La révolution ne sera pas syndiquée (non plus)

Compte-rendu d'un passage éclair à la "marée populaire" près de chez moi

Après la fête à Macron, le 6 mai, où j'avais fait un saut par sympathie pour la démarche de François Ruffin, je suis allé ce jour à la "marée populaire" pas loin de chez moi, pour les mêmes raisons. Bon chez nous c'était marée basse, même si un peu plus de monde que le 6 mai, mais l'insuccès de la formule ne m'étonne pas quand je vois comment ça se passe.

Je ne suis pas un fada des manifs et j'ai même jamais fait grêve. L'idée de défiler derrière des drapeaux me laisse plutôt froid et quand je vois les résultats que ça donne, je me dis que j'ai peut-être pas tout à fait tort. Il se dit que tous "nos acquis" ont été obtenus par ce genre de (dures) luttes, j'avoue que j'ai un peu de mal à me l'imaginer, mais j'ai peut-être pas assez de culture.

Aujourd'hui, il y avait plus de drapeaux que de gens en dessous, la plupart étaient rouges, de la CGT, de lutte ouvrière, du PCF, même. Ça sentait grave la naphtaline, et un peu la bière aussi. Un mec de la CGT a pris la parole, et a commencé par baver sur les quatre gugusses qui étaient sous les drapeaux bleus de l'UPR, appelant même au micro à les siffler pour montrer comment on était pas contents de les voir là. J'aime pas plus le drapeau de l'UPR que les autres, hein, mais quand on est déjà pas nombreux à s'être déplacés, commencer par chier sur ceux qui ont fait l'effort, je trouve pas ça super fair-play. Je me suis cru dans un stade lors d'un match PSG-OM.

La convergence des luttes, ok, mais seulement sous des drapeaux rouges. Et encore, un gars de lutte ouvrière a pris la parole ensuite, il avait sa propre sono parce qu'on a beau être de gauche, on partage pas les postillons, et la sono de la CGT coûte sans doute trop cher pour qu'on se permette de la laisser aux mains de gens qui pensent qu'il faut pas se contenter d'élire un autre mec qui lave plus plus rouge. Du coup, on n'a pas trop entendu ce qu'il a dit parce que sa sono à lui était bien pourrave.

Je suis parti à ce moment là, j'ai eu peur que Macron envoie les CRS parce qu'on était trop disruptifs. Et j'ai repensé à cette chanson de Renaud :

 

Surtout ce passage :


C'est pas d'main qu'on m'verra marcher
Avec les connards qui vont aux urnes
Choisir c'lui qui les f'ra crever
Moi ces jours-là j'reste dans ma turne
Rien à foutre de la lutte de crasse
Tous les systèmes sont dégueulasses

J'peux pas encaisser les drapeaux
Quoiqu'le noir soit le plus beau
La Marseillaise même en reggae
Ca m'a toujours fait dégueuler
Les marches militaires ça m'déglingue
Et votre république moi j'la tringle
Mais bordel où c'est qu'j'ai mis mon flingue

Note : J'ai beaucoup de respect pour le travail d'éducation populaire des syndicats et même de certains partis. Ils ont enseigné à des générations de travailleurs à organiser des idées, à prendre la parole en publique, à débattre, argumenter... Par contre, je suis beaucoup plus circonspect sur leur utilité dans une optique révolutionnaire. J'en veux pour preuve ce que certains appellent le syndrôme Charlety.

Commentaires

1. Le mardi, 29 mai 2018, 14:25 par Un collègue du 3ème

Il me semble avoir lu, ou entendu, qu’après tout un syndicat c'est un parti politique comme un autre qui milite pour avoir des adhérents qui cotisent et ainsi avoir la plus grosse...manif.

D’après moi, l'anarchie (d'une grève générale) n'est pas dans l’intérêt d'un parti (et donc d'un syndicat) qui par nature est tout son contraire (organisé & hiérarchisé).

Bref, on est d'accord, nul place pour la politique et les syndicats dans une révolution.

Pour ma part, la vrai question qui me taraude est de savoir ce qu'il manque aujourd'hui pour enflammer la mèche ???

2. Le mercredi, 30 mai 2018, 10:44 par Merome

Ce qui manque, c'est une flamme et une mèche. C'est à dire suffisamment de gens qui sont prêts à se mettre d'accord pour faire un acte "révolutionnaire".

Les partis et syndicats nous divisent au lieu de nous rassembler. Ils éloignent la flamme de la mèche. Et trop de gens (dont moi) ont encore beaucoup trop à perdre pour prendre des risques dans un acte révolutionnaire.

3. Le jeudi, 31 mai 2018, 11:32 par Un collègue du 3ème

Je pense que tu as bien résumé la situation !

Tant qu'on vivra dans ce confort moderne tout ira bien. Il faut attendre encore 10-15 ans pour que la situation se complique vraiment et qu'il y ai une chance d'avoir un mouvement de masse.

En attendant, on peut aussi regarder ce qu'on aurait à gagner en changeant des choses pour se convaincre de faire quelque chose ? Au moins à notre échelle...et se préparer à un demain différent...

4. Le jeudi, 21 juin 2018, 23:37 par Eric Tremblay

J'en viens au même constat de l'autre côté de l'atlantique.
Les syndicats étaient au coeur de la Révolution Tranquille dans les année 60, suivit des grandes luttes ouvrières des années 70 et finalement du nationalisme des années 80.
Le syndicalisme moderne n'est plus porteur de révolution, à l'image des "vieux" partis politique, ils se limitent à trouver de nouveaux membres et conserver leur acquis.
Pendant le printemps érable de 2012 on a cru qu'il se passait quelques choses dans la société, on se débarrassait d'un gouvernement corrompu mais, il ne s'agissait que d'une pause, ayant repris le pouvoir 2 ans plus tard.

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