L'histoire de deux univers qui se croisent dans ma timeline et dans ma vie.

La permaculture, vous en avez sans doute déjà entendu parler. Si ce n'est que de loin, vous avez sans doute en tête une méthode de culture vaguement bio qui prône l'association des végétaux qui vont bien ensemble et qu'on va donc chercher à cultiver sur le même lopin.
Laissez-moi vous dire que vous êtes loin, très loin du compte. La permaculture est un mode de vie qui ne s'applique pas qu'à l'agriculture. On peut suivre les principes de la permaculture au boulot, pour faire ses courses, pour consommer, pour construire sa maison... L'idée, en tout cas telle que je me la suis appropriée, c'est de poser un regard pragmatique et efficace sur absolument tout ce qu'on fait. C'est une sorte de méthode agile mélangée à de la décroissance et de la science. Et c'est en cela que les geeks comme moi devraient s'y intéresser.

Les concepts

Les trois grands principes de la permaculture sont :
- Prendre soin de la terre
- Prendre soin de l’humain
- Partager équitablement

Ce qui me fait immédiatement penser aux quatre libertés des logiciels libres :
- la liberté d'exécuter le programme, pour tous les usages ;
- la liberté d'étudier le fonctionnement du programme et de l'adapter à ses besoins ;
- la liberté de redistribuer des copies du programme ;
- la liberté d'améliorer le programme et de distribuer ces améliorations au public, pour en faire profiter toute la communauté

Les exemples dans l'agriculture

Mais donnons sans plus attendre quelques exemples de la permaculture appliquée à l'agriculture, puisque c'est là que l'idée prend sa source :

- Un verger doit être régulièrement entretenu pour être productif, et notamment, l'herbe qui pousse dessous ne doit pas envahir les arbres fruitiers. Plutôt que de désherber ou tondre mécaniquement ou chimiquement sous les arbres, introduire sur la parcelle des moutons, ou des poules qui vont s'occuper de ça offre de multiples avantages : l'herbe est maintenue à une hauteur décente sans effort ni dépense récurrente, les fruits tombés au sol qui attiraient auparavant les nuisibles sont mangés par les bestiaux, ceux-ci produisent de la laine ou des œufs tout en fertilisant le sol par leurs déjections. Un cercle vertueux.

- On peut tout à fait mettre dans le même carré de jardin un pied de tomate qui pousse hors du sol en hauteur, avec un chou au ras du sol et des carottes en dessous. Le tuteur du pied de tomate peut d'ailleurs être remplacé par une ficelle accrochée à un arbre qui se trouve au-dessus et qui protégera les tomates de la pluie tout en maintenant un sol humide. La tomate elle, éloigne certains nuisibles du chou. Plutôt que de faire une belle ligne de choux que s'empresseront de manger les limaces à la chaîne. Disperser les choux au milieu d'autres légumes ralentira leur progression.

Je n'insiste pas plus parce que je ne suis pas du tout spécialiste de tout ça (c'est ma secrétaire qui s'occupe du potager à la maison, et elle s'est farcie des milliers d'heures de vidéos sur le sujet. Elle conseille particulièrement la chaîne Youtube de Damien Dekarz), mais vous avez compris le principe et à quel point il est contre-intuitif au départ, quand on a pris l'habitude de voir des jardins bien entretenus où les salades sont toutes ensemble, bien alignées à côté des rangs de pomme de terre...

Les exemples dans la vie de tous les jours

Ce qui m'intéresse, c'est de décliner tous ces grands principes à la vie de tous les jours, et j'avoue y prendre goût. Pour certains actes, c'est du simple bon sens et je ne doute pas du fait que tout le monde prend garde à ne pas gaspiller son temps, ses ressources, son argent à faire des trucs inutiles ou inefficaces. Mais peut-être dans les quelques exemples que je vais donner ci-après, trouverez-vous de l'inspiration pour votre propre quotidien ? En tout cas, en parler ici fait également partie du plan : "partager équitablement".

Commençons par les corvées. Première et non des moindres dans une famille : la lessive. En général, c'est moi qui plie et mon épouse qui repasse. Nous avons pris l'habitude de le faire devant des documentaires et/ou des forums/réseaux sociaux. J'ai des piles de culottes et de chaussettes qui s'amoncellent devant l'écran mais c'est gérable. Ça passe le temps, et ça instruit.

Je mutualise le trajet pour faire les courses hebdomadaires avec toutes les autres inévitables sorties en ville (bibliothèque, pharmacie, poste, déchetterie, ...). J'ai dédié une partie de mon jour de temps partiel pour cela, j'évite ainsi la cohue des samedis et des soirs de semaine où tous les actifs font traditionnellement leurs courses ou viennent amener leurs feuilles mortes en déchetterie.
Pour les trajets en voiture que je ne peux éviter, je me prépare des podcasts de conférences ou des romans audio qu'on écoute en famille : le temps passe plus vite, on partage un moment en famille et on cultive nos enfants (sans ça, ni mes enfants ni moi n'aurions eu le courage de se fader les descriptions interminables des fonds marins de 20000 lieues sous les mers).

Plutôt que de dédier une partie de mon temps précieux à l'entretien de mon physique disgracieux, je pédale (avec assistance électrique pour ne pas transpirer) chaque jour ou presque sur le trajet domicile-travail. J'en connais qui rentrent du boulot et reprennent la voiture pour aller courir dans un bois... Quelle perte de temps doublée d'un gaspillage d'énergie !

En terme de consommation courante, j'optimise tout au quart de poil, quand c'est possible. Je n'achète pas neuf ce que je peux acheter d'occasion et je n'achète pas ce dont je peux me passer. Je ne garde pas ce qui ne me sert plus, et je revends ou donne ce qui peut l'être. J'abuse de la médiathèque qui me procure de nouveaux romans, livres audio, et de nouveaux jeux de société très régulièrement. Mes feuilles imprimées sur une face servent de brouillon sur l'autre, mes sacs de granulés de bois vides deviennent des sacs poubelle. Mes restes nourrissent les poules qui me fournissent des œufs et une compagnie pittoresque et attachante. Au passage, elles dégomment les limaces et éloignent les reptiles.

Point de vue geek, maintenant. Tout ce qu j'écris (romans, pièce de théâtre) est disponible au téléchargement gratuit. Le contenu que vous lisez en ce moment est hébergé chez moi, sur un NUC Intel que j'ai acheté d'occasion il y a plusieurs années. Je participe ainsi à la décentralisation d'internet tout en payant moins cher que chez OVH où j'étais avant. Puisque j'ai un serveur qui tourne en permanence, je lui fais faire des sauvegardes régulières de mes autres machines sur un disque externe acheté d'occasion qui est collé derrière ma box. Tout est évidemment sous linux Xubuntu (une distribution qui a l'avantage de consommer peu de ressources, car mes PC sont également des occasions vieillissantes).
Tous les téléphones portables de la famille ont été acheté d'occasion pour une 100aine d'euros chacun (Samsung S2 et S3). Je me suis empressé de les rooter et de virer Android pour CyanogenMod, puis pour LineageOs, sans compte google associé, comme ça l'installation d'applications merdiques par mes gosses est freinée, l'aspiration de leur vie privée aussi et j'ai des OS plus à jour et plus réactifs que les vieux Android compatibles avec ces antiquités. Tout ce matos est connecté à un Nextcloud sur le même serveur que ci-dessus, qui stocke les contacts et les calendriers de toute la famille (et les sauvegarde chaque nuit).

L'aménagement de la maison

L'orientation même d'une maison, quand on peut la choisir, a des impacts sur les futures factures d'énergie. On veillera à ce que les chambres restent fraîches, au nord, tandis que les pièces "à vivre" se doivent d'être bien éclairées au sud et à l'ouest. Pour se préserver du chaud, des arbre feuillus au sud apporteront ombre et fraîcheur, tandis que les résineux qui ne perdent pas leurs aiguillent protégeront du vent froid du nord et de l'est sans impacter l'ensoleillement. Les feuilles mortes à l'automne pourront être disposées sur le potager en hiver pour éviter de laisser le sol à nu et favoriser l'activité microbienne et fongique. Une bonne isolation et une utilisation intelligente des volets permettra de se passer de climatisation et de réduire les factures de chauffage.

Le non-agir

Une autre concept qui me va à ravir, c'est le "non-agir". Laisser les choses se décanter d'elles-mêmes pour qu'apparaisse la meilleure solution. Plutôt que d'être dans la réaction, dans l'urgence permanente, au lieu de se laisser dépasser par un flux permanent de sollicitations contradictoires, prendre le temps d'observer les choses, de lire les signaux faibles, d'agréger les problèmes pour trouver une solution unique à tous.
Combien de notes rédigées inutilement, de développements jetés à la poubelle, de réunions tenues en pure perte, de budgets gaspillés dans de fausses solutions ?
Plutôt que de dépenser des fortunes dans des systèmes de sécurité sophistiqués mais tous pareils, faire dans l'artisanal, le sur-mesure, et ainsi éviter le ravage des limaces sur la rangée de choux de WannaCry sur des Windows tous identiques.
À l'instar de la biodiversité, cultiver la cyberdiversité des systèmes informatiques. Soyons créatifs et ingénieux, uniques. Choisir Mastodon plutôt que Twitter. Framasphère plutôt que Facebook. Firefox plutôt que Chrome.

Conclusion

Ne voyez-vous pas comme moi les nombreux parallèles entre l'internet, les logiciels libres, la permaculture, voire la démocratie elle-même ? Si tous ces concepts se réinventent ensemble sous nos yeux, c'est peut-être que leur temps est venu et que le niveau de conscience de nos sociétés est maintenant suffisant pour leur avènement. Chacun de nous se doit d'y participer à sa manière.

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1. Le vendredi, 12 janvier 2018, 17:30 par télécharger livres gratuits : Un pas de coté - Vuittenez -

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