Ceci est une nouvelle de fiction.

Il est toujours délicat de dater précisément le début d'un mouvement d'un telle ampleur, mais les historiens s'accordent à dire que cet événement du mardi 17 décembre 2013 en Moselle fut le point de départ de ce qu'on appela ensuite la révolution des cartouches.
Ce jour-là, huit enseignants se sont fait porter pâle pour protester contre les comportements violents de leurs élèves, admettant ainsi leur incapacité à maîtriser leur classe, et dénonçant le manque de soutien de leur hiérarchie.
Ce type d'événement se répéta ensuite en 2014 dans plusieurs établissements scolaires, à tous les niveaux, et dans toutes les régions. Si les premières écoles touchées furent celles des quartiers les plus défavorisés, la contagion gagna rapidement les établissements huppés, sans que personne ne fût capable de l'enrayer.

Les journaux télévisés qui avaient repéré le potentiel de l'affaire de Moselle amplifièrent le phénomène en diffusant chaque soir des images de nouvelles écoles mises à sac par des trublions de moins d'un mètre cinquante. Les écoliers qui dînaient devant leur poste avec leurs parents n'en rataient pas une miette et complotaient à leur tour avec leurs camarades pour prendre d'assaut leur classe, et provoquer d'autres fermetures.
Une sarbacane de fortune fabriquée à partir d'une cartouche d'encre était l'arme de prédilection des fauteurs de trouble. Les plans circulaient sur internet et des vidéos Youtube détaillaient les étapes de fabrication. Les billes de cartouches utilisées comme projectile fusaient à près de quatre-vingt kilomètres par heure et provoquaient sur la cible la sensation d'une piqûre intense et une marque bleue sur la peau où les vêtements. Inoffensives, mais agaçantes, les attaques finissaient par anéantir la patience des enseignants qui ajoutaient des punitions aux punitions sans parvenir à décourager les élèves.

L'originalité du mouvement était qu'il n'avait aucun leader, et ne présentait aucune revendication. Les élèves, le plus souvent, continuaient d'ailleurs à se rendre à l'école et occupaient les locaux pendant les heures de classe, même en l'absence des professeurs. Pour ces raisons, et parce que les principaux protagonistes n'avaient pas l'âge légal pour être considérés comme des citoyens, aucun parti politique et aucun syndicat n'a pu récupérer le mouvement qui restait totalement anarchique.

Malgré un plan d'envergure national échafaudé par le gouvernement pendant les vacances d'été, la fronde reprit de plus belle en septembre 2014 et prit alors une tournure inattendue.
Les parents des révoltés scolaires n'avaient pas plus d'efficacité que les enseignants pour tenir en respect leur progéniture, et préoccupés par leur propre situation économique pendant la crise qui s'éternisait, ils s'attachaient à conserver leur emploi en travaillant davantage.
Lorsqu'un certain nombre d'adolescents a pris la main sur la télévision, car ils étaient les seuls à comprendre l'installation qui permettait de recevoir la TNT et la télévision par internet sur le téléviseur familial, les parents se sont retrouvés coupés de la propagande officielle du gouvernement. Là encore, ce sont les tutoriels Youtube qui ont permis la diffusion en masse des procédures auprès des jeunes, prenant de cours les autorités qui faisaient interdire une vidéo pendant que dix nouvelles apparaissaient ailleurs.

C'est à ce moment que bon nombre d'adultes se sont rendus compte du caractère profondément révolutionnaire des événements. Ce qui était présenté par les journaux télévisés comme un phénomène violent illustrant la dérive de la jeunesse, leur parut soudain... utile.
Libérés par leurs enfants du message médiatique dominant, ils réfléchirent enfin par eux-mêmes et commencèrent à leur tour à rejoindre le mouvement sans mot d'ordre. Il s'agissait de prendre conscience de la force du nombre, par rapport au nombre de maîtres.
Banquiers, politiciens et industriels, privés des moyens de communication de masse pour diffuser leurs doctrine se firent rapidement dépasser par les événements. La grève générale débuta dès la fin de 2014 et ne cessa que lorsque la démocratie réelle fut installée.
Une des premières décisions de la nouvelle assemblée tirée au sort fut de réécrire les livres d'histoire en appelant "gouvernement représentatif" tous les régimes utilisant les élections pour sélectionner leurs représentants.

Commentaires

1. Le jeudi, 2 janvier 2014, 13:46 par Soudecorse

Hahaha, un compte pour parents que les enfants devraient leur lire plus souvent avant de les mettre au lit et de retourner sur les internets.

Ajouter un commentaire

Les commentaires peuvent être formatés en utilisant une syntaxe wiki simplifiée.

La discussion continue ailleurs

URL de rétrolien : https://merome.net/blog/index.php?trackback/999