Quand l'urgence est absolue mais encore mal perçue par la masse critique...

Une nouvelle année qui débute, c'est l'occasion de se reposer une millième fois cette question qui me taraude et qui préoccupe sans doute tous ceux qui ont pris conscience des enjeux climatiques, environnementaux, sociaux et politiques à venir tout prochainement : comment être le plus efficace ?

Récemment, Nicolas Hulot s'est fait épingler pour ses multiples engins à moteurs qui puent et qui polluent, brouillant ainsi le message qu'il transmet pourtant avec beaucoup d'ardeur depuis des années. Peut-on être crédible en prônant pour la société une forme d'ascétisme quand on utilise ce genre d'engins roulant, flottant ou volant ? Je crois que oui. Parce que l'effet positif des actions et des émissions de Nicolas Hulot depuis 30 ans est incalculable. Serions-nous sensible à la perte rapide de biodiversité si Ushuaïa ne nous avait pas, vingt ans plus tôt, montré sa splendeur ? À quel point la lecture du "Syndrôme du Titanic", puis de "Pour un pacte écologique" ont précipité ma propre prise de conscience ? Sa participation à la primaire écolo 2012 n'a-t-elle pas montré à tous les électeurs le décalage entre le parti EELV et ses sympathisants ? Nicolas Hulot est l'exemple même du radical pragmatique. Aujourd'hui terriblement conscient de l'urgence climatique, il utilise sa notoriété pour chercher des compromis efficaces, ce qu'on lui reproche, quand d'autres qui ne fournissent aucun effort intellectuel, ne prennent pas position sur la question climatique et énergétique, et sont laissés tranquilles. Qui de Nicolas Hulot, ministre écolo dans un gouvernement de droite, ou de Stéphane Lhomme, anti-nucléaire, anti-Linky, anti-voiture électrique, anti-tout pour de mauvaises raisons... fait le plus avancer les choses ?

Pas loin de chez moi dans le Jura, un projet de Center Parcs est très controversé, en raison de son impact important sur l'environnement. Il faut admettre qu'un tel aménagement du territoire dans une zone très boisée ne peut pas se faire sans déranger la biodiversité locale. Maintenant, je me pose la question : est-ce que les milliers de vacanciers qui vont découvrir la nature, s'y reposer, la toucher du doigt chaque année dans ce genre de parcs n'en ressortent pas plus conscients des problèmes environnementaux ? Bien sûr, je ne suis pas dupe de la communication des groupes industriels touristiques qui commandent ce genre de travaux et qui vont mettre en avant le côté "retour aux sources" du concept, en oubliant toute l'énergie et l'eau gaspillée par les touristes peu précautionneux. Mais quand je vois les hébergements de vacances traditionnels en carton-pâte éphémères, chauffés avec des grilles pains, aménagés en dépit du bon sens, je me dis que les cottages en dur de Center Parcs équipés de chauffage au sol et éparpillés au milieu de la forêt et des cours d'eau ne sont pas si mal. Encore une fois, l'effet pédagogique de ce genre d'installations ne me semble pas anodin. Bien sûr, ce pourrait être tellement mieux, tellement moins "industriel" et "commercial"... Alors quoi ? On ne fait rien ? On ne part plus en vacances du tout ? Je connais peu d'écologistes assez radicaux pour renoncer à ça.

Nous sommes tous tiraillés entre la volonté de bien faire pour la planète et un contexte socio-économique qui pousse à consommer toujours plus. Pour en sortir vraiment, je suppose que des prises de conscience massives doivent être initiées et les compromis à la Hulot ou à la Center Parcs, avec tous leurs défauts, ne sont peut-être pas de si mauvaises idées.

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Commentaires

1. Le mercredi, 10 janvier 2018, 23:44 par Pyrio

Merci pour l'article et le partage d'idée.

J'aimerai croire à l'éveil des conscience chez center parcs ...
j'aimerai qu'un jour on me dise au café : "les gars j'étais à center parcs avec ma femme et mes gosses la semaine dernière, et le nez au vent sur mon vélo électrique, j'ai eu une épiphanie de dingue. On devrait tous rouler à électrique tout le temps, limiter nos déplacements tant qu'on le peut, et tout simplement nos consommations énergétiques, penser la décroissance et consommer de manière responsable, la bouffe, les fringues, éduquer nos enfants et alerter un maximum de monde sur l'état d'urgence dans lequel nous nous trouvons, il faut qu'on protège la nature les gars".

Mais pour de vrai j'ai entendu ça au café : "les gars j'étais à center parcs avec ma femme et mes gosses la semaine dernière, là-bas t'es bien peinard, tu fais du vélo avec tes enfants et y'a pas de bagnoles parce qu'elles restent à l'entrée, tu vas à la piscine autant de fois que tu veux c'est tout inclus, pis y'a de l'accro-branque (licence poétique) on s'est trop bien marrés avec les gamins et y'a même un super-marché à l'intérieur comme ça t'as pas besoin de sortir. C'est vraiment super reposant, franchement tu devrais y aller si t'as l'occasion."

De ma fenêtre, sans plus d'infos que ce que j'ai appris à cette fâcheuse pause café, à la question : "est-ce que les milliers de vacanciers qui vont découvrir la nature, s'y reposer, la toucher du doigt chaque année dans ce genre de parcs n'en ressortent pas plus conscients des problèmes environnementaux ?" j'aurais plutôt tendance à répondre : plus conscients de ce qu'ils pourraient perdre, peut-être ; mais conscients qu'il est déjà trop tard pour le conserver et qu'il faut agir sans plus attendre pour ne pas tout perdre, j'en doute.

2. Le jeudi, 11 janvier 2018, 10:09 par Merome

@Pyrio : Je ne crois pas qu'il y ait des prises de conscience aussi brutales. En tout cas, clairement, ce n'est pas en revenant de Center Parcs que tu vas devenir décroissant subitement et en parler au café avec les collègues le lendemain.

En revanche, j'ai la faiblesse de croire que cela peut construire à petites briques une conscience écologique. En tout cas plus qu'un séjour en pension complète à Marrakech ou un voyage à New York.

3. Le jeudi, 29 mars 2018, 17:49 par Marti

En harmonie avec ton avis, j'ai envie de pousser ton idée encore plus loin. J'ai longtemps été radical dans mes opinions et qu'un projet ou une personne ne soit pas parfait sur toute la ligne, il en était discrédité dans mon esprit. Aujourd'hui ma philosophie, à l'instar de ce que tu développes dans cet article, ressemble plus à l'idée que chaque petit pas est une avancée plutôt que d'attendre le grand soir.

Comme n'importe qui, j'ai mes défauts et parmi ceux-là, celui d'aller dans certaines circonstances au McDo, ce qui me vaudrait sans aucun doute un encart dans la rubrique "écotartuffe du mois" du journal La décroissance... Bref, je ne reviendrais pas sur tout ce qui est reproché à ce genre de fast food. Toujours est-il que lorsque McDo met à sa carte un sandwich végan, avec la clientèle qu'il attire, cela ne crée-t-il pas une curiosité sur un phénomène dont certains n'auraient jamais entendu parler ? Cela ne permet-il pas pendant quelques temps (et oui, l'opération n'a pas duré, dommage) de montrer certaines alternatives à la viande ? Je reste conscient qu'il s'agit plus d'une opération marketing qu'écolo, n'empêche que je pense que cela peut être une petite brique de plus...

De la même manière, lorsque je m'aperçois qu'un supermarché (Super U pour ne pas le nommer) met dans ses rayons un service en vrac pour pâtes, riz, ou autre céréales, cela n'a t-il pas plus de poids qu'un magasin bio qui le fait depuis des années (Biocoop pour ne pas le citer non plus) ? Pourtant pas exempt de reproches sur le suremballage des autres produits, cette petite avancée doit elle être critiquée parce que celui qui le fait n'est pas le modèle même d'un commerce écolo ?

Plus généralement faut-il mieux que "chacun garde son métier et que les vaches seront bien gardées", de manière un peu sectaire ? Ou se féliciter que des initiatives auparavant réservées à des convaincus soient désormais accessibles au grand public ?... Depuis quelque temps, j'ai adopté la deuxième proposition.

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