Tout le monde a une opinion sur l'école. Et personne n'a la même.

Il y a un sujet qui déchaîne particulièrement les passions quel que soit l'endroit où il est abordé : l'école. Entre les enseignants eux-mêmes, les élèves, les parents d'élèves voire les anciens élèves (c'est-à-dire tout le monde depuis que l'école est obligatoire), chacun se sent légitime pour expliquer aux autres comment il faudrait faire.
Ainsi, une groupe de profs se plaindra invariablement du niveau des élèves qui baisse et des parents qui démissionnent.
Un groupe de parents d'élèves considérera avant tout que le problème vient des enseignants, et occasionnellement, de leur propre rejeton qui n'en fout pas une, mais ça, ils évitent de le dire devant les profs.
Les élèves, eux, en ont marre des profs, de leurs parents et de tout ce qui peut ressembler à de l'éducation d'une manière générale.
Ceux qui n'ont pas d'enfants ni de proches dans l'enseignement se contentent de dire que tout fout le camp, que de leur temps, quand on apprenait par cœur les préfectures et les sous-préfectures, c'était quand même autre chose.

Le pire, c'est que tout le monde a raison.
Le but premier de l'école, c'est d'abord et avant tout de former les jeunes à la vie en société telle qu'elle est aujourd'hui : fortement hiérarchisée, inégalitaire, en recherche de croissance perpétuelle, ...
On croit tous qu'il y a une recherche permanente de s'approcher de l'idéal de Jules Ferry, mais on ignore (souvent) que Jules Ferry lui-même a imaginé l'école pour formater les masses à l'obéissance et la soumission. Ce n'est pas moi qui le dit mais Henri Guillemin, dont il faut absolument écouter les conférences sur ce sujet :


Henri Guillemin 1871-1914 Jules Ferry et le... par passmendjambe

Bref, l'ambition de l'école de la république n'est pas si louable qu'on pourrait le croire, mais malgré tout, on a tous conscience de l'intérêt d'enseigner aux enfants la lecture, le calcul et plus si affinités. Et on a tous de grandes idées sur ce que devrait être l'école et comment elle devrait faire ça pour être efficace. Sauf qu'on ne peut décidément pas transposer notre propre expérience à celle de nos enfants. Parce que les temps changent bien sûr (je n'ai jamais fait de secourisme ni d'éducation à la route en classe, moi), et parce que chaque élève est différent. J'ai toutes les peines du monde à trouver la clé qui permettra à numéro 1 de prendre plaisir à aller à l'école, ou à défaut, à s'enrichir et se cultiver par lui-même. Ce qui se passe entre l'élève et le prof ne peut pas être mis dans une procédure. On est sur de la relation humaine, compliquée, sur des fonctionnements cérébraux, alambiqués parfois.

À partir de là, le paramètre décisif est évident : c'est le nombre d'élèves par enseignant. Pour avoir une chance de trouver le bon chemin avec chacun d'entre eux, il faut qu'il existe une relation privilégiée, quasi-personnelle entre le prof et l'élève. Avec mes trois numéros à la maison, déjà, je peine à trouver des activités qui fédèrent toute la famille, même lorsqu'elles ne demandent aucun effort particulier. Je n'ose imaginer le prof de maths qui se trouve en face d'une trentaine d'ados avec son théorème de Thalès comme seule réjouissance.

Alors, comment on avance sur ce sujet ? À mon sens, mais vous allez dire que je radote, le problème premier, c'est de laisser aux élus la main sur les programmes et sur l'organisation du temps scolaire. Tantôt on travaille le samedi, l'année suivante on supprime, pour remettre le mercredi. Il faut faire plus de sport et de l'histoire de l'art, mais sans pénaliser le niveau de français et avec moins d'heures. C'est schizophrénique et on se demande parfois si le but de tout ça n'est pas de mettre fin irrémédiablement à l'école telle qu'on la connaît, ou plutôt telle qu'on aimerait la connaître : égalitaire, gratuite et utile. Les écoles privées sont d'ailleurs largement subventionnées, ce qui me semble juste incompréhensible.

Bref, on a tous un avis sur l'école et on a bien raison : c'est l'avenir de nos enfants, de notre société qui se joue là. Il faut donc trouver le consensus entre toutes nos opinions sur le sujet et le pire moyen de le faire, c'est d'utiliser l'élection gangrenée par les partis et les médias et qui n'amène au pouvoir que la même sorte d'arriviste ambitieux qui n'a que faire de l'avenir de l'école tant que le sien est assuré.

Je suis presque certain que vous avez, vous aussi, un avis sur l'école. Je vous écoute :

Commentaires

1. Le dimanche, 29 juin 2014, 23:18 par Calcoran

Juste un commentaire sur les écoles privées. Jusqu'à il y a quelques années, je considérais que l'école publique était bien assez bien pour tout le monde, et que si des gens voulaient que leur rejetons reçoivent une autre éducation que celle de la plèbe, ils n'avaient qu'à la payer sur leurs deniers. Comme sur beaucoup de choses, j'ai quelque peu changé d'avis. Pour quelques raisons:
- je suis arrivé en Bretagne, et en Bretagne, la relation à l'école privée est assez différente de celle de la majorité de la France ... j'ai donc dû me poser quelques questions (plutôt que de me dire que 50% des Bretons étaient des cathos tradis ultra-con-servateurs ... pléonasme, je sais), surtout après m'être rendu compte qu'une bonne partie du public de ces écoles privées (si vous me suivez) n'est ni catho, ni fortuné ... et ne paye souvent pas plus cher qu'à l'école publique.
- je me suis rendu compte, comme tu le signales toi même, que malgré le grand nombre d'enseignants dévoués et passionnés qu'on y trouve, le but premier de(s programmes de) l'école publique n'est a priori pas d'atteindre l'idéal éducatif qu'on imagine tous, pas plus qu'il n'est de former des adultes cultivés, capables de raisonner et d'agir harmonieusement en société etc. Oh, il faut un peu de tout ça, c'est certain, mais force est de constater que certaines notions sont étonnamment lacunaires. Au hasard, la démocratie, la création monétaire, les concepts de croissance (ou pas), etc.

Bref, mon avis actuel serait plutôt que moyennant un contrôle limitant les excès (programmes (écoles sous contrats), rémunération des enseignants, critères de sélection), et imposant une certaine mixité sociale, les écoles non directement inféodées au gouvernement peuvent apporter une hétérogénéité de point de vue salvatrice, et modérer les élans gouvernementaux. Oui, je sais, nous ne sommes pas dans une dictature qui imposerait sa propagande directement dès la maternelle ... cela dit, il me semble qu'il est établi la forme de gouvernement que nous subissons actuellement ne s'appelle pas démocratie. "Aristocratie", oligarchie, ploutocratie, dans tous les cas un peu de complotisme pourrait nous faire imaginer un intérêt pour les classes dirigeantes d'influencer l'éducation dans le sens qui les intéresse.

2. Le lundi, 30 juin 2014, 08:48 par Merome

@Calcoran : Tu sous-entends qu'on a plus de chances d'entendre parler de "vraie" démocratie et de décroissance dans les écoles privées ?

3. Le lundi, 30 juin 2014, 22:42 par Calcoran

Non, je n'irais pas jusque là ;) . Juste que la propagande est différente, et que du coup en moyennant les propagandes, on peut espérer montrer aux enfants le côté relatif des enseignement et leur apprendre à garder un regard critique.

Plus sérieusement, je pense juste que cela crée un équilibre qui tempère d'éventuels élans du gouvernement. Du coup dans le cas d'une hypothétique dérive autocratique, ça rajoute un tampon (un buffer quoi), c'est toujours bon à prendre.

4. Le mardi, 1 juillet 2014, 13:41 par Merome
@Calcoran : qui définit le programme des écoles privées si ce n'est l'Etat lui-même ? Au final, le brevet, le bac, n'ont qu'un sujet commun au privé et au public. Donc, je n'arrive pas à voir où ça peut apporter du pluralisme...
5. Le samedi, 5 juillet 2014, 19:58 par Calcoran

Bien sûr, tout est toujours affaire de compromis: il existe aussi des écoles hors contrat, qui normalement ne sont absolument pas financées par les deniers publics ... et sur lesquelles l'état n'a aucun droit de regard. Mais ça ouvre la porte à toutes sortes d'autres dérives (extrémistes religieux et sectes en particulier).

Dans le cas des écoles privées non-hors-contrat, effectivement l'état définit les programmes, mais à ma connaissance il y a une adaptation/négociation (avec validation par l'état, bien évidemment). Par exemple les 4.5 jours ne sont toujours pas appliqués par bon nombre d'écoles privées. Je ne dis pas que c'est bien ou mal pour cette mesure particulière, mais en tout cas ça montre le phénomène de tampon. Et puis les inspecteurs académiques ne sévissent pas dans les établissements privés, c'est toujours ça de pris ;) .

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