Écrire des comédies pour le théâtre peut paraître assez futile et très peu engagé, mais en s'y prenant bien, on peut tenter de faire passer quelques messages subliminaux de nature à réveiller quelques consciences de plus, ou simplement titiller les consciences déjà éveillées.
Je l'ai déjà dit mille fois ici et ailleurs, mais je crois profondément que nous ne pourrons faire face aux enjeux sociétaux qui approchent (crises écologique, économique, monétaire, sociale, énergétique...) que si une masse critique est parfaitement consciente de ce qui est en train de se passer. Il n'y a pas de meilleure façon de faire passer un message que de l'associer à une émotion, et le rire en est une particulièrement efficace.
Tout ça pour dire que j'ai commis une nouvelle pièce de théâtre comique. Comme chacune de mes modestes créations, elle est proposée sous licence Creative Commons BY-ND, ce qui est en soi déjà un acte politique. "Pourquoi vendre toujours quand il y a temps à donner ?" disait un grand chanteur. Les troupes de théatre amateurs qui créent du lien social et dispensent de la bonne humeur dans nos villes et nos villages n'auront donc aucun frais à prévoir pour jouer la pièce. Et quand j'apprends qu'une de mes pièces est jouée au profit des restos du coeur ou des pédiatres du monde comme c'était le cas tout dernièrement, je suis bien content que pas un euro ne parte dans ma poche, ni dans celle d'une quelconque société d'auteurs.
Mais venons-en à cette nouvelle pièce "Destination Vénus", prévue pour être jouée par deux femmes et deux hommes (et une voix-off). La grosse originalité de la pièce est qu'elle se déroule à l'intérieur d'un vaisseau spatial en partance pour la planète Vénus ! Un couple d'astronautes a été choisi pour partir à la rencontre d'une possible vie extra-terrestre dont un signal nous est parvenu de Vénus. Outre les disputes conjugales qui ne manquent pas de mettre à jour les travers de notre société patriarcale, la rencontre avec les Vénusiens sera l'occasion de porter un regard extérieur sur notre planète et les conséquences de nos choix sociétaux sur notre avenir. De quoi rire un peu jaune, mais sans culpabiliser. Juste faire réfléchir en s'amusant...
Voici un extrait du début de la pièce. Alexandre et Florence forment le couple d'astronautes qui a été sélectionné pour partir sur Vénus. Après des mois de voyage en tête à tête, leur relation déjà compliquée s'est encore tendue, on entrevoit dans leurs échanges ici la question de la charge mentale :
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ALEXANDRE : Les coordonnées du point d'émission. Tu me les donnes ? Pour que j'ajuste la trajectoire.
FLORENCE : Mais je ne les ai pas moi !
ALEXANDRE : Comment ça tu ne les as pas ?!
FLORENCE : C'était pas à moi de les prendre. C'est toi le pilote !
ALEXANDRE : (faussement calme) Ne me dis pas que tu as laissé sur la table de nuit, à la maison, le papier que j'avais posé là avant de partir en te disant : « surtout t'oublieras pas de le prendre demain parce que sinon, on est dans la merde ».
FLORENCE : (s'insurgeant) Ça ne s'est pas passé comme ça ! Tu m'as dit, très exactement, et je me rappelle très bien parce que ça m'a franchement énervée que tu me dises ça comme ça ; tu m'as dit, très exactement : « fais-moi penser à prendre ce papier demain ».
ALEXANDRE : (défiant) Admettons. Et ? Il est où ce foutu papier ?
FLORENCE : Je t'ai dit pendant qu'on prenait le petit-déjeuner, et je m'en rappelle très bien parce qu'à ce moment-là tu mâchais ta tartine avec la bouche ouverte alors que tu sais très bien que ça m'énerve (elle mime la scène), je t'ai dit, texto : « Tu penseras à prendre ton papier sur la table de nuit ».
ALEXANDRE : Tu m'as jamais dit ça !
FLORENCE : Je te jure que je l'ai dit. Seulement tu m'écoutes jamais. (vexée, elle croise les bras en regardant devant elle)
ALEXANDRE : (montant d'un ton) Tu m'as jamais dit ça !
FLORENCE : (solennelle) Je te jure, sur... Sur la tête des enfants que tu ne veux pas me faire, je te jure que je te l'ai dit, au moment où tu mâchouillais tes tartines (elle mime avec sa bouche qui s'ouvre et se ferme exagérément).
ALEXANDRE : Mais c'est pas possible ! Voyager avec toi, je te jure ! Il me faudrait une médaille ! Comment on fait, maintenant, pour trouver l'endroit ?
FLORENCE : On n'a qu'à téléphoner.
ALEXANDRE : Et à qui ? (moqueur) Aux vénusiens ? T'as leur numéro ?
FLORENCE : À la Terre, idiot ! On leur dit qu'on a oublié les coordonnées...
ALEXANDRE : Et on va passer pour quoi ?
FLORENCE : (l'air de rien, en regardant ses ongles) Et puis on leur dira aussi que t'as oublié de prendre des slips de rechange...
ALEXANDRE : (s'énervant) Mais c'est pas vrai, tu ne vas pas remettre ça !
FLORENCE : Je dis ça, je dis rien...
ALEXANDRE : Ouais, dis rien. Ça vaut mieux que de dire des conneries. S'il te plaît... Mes vêtements, je les avais tous préparés et mis dans ma valise. C'est juste que... j'ai oublié de prendre la valise.
FLORENCE : Ah !
ALEXANDRE : (corrigeant) Mais les slips, ils étaient dedans ! J'y avais pensé !
FLORENCE : En attendant, qui est-ce qui se farcit la lessive de ton unique slip, tous les jours depuis qu'on est partis ? C'est bibi.
ALEXANDRE : Oui mais je pourrais très bien le garder plusieurs jours. Moi ça me fait pas peur...
FLORENCE : Pas question. Si tu chopes des microbes ici, qui c'est qui va te soigner ? Je te préviens, c'est pas moi... Déjà que je dois te supporter tout nu dans le lit pendant que ton slip sèche toute la nuit.
ALEXANDRE : Tu oublies de dire que c'est parce que tu veux pas qu'on le sèche dans le micro-onde. Y en aurait pour deux minutes !
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L'intégralité de la pièce peut-être téléchargée en cliquant sur ce lien. Si elle vous (dé)plaît, n'hésitez pas à m'expliquer pourquoi en commentaires, et à la diffuser aux troupes amateurs et professionnelles qui chercheraient à jouer une pièce drôle mais pas totalement débile, je crois.
Commentaires
Bonjour,
Où peut-on voir la pièce ?
Bonne journée,
@Seb : comme je viens seulement de la mettre en ligne, il faut laisser aux troupes le temps de s'en emparer et de monter des représentations. Je me suis laissé dire qu'une troupe était en train de la travailler dans le 86. Mais il faut patienter quelques mois...
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