La peste nucléaire ou le choléra fossile

À l'heure où des milliers de scientifiques lancent un nouveau cri d'alarme au sujet du climat, examinons ce choix cornélien.

La Terre se réchauffe, de plus en plus vite, et la catastrophe annoncée n'en finit plus de se confirmer. En attendant une hypothétique prise de conscience politique, nous autres citoyens-consommateurs sommes pris entre deux feux : nucléaire ou pétrole ?

Lobby contre lobby

Il n'y a plus d'intérêt général, il n'y a plus que des lobbies et des guerres d'influence. La plupart des médias vivant de la publicité achetée par Areva ou Total (et bien d'autres), comment démêler la véritable information de la pure propagande ?

Le Financial Times a publié le 9 novembre dernier un article intitulé "Green driving’s dirty secret” ("Le sale secret de la conduite écologique") qui se basait sur une étude du MIT (le célèbre et respecté institut technologique du Massachusset) mettant en avant le fait qu'une voiture de type Tesla Model S émettait finalement plus de CO2 qu'une petite berline thermique comme la Mitsubichi Mirage, contestant l'intérêt écologique généralement affirmé du mode de propulsion électrique.

Une semaine plus tard, Amnesty International a alerté l'opinion au sujet de l'extraction du cobalt par des enfants épinglant au passage le constructeur Renault dont les batteries des véhicules électriques utilisent ce matériau. De son côté le patron de Peugeot Carlos Tavarès ne manque pas une occasion d'écorner l'image de la voiture électrique pour continuer de vendre ses moteurs diesel cancérigènes.

Le MIT a fait publier un démenti au Financial Times accusant le journal d'avoir trahi les conclusions de son étude qui, au contraire, montrait que même en tenant compte de la fabrication des batteries et de la fin de vie du véhicule, la voiture électrique avait un éco-bilan global bien meilleur que la voiture thermique dans l'immense majorité des cas. Le seul cas mis en avant par le journal étant celui d'une grosse sportive électrique en face d'une petite berline thermique et dans un état des USA réputé pour produire une électricité très fortement carbonée ! Cela rejoint par ailleurs les conclusions d'une étude de l'université de Bruxelles qui montre que même en Pologne où les centrales à charbon tournent à plein régime, la voiture électrique garde un éco-bilan global positif.

Quant à l'extraction du cobalt par des enfants, on pourra s'étonner du fait que Renault équipe ses véhicules de batteries fournies par LG Chem et que cette société obtient une meilleure note que le constructeur dans le classement d'Amnesty International.

L'énergie propre n'existe pas

Produire et utiliser de l'énergie laisse des traces, quelle que soit la source utilisée. Les éoliennes et les panneaux solaires photovoltaïques utilisent des terres "rares" dont l'extraction est problématique. Les barrages hydrauliques bousculent les éco-systèmes quand ils ne déplacent pas des populations entières pour inonder leur lieu de vie. Le nucléaire produit des déchets et présente des risques importants. Les énergies fossiles altèrent le climat et emplissent l'air de particules nocives et cancérigènes.

D'abord et avant toutes choses, il faut réduire notre consommation pour diminuer notre impact sur l'environnement. À titre individuel, cela signifie baisser le chauffage (et mettre un pull), manger moins de viande (si si !), rouler moins vite, moins loin, moins longtemps en voiture, éviter l'avion et les loisirs polluants... Au niveau sociétal, cela signifie aménager l'espace différemment (moins de routes et plus de pistes cyclables), interdire les publicités et les enseignes lumineuses, réduire l'intensité et la durée de l'éclairage public... Nous avons des marges de manœuvres colossales pour réduire nos besoins aux usages les plus vitaux, les plus utiles.

La fée électricité

Si la production et le stockage électriques posent eux aussi des problèmes environnementaux, l'électrification progressive de nos besoins énergétiques, si elle s'accompagne bien d'une réduction de ces besoins, semble de nature à améliorer la situation globale.

D'abord, pour des questions de rendement. Un moteur électrique peut atteindre un rendement de 98% lorsqu'un moteur thermique plafonne à 45%. Bien sûr, le moteur électrique pâtit des pertes liées au transport et au stockage de l'électricité, mais globalement, reste le plus efficace.

Ensuite, le nucléaire n'est pas une fatalité. On sait, dès aujourd'hui, produire de l'énergie de différentes façons, plus ou moins propres et efficaces selon les régions. L'énergie solaire, bien qu'intermittente, est plus que suffisante. Au lieu de se fixer des dates pour sortir du nucléaire, et finalement les repousser il serait bien plus judicieux de se fixer un objectif : 100% d'énergies propres, et de prendre toutes les mesures aujourd'hui pour s'en approcher, peu importe le temps que ça prend. Inversement, on ne sait pas remplacer le pétrole sauf par des agro-carburants qui privent des humains de surfaces à cultiver pour leurs besoins alimentaires. On peut imaginer des moteurs électriques utilisés massivement dans un monde sans une centrale nucléaire, tandis qu'on ne peut imaginer un moteur thermique sans ressource fossile.

La production nucléaire et les énergies fossiles souffrent toutes les deux d'une centralisation extrême, laissant quelques acteurs mondiaux se partager le gâteau et vivre sur la rente de nos besoins énergétiques. Vous n'aurez probablement jamais la "chance" de forer un puits de pétrole dans votre jardin, en revanche, vous pouvez d'ores et déjà produire une quantité significative d'électricité avec quelques panneaux solaires sur votre toit. En terme de résilience face au terrorisme ou aux abus des multinationales, l'énergie électrique est tout à fait intéressante.

Enfin, l'usage de l'électricité (au contraire de sa production) est généralement inodore et silencieuse. Localement, aucune pollution n'est à déplorer ce qui n'est pas négligeable dans les centres villes enfumés (On estime que la pollution de l'air est responsable du décès prématurés de 500.000 personnes par an en Europe)

Face à l'urgence, le pragmatisme et la science

Si nous n'étions pas dans l'urgence critique du changement climatique, il serait encore temps de tergiverser et débattre sur le meilleur mix énergétique du futur et de la part de nucléaire à (ne pas) accepter. De nombreuses associations écologistes obsédées par leur combat contre le nucléaire oublient que la production d'électricité n'est pas forcément sale et surtout que les dégâts de l'énergie fossile sont d'ores et déjà catastrophiques et que chaque litre de pétrole et de gaz brûlé ajoute des gaz à effet de serre et des particules dans une atmosphère déjà saturée.

Il ne s'agit pas de construire de nouvelles centrales nucléaires, ni même de fermer les yeux sur celles qui devraient déjà être démantelées, mais d'électrifier progressivement nos usages, tout en réduisant drastiquement nos besoins et en s'orientant au pas de course vers les énergies renouvelables.

Commentaires

1. Le dimanche, 3 décembre 2017, 15:12 par aegirs

"D'abord, pour des questions de rendement. Un moteur électrique peut atteindre un rendement de 98% lorsqu'un moteur thermique plafonne à 45%. Bien sûr, le moteur électrique pâtit des pertes liées au transport et au stockage de l'électricité, mais globalement, reste le plus efficace."

Il faut aussi ajouter que si l'électricité est produite par une source thermique, le rendement du générateur est du même ordre que le moteur diesel.
Ajouté aux autres pertes citées, ce n'est pas en faveur de la voiture électrique dans un contexte de production d'électricité via des énergie fossiles.

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