Fiche de lecture de l'ouvrage de Philippe d'Iribane paru en 2006.

La France est un pays étrange.
"Il est sans doute peu de pays où l'on célèbre autant la raison, les idées générales, l'universel, l'ouverture au monde, ce qui est grand, neuf, généreux. Et simultanément, elle n'a rien à envier à personne en ce qui concerne la défense des particularismes, des statuts, des terroirs, des situations acquises. On y brocarde volontiers les puissants et l'on est dans l'attente de grands hommes."
Pourquoi tant d'apparentes contradictions ?

Quand on commence à s'intéresser à la chose politique, on arrive vite à se poser la question du pourquoi de la pérennité de notre système, pourtant si imparfait. Quel modèle social, quelle Histoire forment le terreau de notre système actuel et en freinent l'évolution ? Pourquoi la France des Lumières et de la Révolution se complait-elle dans une "Monarchie Présidentielle" ? C'est dans cet état de questionnement que j'ai été attirée par le titre et la quatrième de couverture de l'ouvrage de Philippe d'Iribane.

Celui-ci nous explique que notre modèle actuel prolonge des visions fort anciennes. Malgré la Révolution, nous héritons d'un régime féodal dans lequel figuraient des liens de subordination qui duraient toute une vie. Plus on était bas dans l'échelle sociale, moins on était libre. Ainsi, la notion de liberté à la française est assujettie à la place que l'on a dans la société. Un Homme libre, entendons par là un Homme accompli, est celui qui s'élève au dessus de la trivialité du quotidien (et donc de sa condition de mortel).

L'organisation d'une société (politique, juridique, économique, institutionnelle...) va dépendre de la façon de répondre collectivement à la question de la liberté. Dans toute société, l'Homme dit libre supporte de multiples contraintes (les premières d'entre elles étant les contraintes physiologiques). C'est le sens qu'on va donner à ces contraintes, leur sens plus ou moins socialement humiliant, qui va les rendre plus ou moins acceptables. "On trouve en France la conception de la grandeur propre à une caste attachée à son rang, qui ressent comme une atteinte insupportable toute demande d'effectuer des actions indignes de celui-ci.".

La grandeur, la Noblesse, comme idéaux de vie personnelle et sociale vont former le cadre au sein duquel va se dérouler le jeu social. Il existe en effet plusieurs visions de la Noblesse (non pas comme État de la société de l'Ancien Régime mais bien comme attribut de ce qui élève) qui s'y opposent en permanence :

  • Une vision "aristocratique" de la Noblesse qui vise à acquérir l'immortalité au travers d'une action qui perdurera par devers soi telle la construction d'un empire ou l'appartenance à une lignée. Dans cette vision, tout le monde n'est pas égal.
  • Une vision "cléricale" de la Noblesse qui vise à dépasser la condition mortelle au travers l'accession à l'Art et à la Connaissance (devenir "pur esprit" en quelque sorte). Dans cette vision, les individus sont égaux face aux matières nobles et la valeur de l'apprentissage est mise en exergue.

Enfin, moins présente dans notre société que les deux premières, une vision "bourgeoise" de la Noblesse consiste à éloigner de soi ce qui peut faire penser à la mort, la déchéance, la pourriture. L'ordre, la propreté, le respect des règles et une forme de "puritanisme" sous-tendent cette vision de la Noblesse.

C'est ainsi le "Rang" qu'une personne occupera dans la société française qui déterminera en quelque sorte sa valeur. "Tout ce qui en France ... entretient des rapports avec la place attribuée à chacun dans la société est l'objet d'intenses débats idéologiques. ... Cela se comprend d'autant mieux que non seulement cette place représente un enjeu considérable mais que de grandes incertitudes subsistent sur les règles qui conduisent à la fixer."

Cette analyse sert de base à Philippe d'Iribane à une lecture des difficultés que rencontre notre modèle social, que ce soit concernant le marché du travail, l'éducation ou l'intégration des immigrés. Une approche assez intéressante, même si je n'en partage pas toutes les conclusions. J'ai regretté cependant que l'auteur n'ait pas développé son analyse dans le champ politique et institutionnel, même si les bases sont posées pour que chacun alimente ses propres réflexions.

Je reviendrais sans doute dans un autre billet sur l'application de cette approche sur le marché du travail qui mérite à elle seule un plus long développement.

Commentaires

1. Le mercredi, 2 octobre 2013, 09:38 par Galuel

Sur le travail et le principe de relativité de toute valeur selon la TRM, voir :

Le ğtravail : http://www.creationmonetaire.info/2...

La ğvaleur : http://www.creationmonetaire.info/2...

De fait toute définition de ce que pense, désire ou ne pense ni ne désire un individu est une violation des 4 libertés économiques et du principe de relativité.

La conséquence causale de cette violation est une accumulation de nuisances qui pour contre-réaction finale révolution, insurrection, guerres.

Tout comme la méconnaissance du principe gravitationnel conduit Icare à la chute. La connaissance du principe gravitationnel permettant la mise au point d'engins volants qui ne chutent pas.

La Théorie Relative de la Monnaie explique tout ceci.

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