Éléments de langages et arguments pour promouvoir la démocratie

Avec les sources indiscutables qui vont avec

2017 approche et la démocratie va encore être mise à mal par les élections qui viennent. Voici un peu de matériel intellectuel destiné à la promotion de la démocratie réelle.

N'hésitez pas à vous servir dans cette argumentation libre de droits pour étayer vos discussions sur les forums, les réseaux sociaux, les bars et dans les repas de famille. Et ajoutez en commentaire ce que j'ai pu oublier, ou corrigez ce que j'ai mal dit.

Sommes-nous en démocratie ?
Historiquement, non, puisque notre régime politique appelé gouvernement représentatif, a été mis en place en opposition frontale à la démocratie.
En effet, tous les penseurs de ce régime, au 18ème siècle, étaient CONTRE la démocratie et on ne trouve pas de référence positive au mot démocratie avant le début du 19ème siècle, en 1828, date à laquelle Andrew Jackson fonde le "parti démocrate" dans le but de récupérer le vote populaire. Depuis, tous les partis se revendiquent démocrates, sans que le système politique lui-même n'ait évolué. Autrement dit, on appelle démocratie aujourd'hui, ce qu'on a conçu comme anti-démocratie naguère.
Source : Démocratie. Histoire politique d’un mot aux États-Unis et en France de Francis Dupuis-Deri.
En vidéo : Démocratie, histoire d'un malentendu

Mathématiquement, non plus
D'un point de vue mathématique, on peut s'attendre à ce qu'une assemblée dite "représentative" nous représente fidèlement, au moins dans les critères les plus évidents. Or, il n'en est rien, loin s'en faut, pour ce qui est de la pyramide des âges, de la répartition des sexes et celle des catégories socio-professionnelles. L'assemblée est plus vieille, plus masculine et plus riche que la population qu'elle représente, et ce n'est pas un accident statistique mais une constante depuis la mise en place du régime représentatif électif.
Source en vidéo : Data Gueule, Suffrage Ô désespoir
Par ailleurs, le mode de scrutin de l'élection lui-même est ce qui se fait de pire en matière d'élection. Il ne reflète pas la volonté des électeurs, ouvre la voie aux manipulations, au vote "utile" (et donc contraint), au vote stratégique... Si par malheur on devait garder l'élection, il faudrait déjà changer le mode de scrutin. Source en vidéo : Réformons l’élection présidentielle ! (Science étonnante) (Merci Marc Tapages)

Objectivement, toujours pas
On peut vous objecter que la démocratie, dans son acception moderne tient plus à la séparation des pouvoirs, à la liberté d'expression, à l'état de droit... qu'à la méthode de sélection des représentants. C'est fallacieux, mais en plus, c'est également très contestable : utilisation régulière de l'article 49-3 qui permet d'outrepasser le rôle de l'assemblée, mise sous tutelle de la cour de cassation, non-respect du résultat du référendum de 2005, assouplissement des règles de comptabilisation du temps de parole en faveur des grands partis...

Qu'est-ce que la démocratie ? La démocratie est un système politique où les citoyens votent les lois auxquelles ils consentent à obéir. Chaque mot de la définition est important. Ce sont les citoyens qui votent, pas leurs représentants (quel que soit le mode de sélection des représentants). Et ils ne votent pas pour des gens, mais votent des lois.

C'est une utopie : on ne peut pas tous, voter toutes les lois
Techniquement, rien n'oblige au foisonnement législatif actuel, et l'on pourrait regrouper les lois à voter en quelques référendums sur une année, sans même parler du vote électronique. On peut aussi imaginer un vote obligatoire, en semaine, pendant le temps de travail. L'important est que chacun puisse voter les lois s'il le souhaite, pas nécessairement que tout le monde vote. Par ailleurs, l'assemblée actuelle ne vote déjà pas toutes les lois.

Subissons-nous une dictature ?
Ce n'est pas parce que nous ne sommes, objectivement, pas en démocratie, que nous sommes en dictature. Il y a une infinité de nuances dans les régimes politiques, qui s'approchent ou s'éloignent plus ou moins de la démocratie. Notre système s'appelle le gouvernement représentatif est c'est objectivement mieux qu'une dictature. Nous avons la liberté d'expression (mais pas l'égal accès à la tribune), une relative séparation des pouvoirs... C'est bien mieux que la Corée du Nord, personne ne nie ça. Pour autant, il faut être capable de de prononcer la phrase : "nous ne sommes pas en démocratie" pour élaborer une solution qui serait la démocratie. Il faut absolument cesser d'opposer démocratie et dictature comme s'il n'existait que ces deux alternatives.

N'importe qui peut se présenter aux élections, donc "il suffit de..."
L'élection n'est pas seulement un mode de sélection inapproprié pour la démocratie, c'est aussi un outil particulièrement sensible à la propagande. En effet, les résultats du premier tour de l'élection présidentielle sont presque parfaitement corrélés aux temps de passage dans les médias, qui sont eux mêmes calculés sur la base des intentions de vote relevés par les sondeurs. Les sondeurs font eux-mêmes une sélection des candidats à tester, basée sur leur propre appréciation des forces en présence. Les petits candidats sont de fait exclus de la course à l'investiture, et lorsqu'ils passent le cap des 500 signatures pour la présidentielle, sont ridiculisés par les intervieweurs.

Pour qui voter, ou ne pas voter, en 2017, pour promouvoir la démocratie ? L'important est de faire un choix avec lequel on se sent bien, votez ou pas, pour qui vous voulez, mais dans tous les cas n'en attendez rien. Car ce n'est pas l'élection d'un homme ou d'une femme providentiel(le), ni même une abstention massive qui va modifier les choses en profondeur. L'urgence, c'est de diffuser l'idée que nous ne sommes pas en démocratie et que ça vaudrait le coup d'essayer. Et approfondir et soutenir les expérimentations locales, y participer, produire du contenu qui alimente la boite à outils du parfait démocrate.
Oui mais Mélenchon et sa 6ème république, c'est déjà mieux que rien : plusieurs conditions doivent être réunies pour concrétiser son projet. Il faut qu'il soit élu, ce qui est loin d'être fait, et puis il faut qu'il applique le programme pour lequel il a été élu (vous vous souvenez de "Mon ennemi c'est la finance" ? Donnez-moi une seule raison de faire plus confiance à Mélenchon qu'à Hollande ?). Enfin, une constituante non totalement tirée au sort, c'est insuffisant. Et ça ne doit pas nous économiser l'effort de pédagogie qui est essentiel, je rappelle qu'aujourd'hui, la plupart des gens pensent être en démocratie et donc une constituante, même tirée au sort, pourrait tout à fait reconduire l'élection comme mode de sélection principal.
Oui mais Asselineau est différent, il veut sortir de l'Europe anti-démocratique : Asselineau est pour les élections. Ça le disqualifie d'emblée du point de vue défense de la démocratie. Et par ailleurs, lui non plus n'est pas encore élu, et ses précédentes expériences politiques (au côté de Tibéri et Pasqua) ne laissent pas augurer que du bon.
Oui mais Charlotte Marchandise de la primaire citoyenne : Adjointe au maire de Rennes, elle n'est pas aussi nouvelle en politique qu'on veut nous le faire croire. Mais surtout, comme pour les deux précédents, son élection est plus qu'incertaine. Alors votez pour elle si vous voulez, mais ne vous arrêtez pas là ! Et au lieu de faire la promotion de la personne, faites circulez ses idées.

Le tirage au sort, c'est l'idée de Chouard qui a couché avec Hitler et qui mange des enfants
Si vous avez un contradicteur qui n'est pas capable de faire la différence entre une idée et ceux qui la défendent, n'essayez pas de le convaincre qu'il se trompe sur la personne. Au lieu de ça, préférez le namedropping d'universitaires au-dessus de tout reproche qui ont publié sur le sujet. Et ils sont nombreux : Bernard Manin, Dominique Rousseau, Yves Sintomer, Francis Dupuis Deri, Loïc Blondiaux, Cornélius Castoriadis, Clément Viktorovitch... Tous disent la même chose avec plus ou moins de nuances et de virulence : notre système n'est pas démocratique. Le tirage au sort est un élément central de la démocratie.

Les gens sont des crétins, ils sont incompétents à gouverner
Sans doute l'argument qui est le plus utilisé pour disqualifier la démocratie. Comme si nos élus actuels étaient compétents. Non seulement c'est le système représentatif qui nous a amenés dans l'impasse écologique et économique dans laquelle nous sommes, mais en plus l'incompétence et l'ignorance de la plupart des députés et ministres sont flagrantes. La raison est simple : même un énarque ne peut pas être spécialiste en tout. Et il est très vraisemblable que sur un ou plusieurs domaines, le plus idiot d'entre nous soit plus doué qu'un élu. Or c'est peut-être dans ce domaine qu'il sera appelé demain à légiférer, comme les députés l'ont fait sur Hadopi, comme ils le font régulièrement sur le climat, l'énergie sans avoir la moindre idée des enjeux et des solutions. La vidéo de Jancovici au Sénat sur l'énergie et l'électricité, par exemple, montre des sénateurs ne maitrisant pas les acronymes de base (ECS pour Eau Chaude Sanitaire, de mémoire), mais on se souvient aussi de Borloo alors ministre de l'environnement qui évoquait la solution des "ampoules basse pression" pour diminuer la consommation d'électricité.
Mais la compétence des individus lambda par rapport aux élus, et même par rapport aux spécialistes a été démontré. Une étude montre en effet la "prévalence de la diversité sur la compétence" et explique qu'une assemblée tirée au sort est plus compétente qu'une assemblée d'experts pour prendre des décisions éclairées.
Les expériences menées dans ce domaine semblent confirmer l'hypothèse, par exemple la réécriture du code électoral par une assemblée tirée au sort en Colombie Britannique qui a littéralement transformé les tirés au sort en personnes compétentes.

La nature humaine rend la démocratie impossible
Quand il n'y a plus d'argument objectif, on utilise généralement "la nature humaine" pour expliquer que la démocratie ne sera jamais possible. Pourtant, les bénévoles sont de plus en plus nombreux dans des associations de plus en plus actives. La générosité et l'altruisme de la population dépassent l'entendement chaque fois qu'une catastrophe se produit ou qu'un événement de charité est organisé. Au contraire, les élus sont généralement pingres et égoïstes. On ne compte plus les fausses déclarations au fisc, les techniques pour échapper à l'ISF et autres manips pour se soustraire à la solidarité nationale. Le français moyen paye ses impôts et aide son prochain, c'est ce que disent les statistiques et ce que l'on peut constater autour de nous, à l'inverse de ce que l'on essaie de nous faire croire en montant en épingle les faits-divers les plus macabres.

Comment on met en place une démocratie ?
Un vrai démocrate ne propose pas une solution personnelle, ce serait contradictoire. La démocratie doit venir d'un mouvement populaire qui prendrait peu à peu (ou rapidement) de l'ampleur et s'imposerait de lui-même. Inutile de s'écharper aujourd'hui sur le nombre de référendums, la façon de tirer au sort, le nombre de personnes dans l'assemblée, le nombre d'assemblées... Il faut d'abord atteindre une masse critique de gens qui sont conscients du problème ("nous ne sommes pas en démocratie") et le reste viendra de lui-même. Si vous trouvez que cela ne va pas assez vite, parlez-en plus autour de vous, chaque fois que c'est possible. Utilisez ces arguments ou des autres (je veux bien que vous les communiquiez s'ils vous semblent efficaces), non pas pour convaincre, mais pour que d'autres gens les entendent. Quand ils les auront entendu de ma bouche, de la vôtre, et de tel ou tel blog, journal, collègue,... les choses se feront naturellement. Rien n'arrête une idée dont le temps est venu (c)

J'ai sans doute oublié des choses que je vous prierai de me rappeler dans les commentaires. J'essaierai de tenir à jour cet article pour que chacun puisse revenir y chercher de la matière lors des débats qui ne vont pas manquer d'avoir lieu dans les mois qui viennent.

Commentaires

1. Le vendredi, 6 janvier 2017, 10:24 par marctapages

Salut Merome,
merci pour cet inventaire !

Dans le chapitre "Mathématiquement, non plus", on peut aussi citer aussi la video de ScienceEtonnante sur le jugement majoritaire.
https://sciencetonnante.wordpress.c...

Bien que le but de celle ci est de trouver un nouveau moyen de désigner les représentants, elle présente bien les travers du mode de scrutin actuel. Ça peut être un angle d'attaque avec les interlocuteurs ayant une intérêt pour les sciences :-D

2. Le vendredi, 6 janvier 2017, 11:11 par marctapages

Outre les arguments, la façon d'aborder la conversation est délicate aussi. Ma moitié me reprend souvent car j'ai assez souvent commencé mon argumentaire trop "frontalement", ce qui peut effrayer/échauder le "novice".

J'essaie maintenant de partir d'un fait de l'actualité (élu corrompu / exemple du non respect du programme, petite phrase ridicule) pour dérouler la pelote. Je bosse actuellement sur des petites fiches "script" que je partagerai notamment quand elles seront suffisamment abouties.

3. Le vendredi, 6 janvier 2017, 16:11 par Merome
Merci marctapages, j'ai ajouté dans l'article la vidéo de science étonnante que j'avais vue, bien sûr, mais oublié d'intégrer. A noter que le mode de scrutin qui est présenté comme solution dans cette vidéo est loin de faire l'unanimité chez les chercheurs du domaine. Dans les commentaires du blog, on peut voir une de ces chercheuses qui s'offusque que l'auteur de la vidéo n'ait pas pris la peine de demander l'avis des "spécialistes" du domaine qui rejettent semble-t-il le jugement majoritaire. La façon d'aborder le sujet dépend de chaque interlocuteur, je laisse à chacun le soin de trouver la meilleure selon le public visé. Mais j'ai pu moi aussi constater que l'approche "scientifique" qui me convient bien ne convient pas à tout le monde. Je remarque aussi que depuis 10 ans que je parle de ça et lis des choses à ce sujet sur le web, tous les chemins finissent par y mener. On peut commencer par le changement climatique, la permaculture, les données personnelles, le revenu de base, le militantisme syndical ou politique, le pic pétrolier, ... Au final, on retrouve toujours notre impuissance politique qui empêche tout progrès social/écologique/humain/économique...
4. Le samedi, 7 janvier 2017, 12:28 par narvic

Salut,

Evidemment, avec une conception pareille de la démocratie, pas étonnant de ne la trouver nulle part !

Forger une théorie idéaliste de ce que devrait être la réalité, selon ma propre raison à moi, puis tenter de faire rentrer la "réalité réelle" au chausse-pied dans ce costume étriqué... ça ne peut pas fonctionner. C'est le lot de tous les idéalismes (depuis au moins Platon, qui croyait que les idées possédaient une réalité supérieure à la réalité elle-même).

Il existe pourtant d'autres conceptions de la démocratie, qui, elles, se basent sur l'observation de la réalité, pour construire une théorie (et pas l'inverse !).

Quelques exemples (fort variés !) :

- une approche pragmatique, chez Jacqueline de Romilly ("Problèmes de la démocratie grecque", Editions Hermann, 2006) : les Grecs ont inventé la démocratie de manière concrète, pragmatique et... historique. Leur philosophes n'en ont fait la théorie que bien plus tard, alors qu'elle avait déjà disparu (par exemple, Aristote vivait au temps d'Alexandre le Grand).

La démocratie grecque n'est donc pas née de la philosophie (c'est l'inverse !), mais elle est l'enfant de la guerre civile...

Le moment décisif que repère Romilly, c'est lorsque la faction démocratique athénienne, qui venait de reprendre le pouvoir face à la faction aristocratique, accepte, pour la première fois !, de prendre en charge la dette d'État du régime précédent. C'est la naissance de la continuité de l'État, malgré et au-delà de l'alternance politique. Et c'est ça la démocratie !

- une approche alternative plus libérale (dans le sens de "libéralisme économique"), chez Joseph Schumpeter ("Capitalisme, socialisme et démocratie", Payot, 1990, pour la traduction française).

La démocratie n'est pour lui qu'un système politique qui organise, comme tous les autres systèmes politiques, la concurrence pour l'accès au pouvoir, mais qui le fait, contrairement aux autres, en excluant la violence et en l'organisant exclusivement par le droit.

- une approche plus politique (et issue de la gauche radicale !), chez Ernesto Laclau et Chantal Mouffe ("Hégémonie et stratégie socialiste : vers une politique démocratique, radicale ", Ed. Les Solitaires intempestifs, 2009).

Une analyse ici : https://www.cairn.info/revue-raison...

Pour Mouffe et Laclau aussi, la démocratie, c'est avant tout le conflit, la lutte, la compétition, la concurrence pour le pouvoir, mais de manière bien plus radicale encore cette fois :

Une citation : "Radicaliser la démocratie, c'est alors d'abord l'introduire dans l'action politique ; c'est reconnaître l'équivalence des luttes et admettre que le changement pour la démocratie s'effectue par la démocratie. Cela suppose de renoncer au « concept classique de révolution qui implique le caractère fondationnel de l'acte révolutionnaire, l'institution d'un point de concentration du pouvoir depuis lequel la société pourrait être rationnellement réorganisée », et d'affirmer au contraire « le caractère processuel de toute transformation radicale ... la multiplication des espaces politiques et le fait d'empêcher la concentration du pouvoir en un point sont donc des préconditions de toute transformation vraiment démocratique de la société » (HSS, p. 305-306). Bref, « toute politique démocratique radicale doit éviter les deux extrêmes que sont le mythe totalitaire de la cité idéale, et le pragmatisme positiviste des réformistes sans projet. Ce moment de tension, d'ouverture, qui donne au social son caractère essentiellement incomplet et précaire, est ce que tout projet de démocratie radicale doit chercher à institutionnaliser » (HSS, p. 325)."

- L'intérêt que je vois dans ces trois conceptions (pourtant si diverses !), c'est qu'elles ne présentent pas la moindre trace d'idéalisme !! Ça permet au moins de se prémunir du danger du "mythe totalitaire de la cité idéale"...

La question posée ici dans ce billet, à savoir "sommes-nous dans une "vraie" démocratie ou non ?", devient ainsi absurde et sans objet.

La question devient : la démocratie, historiquement, c'est ça ! Mais qu'est-ce que c'est, et comment ça fonctionne ?

Cordialement...

5. Le samedi, 7 janvier 2017, 17:32 par Merome
@narvic : merci pour cette longue intervention. Je vais essayer de la reformuler pour vérifier que je l'ai bien comprise, je t'avoue qu'à la première lecture, ce n'est pas tout à fait clair. Selon toi, on ne peut pas décrire une démocratie "sur le papier", et chercher à atteindre cet idéal, mais plutôt, il faudrait regarder dans la réalité des choses ce qui est démocratique et ce qui ne l'est pas, comme les athéniens ont réalisé, après coup, que leur système était pas mal démocratique. Si c'est cela que tu veux dire, alors je suis à peu près d'accord et il me semble que c'est ce que je dis dans le dernier paragraphe. Je ne préconise pas de saupoudrer 60% de tirage au sort sur un zeste d'élection sans candidat et la mise en place du référendum d'initiative citoyenne et hop, on obtient la démocratie, la seule et véritable. La démocratie d'aujourd'hui ne peut pas ressembler à celle d'hier (Athènes et ses esclaves, les femmes exclues...) et ne ressemblera pas à celle de demain. On peut néanmoins constater qu'à plusieurs titres notre système actuel n'est pas une démocratie et vouloir essayer de mettre en branle un mouvement vers autre chose qui y ressemble davantage, en se servant de ce qui a marché dans le passé, en l'amendant, mais surtout en laissant faire le peuple lui-même, plutôt qu'en lui proposant une solution toute faite. Et du coup, tu poses des questions, mais tu ne réponds guère. Qu'est-ce que la démocratie pour toi ? Doit-on changer le système actuel et comment ?
6. Le samedi, 7 janvier 2017, 18:34 par narvic

Tu ne m'as compris qu'à moitié. ;-)

Les Athéniens, au cours d'une longue guerre civile, qui a fait changer le pouvoir de côté plusieurs fois, ont fini par inventer une solution qui assurait une forme de continuité de l'État à travers ces alternances, au moins pour ce qui était le plus important : les finances !

Dans la foulée, et de manière aussi pragmatique, ils ont développé l'usage du tirage au sort pour les fonctions publiques, qui existait déjà depuis fort longtemps pour des motifs religieux (tirage au sort = volonté des dieux). Mais ils ont exclu du tirage au sort les deux fonctions vraiment importantes : les finances et la direction de l'armée ! (là on choisissait sur des critères de compétence !)

Longtemps après, les philosophes... ont philosophé ! Et ils ont décidé de donner un nom à cette invention. On a appelé ça la démocratie.

Ce que je veux dire (en fait j'adhère à la conception de Mouffe et Laclau), c'est que la démocratie n'est pas une théorie, c'est un processus historique. Et c'est un processus conflictuel entre des groupes sociaux qui sont en concurrence et qui se cherchent des alliés.

On ne décide pas d'être en démocratie. Comme disait Karl Marx (en tout cas on lui attribue cette citation, dont je n'ai pas retrouvé la source): "Les hommes font l'histoire, mais ils ne savent pas l'histoire qu'ils font."

On peut parler de démocratie dans un système politique au sein duquel le peuple est un des acteurs (et qu'il parvient à défendre ses intérêts). Sinon, ce n'est pas une démocratie, c'est autre chose.

Il n'y a donc démocratie que dès lors que le peuple s'organise et s'exprime, sous quelque forme que ce soit. C'est à lui d'en trouver une forme (souvent, il doit d'ailleurs l'inventer), et c'est ce processus-même de participation au jeu politique PAR le peuple, que j'appelle la démocratie.

Une des conséquences de cette conception, parfaitement vue et assumée par Mouffe et Laclau d'ailleurs, c'est que cette participation du peuple au processus politique peut, en certaines circonstances, prendre la forme de ce que l'on appelle aujourd'hui avec dédain le "populisme". Ça n'en participe pas moins de la démocratie !

NB: pour info, Ernesto Laclau, argentin, aujourd'hui décédé, et Chantal Mouffe, belge, enseignante à l'université de Londres, sont considérés somme les principaux inspirateurs du mouvement espagnol Podemos.

7. Le dimanche, 8 janvier 2017, 11:03 par Merome
@narvic : Je résumerais ta nouvelle intervention par "La démocratie est un chemin". Et donc je suis tout à fait d'accord avec ça. Encore une fois, je ne prétends pas qu'il faille instaurer un système avec telle et telle caractéristique, et ensuite on rentre chez nous, c'est bon, on est en démocratie. C'est un processus perpétuel, à renouveler sans cesse avec l'apparition des nouveaux outils de communication, de transport, les nouveaux enjeux technologiques, climatiques... Et ce processus, selon moi, est bloqué par le système électif tel qu'organisé aujourd'hui. Je propose d'en changer.
8. Le dimanche, 8 janvier 2017, 13:15 par Changaco

« Au final, on retrouve toujours notre impuissance politique qui empêche tout progrès social/écologique/humain/économique... »

Cette idée selon laquelle tous les problèmes découlent d'une mauvaise constitution me semble simpliste et nuisible.

Comme tu le sais les suisses ont un système plus démocratique que le notre, et ils n'ont quand même pas de revenu de base, car ils l'ont rejeté par référendum. C'est un bon exemple du fait que la résistance au changement se trouve aussi dans la population.

Globalement le monde est tel qu'il est parce qu'on pense et agit comme on le fait, et le changer c'est d'abord se changer soi-même. Je ne dis pas ça particulièrement pour toi, je sais que tu fais des efforts depuis des années notamment pour réduire tes émissions de CO2, mais c'est loin d'être le cas de tout le monde.

Le problème c'est qu'en affirmant que le système "empêche tout progrès" tu contribues un peu à déresponsabiliser les individus, de la même façon que d'autres se trouvent des boucs-émissaires (par exemple les migrants) au lieu d'aller au fond des problèmes.

9. Le lundi, 9 janvier 2017, 11:37 par Merome
@Changaco : La Suisse bénéficie d'un certain nombre d'outils intéressants, mais n'est toujours pas une démocratie. L'influence des médias y est importante. Par ailleurs, l'inertie est forte. Le revenu de base est une idée nouvelle dont la plupart d'entre nous n'avait jamais entendu parlé il n'y a ne serait-ce que 10 ans. Qu'elle arrive dans le débat public aussi vite, dans un système non-démocratique comme le nôtre ou celui de la Suisse est remarquable, mais ne permet pas de franchir le pas. Je crois foncièrement que "la règle du jeu fait le joueur". Et que tant que les règles du jeu favorisent la verticalité et l'individualisme, les gens seront carriéristes et égoïstes. Je ne crois pas à une "nature humaine" qui empêcherait les gens de changer assez vite. Et je crois constater au contraire que ce sont les élites (politiques, économiques, médiatiques) qui ont le plus de mal à accepter de nouvelles idées. La réaction de Debré sur l'article du tirage au sort paru dans le Parisien est éloquente de ce point de vue. Je le cite : "La démocratie suppose que le peuple, au suffrage universel, désigne ses représentants qui reçoivent ainsi la légitimité pour rédiger les lois et gouverner la nation. Ces élus, responsables devant le peuple citoyen, ont régulièrement à rendre compte de leur action. C'est la raison d'être des élections. Si demain c'est par tirage au sort que les députés ou sénateurs reçoivent mandat de faire la loi, devant qui ces dizaines d'élus du tirage au sort devront-ils rendre compte ?"
10. Le mardi, 10 janvier 2017, 16:10 par Changaco

Tout d'abord deux précisions : je n'ai pas dit que la Suisse est une démocratie, j'ai dit qu'elle est plus démocratique que la France ; le revenu de base n'est pas vraiment une idée nouvelle, ce n'est que sa diffusion dans la société qui est récente.

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Bien sûr que la règle du jeu influence le joueur, mais en politique l'inverse est aussi vrai. Non seulement les opinions des électeurs influencent les candidats (et vice versa évidemment), mais les actions des citoyens peuvent aussi forcer le changement. Sauf que justement il n'y a pas de mouvement populaire pour la démocratie en France. D'ailleurs tu en es conscient puisque tu cherches à convaincre davantage de monde.

En ce qui concerne la capacité d'une personne à changer je recommande la lecture de ce billet : http://ploum.net/le-cout-de-la-conv... . Tu cites Debré, à 72 ans et après une très longue carrière politique il faudrait probablement quelque chose d'exceptionnel pour le faire fortement changer d'avis sur un sujet important. Ce n'est pas une question de nature humaine, il y a sûrement des gens qui peuvent changer d'avis assez vite même à 72 ans, et d'autres qui se forment des opinions à 20 ans et n'en changent jamais.

Petit point de vocabulaire pour finir: « individualisme » n'est pas synonyme d'« égoïsme ». https://fr.wikipedia.org/wiki/Indiv... Le revenu de base est individualiste, et la démocratie nécessite une dose d'individualisme pour ne pas se transformer en ochlocratie / tyrannie de la majorité.

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