Nous n'avons pas les mêmes valeurs

Je viens de faire une tarte aux pommes, elle est en train de cuire. Je ne fais jamais de tarte aux pommes d'habitude, pas le temps. Passionnant ce blog, n'est-ce pas ?
Tout en confectionnant cette pâtisserie, je pensais à un boulanger qui ferait la même chose en ajoutant soit de la crème, soit du glaçage gélatineux dessus, ce qui est proprement dégoûtant. Sacrilège. Une tarte aux pommes, c'est de la pâte, des pommes et du sucre. Pas de cannelle, pouah. Rien d'autre.
Un boulanger, pourtant, en faisant sa tarte aux pommes dégueulasse, il "crée de la valeur". C'est à dire que dès qu'elle est cuite, sa tarte a une valeur marchande, donc une utilité pour la société. La mienne, pourtant meilleure, ne vaut rien. Invendable, qu'elle est. Inutile.

Vous voyez où je veux en venir ? Un même produit, selon qui le fait et dans quelles conditions, participe à la création de richesse du pays ou pas. Si ce n'est pas la démonstration définitive que nos sociétés ne savent pas compter les richesses, et que ça nous envoie dans le mur, je ne sais pas ce qu'il vous faut. Le même boulanger qui fait la même tarte pour ses enfants le week-end, il ne crée pas de valeur. Il fait pourtant la même chose !
Cette logique nous instille l'idée que seul le travail salarié ou "l'emploi" est digne d'intérêt. Tout ce qui se passe en dehors de ce cadre est du "loisir", inutile, presque nuisible, car l'oisiveté est la mère de tous les vices, c'est bien connu.

Selon Friot, le conseil national de la résistance, en instituant en 1945 le droit à la retraite, a mis un virus dans cette idéologie idiote. En effet, qu'est-ce que la retraite sinon la reconnaissance de l'utilité de nos vieux oisifs ? La prise en compte d'une autre façon de participer à la création de richesse, une richesse non-marchande, mais tout aussi indispensable ? La grand-mère qui prépare une tarte aux pommes pour ses enfants reçoit ainsi une pension, pas que pour la tarte, bien sûr, mais pour l'ensemble de son œuvre : sa participation à la création de richesse du pays. Le fleurissement du village, la garde des petits enfants, la transmission de son savoir aux générations futures, l'entretien de son verger... D'ailleurs, savez-vous comment est comptabilisée la participation au PIB de nos retraités ? C'est la somme de leurs pensions (d'une manière général, le PIB est d'ailleurs la somme des salaires).

Quand on arrive à intégrer ceci dans nos schémas de pensée, à s'extraire du modèle dominant, on entrevoit bien d'autres façons de gérer nos sociétés. Et l'idée d'un revenu de base parait beaucoup moins fantasque : tout le monde crée de la richesse. "Il n'est de richesses que d'hommes" disait Jean Bodin, le simple fait d'exister est une richesse potentielle, d'où l'idée d'un revenu d'existence.

Une initiative citoyenne européenne (ICE) est en cours sur le sujet et je vous recommande chaudement de la signer. Ce n'est pas un bête sondage ni une nouvelle pétition sans enjeu, c'est notre unique porte d'entrée démocratique officielle vers l'union européenne. Vous trouverez toutes les infos nécessaires sur cette page.

Sur ce, je retourne à mon inutilité :