Jamais on a vu pareilles désinformations se succéder en si peu de temps. Ou alors notre oeil acéré par de multiples expériences passées nous les fait voir comme le nez au milieu de la figure ?

Si vous n'aviez pas encore remarqué que la politique est devenue une gigantesque affaire de communication, je pense que ce qui s'est passé ces dernières semaines devraient achever de vous convaincre. Chaque jour arrive avec son lot de fake news tout à fait officielles si bien que j'en ai sans doute oubliées plein depuis le 17/11, date à laquelle le festival a commencé.

Le symbole parfait

Ce qui a tout déclenché, c'est le choix particulièrement judicieux du gilet jaune comme symbole de ralliement. Par définition, l'objet est ultra visible de loin, tout le monde en a un dans sa voiture, ça ne coûte rien de le poser sur le tableau de bord, ça permet de compter facilement les soutiens et les forces en présence, au quotidien, ce sont les travailleurs pauvres qui le portent sur les chantiers, il est lié à la bagnole comme les toutes premières revendications qui concernaient la hausse du prix de l'essence... Même le New York Times n'a pas hésité à comparer ça aux "sans culottes".

L'autre coup de génie involontaire, c'était de râler sur les taxes et ainsi de se mettre au diapason de quelques éditorialistes qui ne manquent pas une occasion de se plaindre, pour de toutes autres raisons, des charges qui pèsent sur les français, les plus taxés au monde. Ils ont lancé le mouvement mieux que quiconque en lui faisant une publicité incroyable pour se raviser ensuite en voyant la liste des revendications révolutionnaires qui s'allongeait.

Cette double réussite a propulsé le mouvement et il a fallu sortir l'artillerie de communication lourde pour tenter d'endiguer la propagation.

Première phase : "y a rien !"

"D'abord, ils vous ignorent", et c'est ce que le gouvernement a tenté de faire jusqu'au 1er décembre. On s'amuse de ceux qui font la chenille sur les ronds points et les passages piétons, on exhibe un ou deux hurluberlus de nature à faire passer le mouvement pour une gentille mais irréaliste ronchonnade contre les moulins à vent. mais à ce moment là du game, il n'y a absolument rien d'inquiétant et tout est parfaitement sous contrôle.

Jusqu'au 1er décembre, il est hors de question de lâcher du lest, droits dans leurs bottes, le premier ministre et le président s'occupent des affaires importantes du pays, eux.

Deuxième phase : "c'est l'extrême-droite"

Puisque les premiers casseurs apparaissent, savamment provoqués par des forces de l'ordre un peu survoltées, c'est le moment de sortir la carte de l'extrême-droite haineuse et violente. Regardez comme ils cassent des vitrines et saccagent même l'Arc de Triomphe. On sort du rang quelques figures médiatiques censées "représenter" les gilets jaunes, mais surtout choisies pour leurs incohérences manifestes, ou l'espoir qu'on a de pouvoir les "acheter" facilement. Une fois montées en égérie, il suffit de casser ces images pour casser le mouvement. Pas de bol : chaque nouveau personnage exhibé est immédiatement rejeté par les autres gilets jaunes. Pas moyen de tuer l'hydre dont les têtes renaissent.

Troisième phase : "la fin du monde"

Entre le 1er et le 8 décembre, rien ne va plus. Le premier ministre cède quelques miettes, se fait corriger par le président, mais surtout, on diffuse partout l'idée que le prochain rassemblement, celui du 8 décembre sera voué au culte de la barbarie. On annonce des morts, des volontés de tuer de certains radicalisés et on invite chacun à rester chez soi. Parallèlement, on change de tactique de maintien de l'ordre. Au lieu de pousser les manifestants à la faute en les nassant tous ensemble, on les disperse façon puzzle, dans plusieurs avenues de Paris. A la télé, beaucoup moins d'images chocs, les rangs semblent dispersés et toute la catastrophe qu'on avait annoncée n'a pas lieu : la preuve que les forces de l'ordre sont efficaces et que le mouvement s'essouffle. Ou pas. Finalement le 8 décembre, il y eut encore plus de dégâts que lors des actes précédents. L'objectif était bien, après avoir tenté de montrer un peuple assoiffé de sang sombrant dans la violence aveugle, de cacher au grand public la poursuite du mouvement. Pendant ce temps, un hélicoptère était réquisitionné au cas où pour sauver les miches de Macron si ça tournait au vinaigre.

Quatrième phase : "fin de la récréation"

La désinformation s'intensifie avec le discours du président Macron le 10 décembre. Les annonces faites sont totalement bidonnées, mais les journalistes sont unanimes : les gilets jaunes doivent s'estimer heureux d'avoir obtenu tout ça et rentrer chez eux, maintenant ! Mais le coup des 100 euros pour les smicards qui n'est pas vraiment 100 euros et pas vraiment pour tous les smicards, et la défiscalisation des heures supp qui n'est autre qu'une baisse du salaire indirect, la ficelle est tellement grosse que le mouvement ne perd pas de sa vigueur.

Là-dessus arrive l'attentat de Strasbourg, et sans penser une seule seconde qu'il a été provoqué, il arrive à point nommé pour le story-telling gouvernemental : les gilets jaunes doivent être sérieux et laisser les forces de l'ordre faire leur travail, comme si c'était les CRS qui chassaient les terroristes...

Phase en cours : "on étouffe le feu et on serre les fesses en attendant Noël"

En empêchant les manifestants de rejoindre la capitale par tous les moyens, on s'assure que les images de Paris en flammes ne donneront pas de vilaines idées à d'autres révolutionnaires en herbe. On bloque les autoroutes et on annule les trains et ensuite on dit que le mouvement est en net recul. Manque de bol encore une fois, dans les grandes villes de province ça continue de chauffer, notamment à Bordeaux et Toulouse.

La propagande se fait alors encore plus grossière : Sur France 3, on photoshope les pancartes anti-macron !

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Mais alors que le premier ministre fait des efforts de pédagogie monstrueux pour expliquer les mesures annoncées la semaine précédente (on délaye bien la  (même) sauce pour qu'elle tienne plus longtemps), le patron des députés LREM avoue que le gouvernement a été trop intelligent et trop subtil pour être compris par ces cons de les français.

On s'assure également que le référendum d'initiative citoyenne soit bien associé à l'extrême-droite et au populisme de bas étage. Il y a une certaine logique, d'ailleurs, puisque le peuple est trop bête et les élites (celles-là même qui nous ont mené dans le mur écologique partout dans le monde depuis des décennies) tellement intelligentes.

Je ne sais pas sur quoi va déboucher cet épisode marquant de la vie politique française, mais une chose est sûre : c'est passionnant à observer.

Et vous qu'avez-vous noté comme désinformations manifestes ces dernières semaines ?

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