La question à la mode

Invariablement, quand je prends des congés (et ça arrive souvent !), mes collègues et mes amis me posent la question qui tue : "Tu pars ?". Non, je ne pars pas. En fait, je ne "pars" qu'une fois par an, et en train, essentiellement pour des raisons écologiques et éthiques, mais aussi parce que j'avoue n'être pas un grand aventurier-voyageur, je ne me prive donc de rien en faisant ce choix.

Autour de moi, en revanche, les gens "partent". De plus en plus souvent, de plus en plus loin et dès qu'ils en ont l'occasion. Au ski, à la mer, à l'étranger... Certains d'entre eux se plaignent ensuite de ne pas avoir les moyens de partir en train ou de faire d'autres choix que moi je fais (manger bio, acheter des produits de qualités, ou éthiques, ou locaux...). Chacun conduit sa vie comme il l'entend et je n'ai pas de leçon à donner, ni à recevoir de mes semblables.

Souvent, on entend l'argument : il faut "profiter". Profiter de la santé qu'on a encore, des sous qu'on a accumulés pendant que ce n'est pas encore tout à fait la crise pour nous, de sa (relative) jeunesse... Bref, une sorte d'injonction à jouir de la vie contre laquelle je n'aurais pas de griefs s'il ne s'agissait pas de profiter en même temps de quelqu'un.
Car le tourisme va de pair avec une consommation de ressources et d'énergie supplémentaires. Le voyage, déjà, est particulièrement énergivore, et pas seulement s'il est effectué en avion. Jean-Marc Jancovici estime que le plus gros poste de consommation d'énergie lié aux vacances de ski pour une semaine est le trajet en voiture jusqu'aux sommets (à égalité avec le chauffage sur place). Les remontés mécaniques et autres services sur place sont plus ou moins négligeables. Pendant que nous sommes sur notre lieu de villégiature, notre congélateur, notre frigo, notre VMC continuent de tourner à la maison, on double tout !
Ce n'est fatalement pas sans conséquences, sauf que les conséquences, ce n'est pas nous qui les payons directement, mais d'une part nos (petits-)enfants et d'autres part, tous nos contemporains qui respirent le même air pollué chargé de CO2, tout en prélevant pour nous les ressources de leur pays pour qu'on puisse s'amuser (pétrole, uranium,...).
C'est assez pratique de n'avoir pas sous les yeux les victimes de nos actes au quotidien. Ça aide à moins culpabiliser, mais ça ne réduit pas la "faute" pour autant.

Pensez à tout ça quand vous posez la question "Tu pars ?", ou quand vous partez vous-mêmes, entretenant ainsi l'illusion que tout cela pourra durer éternellement sans conséquences.
Je précise à nouveau que je ne suis pas un modèle de sobriété moi-même, et j'ai des tas de choses à me reprocher du point de vue de la consommation de ressources. Je veux juste que chacun soit conscient comme je le suis, de ses propres erreurs.

Pour mémoire, l'excellent Groland sur ce sujet :


Ecolo = bobo ? par sudotone

Commentaires

1. Le vendredi, 1 mai 2015, 12:29 par pierre

Pour moi la question qui tue, c'est pas "Tu pars?" mais au retour, LE " ça va ? " avec en prime le sourire en coin de ton collègue...:-)

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