y a des gens qui ne pensent tout simplement pas.
Bon j'espère que vous avez compris le fond de ma pensée car je suis un peu hors sujet lol. Je veux vraiment parler de tous ces gens qui ne sont pas au courant que le monde tourne encore et qu'ils se passent des choses graves dehors, qui rejètent toutes responsabilités individuelles. Je parle aussi de tous ces politiciens qui parlent de ce qu'ils ne connaissent pas; qui sont en plus censés prendre des décisions pour le bien de tous. Je parle des médias qui sélectionnent des images, qui "hiérarchisent" les informations au jt et je parle des gens même bienveillants qui rêvent d'un monde meilleur sans jamais avoir mis un pied de l'autre côté du canal et aussi des désillusionnés qui sont justement de ce côté du canal.

C'est un message qui prône l'empathie générale en quelque sorte. Car c'est déjà un grand pas, non ?

5. Le samedi, 27 février 2010, 09:29 par Merome

@Anita : J'ai un peu de mal à comprendre ton long commentaire. Sous prétexte qu'une partie de la population n'a pas accès à l'information, n'a pas conscience des problèmes écologiques, il faut laisser tomber l'idée de changer la société ? Je pense qu'en 1789, pour faire un parallèle audacieux, il y a un paquet de paysans dans des coins reculés des campagnes qui ne savaient ni lire, ni écrire, qui n'avaient aucune conscience politique, qui n'avaient connue que la monarchie et l'asservissement. Cela n'a pas empêché la révolution de se produire et la démocratie de progresser.

Je ne prône pas une révolution "à la 1789", mais il me semble tout à fait envisageable que la société se tourne vers plus de sobriété générale, même si dans les bidonvilles et les banlieues, les gens sont totalement inconscients de ces problèmes.

6. Le samedi, 27 février 2010, 13:38 par Anita

Oui biensur, mon commentaire comme je disais, pouvait paraître à côté de la plaque. Ce que je pense c'est que l'on ne peut pas changer le monde entier, même si je suis absolument pour le fait d'essayer ! :)
Mais personnellement je crois que l'information doit avant tout franchir les mailles du filet !
Ce que je dénonce c'est le fait qu'il y ait des "citoyens" qui vont voter, qui payent des taxes, etc, alors qu'ils ne savent même pas pourquoi ! comment voulez vous sensibiliser la société alors qu'une bonne partie de celle ci ne sait même pas de quoi ils causent !
Plus on avance et plus les gens ne se sentent pas concernés et c'est quelque part de là que part le rejet de la responsabilité individuelle !

Bien à vous.

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