Le monde s'aplatit sous le laminoir d'internet

Si vous n'avez jamais regardé une conférence de Benjamin Bayart, je vous invite à découvrir sa vision de la société, et notamment l'idée qu'internet est un outil dont nos sociétés se sont dotées pour se transformer, comparable à l'invention de l'imprimerie voire de l'écriture.
Cela débouchera donc cette fois encore sur un changement de civilisation, de la même manière que l'écriture nous a fait passer de la préhistoire à l'Histoire. En effet, quand on ouvre les yeux et qu'on observe le monde avec un peu d'attention, on ne peut que constater que de grands chambardements sont en cours. Le "dégagisme" des dernières élections presque partout dans le monde est peut-être ce qui est le plus spectaculaire et médiatique, mais l'uberisation de la société, les difficultés quotidiennes rencontrées par les enseignants, les coups de pieds récents contre le béton des centrales nucléaires, les manifestations contre la loi travail, la montée en puissance de Youtube, déjà elle-même critiquée par les youtubers... Tout cela me semble aller dans le même sens : faire tomber tout ce qui est vertical, hiérarchique, centralisé, au profit d'une société plus horizontale, distribuée, résiliente.

Si j'osais, je placerais le point de départ symbolique de cette inéluctable chute au 11/09/2001, date à laquelle les deux tours phalliques et éminemment verticales, représentant le pouvoir économique et l'impérialisme américain se sont fait dézinguées par des gugusses armés de cutters. Pour éviter pareils tragiques événements, je ne saurais que trop conseiller à tous ceux qui détiennent un quelconque pouvoir de s'interroger sur le sens réel de leur position dans l'échelle sociale. Est-elle méritée ? A-t-elle encore une justification autre que symbolique ?

J'ai parfois l'impression que nous nous interdisons de penser le monde autrement que tel que nous l'avons connu jusqu'alors. Exemple : lorsque je passais le bac, en 1992, il me semble que les mentions étaient plus rares. Un sentiment d'ailleurs largement partagé avec mes conscrits, y compris ceux qui, devenus profs, se plaignent des directives laxistes venant d'en haut et les conduisant à surnoter les copies. Mais en y réfléchissant bien, à quoi servent ces examens sinon à (re)produire de l'inégalité ? À faire des classements ? À former des élites qui régneront en maître sur les autres ?
Cette fable de la hiérarchie compétente qui domine et guide les petites gens incultes et décérébrés, je n'y crois plus. Et de la même manière que je crois qu'on peut se passer d'élus et d'élections, nous devrions être capables de nous passer de professeurs, en tout cas, tels que nous les concevons aujourd'hui. Et si nous n'en sommes pas capables, la chose se fera quand même, sans nous, sans notre consentement.

Les moines copistes, eux non plus, n'ont rien pu faire contre la démocratisation de l'imprimerie.

Commentaires

1. Le mardi, 8 août 2017, 19:50 par Grumeau Couillasse

Il me plaît celui-là.
Mot pour mot, pas une faille pour introduire un peu d'acide.

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