L'algorithme de sélection des candidats aux études supérieures n'est pas si mauvais que ça, c'est à peu près tout le reste qui est foireux.

Je suis concerné au premier chef par l'algorithme Parcoursup dont tout le monde parle en ce moment puisque mon n°1 passe le bac cette année et a fait plusieurs choix de poursuites d'étude dont nous attendons impatiemment la décantation progressive.

Bref résumé pour ceux qui ne se sont pas intéressés à la chose faute d'être concernés : les lycéens de terminale ont eu à déclarer leurs choix de poursuite d'étude, sans les classer, sur une plateforme appelée "Parcoursup" il y a quelques mois. Outre les bulletins de 1ère et Terminale (1er et 2nd trimestre uniquement) qui étaient automatiquement repris sur la plateforme, les candidats devaient produire une lettre de motivation pour chacune des filières choisies.

La plupart des filières sont sélectives, c'est-à-dire qu'elles recrutent les candidats sur dossier. Il faut être plutôt fort en maths pour faire une prépa maths. Avoir de bonnes notes en anglais est un préalable important pour intégrer une licence de langues étrangères appliquées... Mais on ne sait pas exactement les critères qui sont retenus car la méthode de classement des candidats pour chaque filière est tenu secret, et se produit en dehors et "en amont" de parcoursup.

Ce point est particulièrement problématique parce qu'il laisse planer les plus gros doutes quant à la pertinence des critères de sélection et peut constituer une porte ouverte à toute forme de discrimination (âge, sexe, race, provenance, horoscope...). À mon sens, cela n'a pas grand chose à voir avec l'algorithme Parcoursup lui-même. De la même manière, le fait que les filières soient (de plus en plus) sélectives, y compris celles qui ne l'étaient pas du tout avant (faculté), n'est pas à relier à l'algorithme Parcoursup.

Au contraire, l'algorithme Parcoursup lui-même s'efforce de prendre en compte ces contraintes "extérieures" pour offrir aux candidats les attributions les plus justes possibles. Et pour autant que je puisse en juger avec ma triple casquette de père de futur étudiant, de programmeur, et de joueur (oui, l'algorithme n'est pas sans rappeler des mécanismes de certains jeux de société moderne comme le draft, par exemple), cela me semble correct.

La première bonne idée, à mon avis, c'est de ne pas classer les voeux d'emblée. C'est déjà très difficile en milieu d'année scolaire d'évaluer la pertinence de telle ou telle filière pour tel gosse, mais en plus, il est difficile d'avoir une idée claire des chances d'être pris à un endroit ou un autre, vu que les algos de chaque filière sont secrets. La bonne stratégie était, je crois, à ce stade, de distribuer ses choix à différents niveaux d'étude, pour tâter le terrain et maximiser les chances d'avoir quelque chose. Pour n°1, nous avons choisi une classe prépa, une licence, plusieurs DUT et plusieurs BTS dans des domaines proches de son projet d'étude (l'informatique comme son popa). Et pour chacun des DUT et BTS, nous avons choisi plusieurs villes dans un rayon de 300 km autour du domicile pour ratisser large.

Le 22 mai à 18h, les premiers résultats tombent et le site de parcoursup aussi. Honnêtement, c'était inévitable, d'autant que l'horaire d'ouverture officielle avait été claironné partout, tout le monde tapotait nerveusement la touche F5 pour actualiser la page du navigateur dès 17h58. Rapidement, des sites "de débordement" ont été mis en place et ont permis d'accéder en lecture seule aux premiers résultats. Pour nous, c'était plutôt encourageant : n°1 était d'ores et déjà admis dans 2 DUT et 1 BTS et toutes les autres filières demandées avaient répondu "oui" ("oui si" pour la Licence) et nous mettaient sur liste d'attente.

Il y a certes une part de chance là-dedans : certaines filières sont plus en tension que d'autres, et certaines régions n'offrent que peu de places par rapport au nombre de candidats, mais ces données peuvent être connues au départ (notamment en se renseignant sur ce qui s'est passé les années précédentes, en demandant au voisin ce qu'il fait l'année dernière, etc...). À partir de là, si vous voulez faire un truc particulièrement demandé, soit vous êtes très bon, soit vous acceptez d'aller très loin. Dans tous les cas, les désagréments liés à ça ne sont pas directement liés à Parcoursup, mais plutôt au fait que l'enseignement supérieur manque de budget et que les nouvelles pratiques en matière d'éducation (redoublement rare, notes généreuses voire plus de notes du tout, élargissement du nombre de matières, augmentation du nombre d'élèves par classe...) ont conduit lentement à cette situation.

À partir de là commence le draft. Chaque candidat a une semaine pour faire le tri dans les filières où il est admis. On ne peut garder qu'une seule filière en tête de gondole (tout en attendant éventuellement mieux en fonction de l'évolution des files d'attente). Dans notre cas, nous avons renoncé au BTS jugé moins intéressant que le DUT. Et entre les deux DUT de même spécialité, on a gardé le plus proche de chez nous. Par ailleurs, les filières dans lesquelles n°1 était en liste d'attente mais qui nous intéressaient moins que le DUT où il était déjà admis ont été abandonnées aussi, ce qui a libéré de nouvelles places pour ceux qui attendaient.

Chaque matin, un nouveau round commence, et les chiffres sont mis à jour en fonction des acceptations et renoncement de la veille. Grossièrement, on pourrait dire que ceux qui sont acceptés en prépa renoncent aux DUT, ceux qui sont acceptés en DUT renoncent aux BTS... Mais c'est parfois plus compliqué que cela, selon les spécialités et le lieu de la formation. Par exemple, vaut-il mieux accepter une formation moyenne mais à deux pas de chez soi ou un truc mieux mais loin ? Parfois, c'est le porte-monnaie qui va décider et c'est moche, mais là encore, parcoursup n'y est pour rien du tout.

En scrutant l'évolution des files d'attente, on peut commencer à se faire une idée des objectifs atteignables ou pas. En moyenne, sur deux jours, notre fils gagne entre 5 et 10 places par jour dans chaque file. Une progression qui devrait peu à peu ralentir puisque de plus en plus de gens auront obtenus ce qu'ils voulaient et ne changeront plus rien. Difficile de dire si un classement en 13ème position sur une liste de 145 va finir par déboucher sur une admission, mais c'est intéressant à observer, d'un point de vue ludique. D'autant qu'il y a des dates butoirs qui forcent l'agitation des listes d'attente : il faut obligatoirement se prononcer entre les différentes filières où l'on est admis dans la semaine qui suit. J'imagine que certains indécis gardent sous le coude plusieurs choix sans vouloir renoncer tout de suite à des filières déjà pas si mal. Ils seront forcés de le faire dans la semaine, je m'attends donc à un nouveau saut dans les files d'attente le 30 mai.

Il y a eu quelques bugs, parait-il, des chiffres incroyables ou incohérents dans les listes d'attente. Aucun système n'est totalement propre et je suppose que les corrections ont été apportées. On peut également sourire en voyant ces lycéens qui ont trollé dans la lettre de motivation et ont été sélectionnés quand même. Mais dans l'ensemble, le système est pas si mal foutu et le code a été rendu public sur framagit.

Bref, il y a mille et une raisons de pester contre le système scolaire, de manifester contre Macron, d'hurler à l'injustice et aux inégalités et je suis d'accord avec la plupart d'entre elles. L'algorithme de parcoursup me semble plutôt atténuer les problèmes en étant relativement transparent et contrôlable. Donc ne nous trompons pas de cible.

Commentaires

1. Le jeudi, 24 mai 2018, 11:58 par Jean

Très bonne analyse.
Merci.

2. Le jeudi, 24 mai 2018, 13:19 par 7zéro883

Dans cette affaire,à l'évidence,le ministère macronien ne raconte que des craques et prend les futurs étudiants pour des gogos !C'est le grand n'importe quoi !

3. Le mardi, 29 mai 2018, 23:54 par Krka

Bonjour,
je me permet un lien sur un article intéressant sur ce sujet :
http://econoclaste.org.free.fr/econ...
Ta modération vient du bon résultat dès le début (et tant mieux pour ton n° 1).
Amicalement
Krka

4. Le mercredi, 30 mai 2018, 10:52 par Merome

Merci Krka pour cet article effectivement intéressant avec lequel je suis d'accord sur l'essentiel. Là où il se trompe, à mon sens, c'est sur l'importance cruciale des 2 derniers mois pour classer ses choix. Les capacités de l'élève et ses envies peuvent fortement être affectées par ce qui se passe en quelques semaines. La prise d'informations sur les différentes filières a aussi altéré notre jugement. Enfin, l'évolution des files d'attente renseigne également sur les filières qui sont en tension et celles qui peinent à recruter (ce qui est plutôt mauvais signe, je crois). Ainsi, avec n°1, on a pu voir que tel DUT n'était pas très sélectif, alors que tel autre était en réalité plus demandé qu'une prépa qui sur le papier paraissait "meilleure". Cela permet aussi de se rendre compte des voeux "non réalistes", soit parce qu'ils sont directement refusés, soit parce que la file d'attente et si longue et/ou évolue si lentement, qu'il ne faut rien espérer de ce côté. Cette transparence est vraiment utile.

J'ai commenté là-bas aussi. (edit : mon commentaire n'est pas paru :( )

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