40% des produits de beauté contiennent au moins un perturbateur endocrinien. Alors on fait quoi ?

Pour ceux qui n'ont pas vu la nouvelle, qui n'en est pas vraiment une, voici l'article du Monde.fr qui en parle.
Très concrètement, la moitié des produits qu'on se colle sur la peau, dans les cheveux, sur les fesses de nos enfants et les ongles de nos mamans, est susceptible de provoquer des cancers et des problèmes de fertilité, car ils ont dans leur composition au moins un perturbateur endocrinien, c'est à dire une molécule qui va dérégler le fonctionnement d'une de nos glandes qui régulent nos hormones. On apprend également que les produits bio, eux, ne seraient concernés qu'à hauteur de 1.3%, soit 30 fois moins dangereux.
La raison voudrait que dès demain, l'on cessât d'acheter des shampoings, savons, déodorants classiques au profit de leurs équivalents bio. Pourtant, très peu d'entre nous vont le faire. Pourquoi ?

Parce que le bio est beaucoup plus cher, et pour la plupart d'entre nous, l'économie à court terme présente un intérêt supérieur à la santé future de nos propres enfants. On peut tourner le problème dans tous les sens, il se résume de cette façon là. Quand nos gosses choperont un cancer ou qu'on s'apercevra de leur infertilité, nous serons fiers de pouvoir leur dire : "oui, mais avec les économies qu'on a faites, j'ai pu t'acheter une tablette tactile !". On en est là et c'est triste. D'autant plus triste que si nous qui sommes en mesure de comprendre l'enjeu, ne faisons pas l'effort financier aujourd'hui, il n'y a aucune raison que demain cet effort soit moindre, autrement dit, si aujourd'hui nous ne soutenons pas la filière bio, demain lorsque nos enfants seront consommateurs à leur tour, les produits seront encore plus chers.
Je l'ai déjà dit mais je crois que c'est un argument de poids : si le prix est l'unique raison qui vous fait préférer les produits standards aux produits bio, alors ne vous plaignez plus jamais des patrons qui exploitent leurs employés en les envoyant traiter l'amiante, ou travailler dans des conditions d'hygiène impossible : vous faites la même chose avec vos propres gosses !
Songez à la chose la plus futile que vous consommez (vacances à l'autre bout du monde, forfait de portable, objet high tech, voiture dernier cri, ...) et mettez ça en balance avec le futur probable cancer de votre enfant en comptant ce que ça représente en tubes de dentifrice et en flacons de shampoing bio. Bon courage pour me démontrer que votre affaire est rentable.

Parce qu'on ne voit que la partie émergée de l'iceberg, on se dit que l'on utilise finalement pas tant de cosmétiques que ça (on pense rouge à lèvre, maquillage, fond de teint, mais on oublie shampoing, savon, dentifrice, déodorant) et on n'imagine leur effet que sur les gens qui les utilisent, en négligeant le reste. Le reste, c'est la production même de tous ces produits. Le label bio garantit que les matières premières utilisées ont été cultivées ou produites dans des conditions acceptables pour l'environnement. Cela dépasse le simple effet sur la qualité du produit lui-même. Par exemple, les légumes bio doivent être cultivés dans des endroits où il y a des haies autour, pour que les jolis petits oiseaux puissent y vivre. Cela ne change rien pour le goût ou la qualité nutritive du légume lui-même. Mais cela favorise la biodiversité, en général. Autrement dit, il y a un gain indirect pour tout le monde à acheter du bio, même pour ceux qui n'utilisent pas de cosmétiques du tout.

Parce que nous sommes tous des grenouilles dans l'eau chaude, si la température monte lentement, la grenouille ne saute pas de la casserole. C'est seulement en cas de choc thermique important que nous aurons le réflexe de survie salvateur. Et même, nous avons tous autour de nous des cancers du sein, de la peau, des malades atteints d'Alzheimer, ces vies brisées ne suffisent même pas à nous faire prendre conscience de l'urgence du problème.

Alors il faut quoi ? Une prise de conscience réelle et générale, qui ne peut passer que par l'action de la minorité qui aujourd'hui est déjà consciente. C'est vous, c'est moi qui devons agiter le bocal dans notre entourage. Parlez-en à votre femme, à votre beau-frère, expliquez à vos enfants, abordez le sujet en réunion de famille. Éteignez pour un temps les télés et les playstations pour faire du bruit. C'est à nous de réorienter le marché dans la direction qui ne tue plus personne ou qui ne rend plus malade. Cela ne dépend que de nous.

Commentaires

1. Le lundi, 16 septembre 2013, 11:16 par Stef

J'ai été aussi interpellé par cet article, surtout par l'ampleur du problème... Comme en alimentaire il est assez compliqué de faire la part des choses comme on manque de données précises sur la dangerosité des différentes molécules incriminées.
Au passage tu transformes l'article de départ en une opposition Bio / non-bio alors que ce n'est pas tout a fait le même sujet (même si je constate comme toi la bien meilleure qualité du Bio en moyenne sur la composition en perturbateurs endocriniens).

2. Le lundi, 16 septembre 2013, 12:42 par Calcoran

<citer>La raison voudrait que dès demain, l'on cessât d'acheter des shampoings, savons, déodorants classiques au profit de leurs équivalents bio. Pourtant, très peu d'entre nous vont le faire. Pourquoi ?</citer>

Pourquoi? Euh ... parce que je le fais déjà ;) . Et franchement, pour ça comme pour la bouffe je suis incapable de dire si oui ou non ça me revient plus cher, et si oui, de combien. On achète ce dont on pense avoir besoin pour la famille, et on voit ensuite s'il reste du budget pour les trucs superflus comme tablettes, jeux, etc. (à vrai dire, souvent je ne regarde même pas parce que étant dans le domaine, je sais parfaitement qu'une tablette a une durée de vie bien plus faible qu'un PC portable (sans parler d'obsolescence programmée, le refroidissement des composants principaux d'une tablette est très problématique d'où un vieillissement accéléré), donc on n'en achètera pas (fontaine ....)).

Après, il existe un point que tu ne mentionnes pas. Je ne sais trop comment le nommer ...:le service rendu ... la facilité d'utilisation ... quelque chose comme ça. Exemple: les déodorants. Ne parlons pas de pierre d'alun, il semblerait que ça ne soit pas si bon que ça, ça a disparu des rayons du réseau Biocoop. Mais globalement, quand on en trouve un qui tient toute la journée, on peut s'estimer heureux, alors qu'avec du M...en G...te ou autre, il est possible de tenir deux jours facilement (dans les cas où l'on ne se douche pas tous les jours). Bon, il y a peut-être un lien entre toxicité et durée, là. Plus généralement, les produits bio sont souvent soit moins efficaces, soit moins pratiques à utiliser. Ca vaut pour la nourriture d'ailleurs, souvent il y a plus de travail en cuisine avec du bio qu'avec de l'industriel. Ou pour le bricolage: peinture à la caséine qui demande 3 couches pour un rendu nickel ou peinture industrielle pleine de saletés qui ne demande qu'une couche?

Est-ce un mal? Ca se discute. Régulièrement, je me dis: ah, il n'y a pas ça, ou zut, ça ne fait pas ça ... euh, mais est-ce qu'on en a vraiment besoin? Mais il faut avouer que ça demande souvent des efforts de réflexion ou de motivation au moins autant (si ce n'est plus) que des efforts financiers.

3. Le lundi, 16 septembre 2013, 13:23 par Merome

@Stef : oui, j'ai dérivé sur bio/pas bio, parce que tous les articles sur le sujet note que le bio est beaucoup moins affecté. C'est l'occasion de montrer et de rappeler les bonnes pratiques.

@Calcoran : La pierre d'Alun, si elle n'est pas reconstituée, me semble encore un bon choix. Si tu as des liens sur le sujet qui prouvent le contraire, je veux bien les connaitre.

4. Le lundi, 16 septembre 2013, 14:08 par Bob

""oui, mais avec les économies qu'on a faites, j'ai pu t'acheter une tablette tactile !".

Pour te renvoyer a un de tes precedents billets, que preconises-tu aux gens (et j'imagine qu'il doit y en avoir) qui sont plutot sur le mode "avec les economies qu'on a faites, j'ai pu acheter de quoi manger ce mois-ci" ?

Je crains qu'on ne s'achemine de plus en plus vers un systeme ou, pour beaucoup, aller au moins cher releve de la necessite plus que d'un choix malavise.

5. Le lundi, 16 septembre 2013, 14:43 par Merome

@Bob : Si pour les cosmétiques, l'argument est recevable (encore que : ma pierre d'Alun coute moins cher qu'un déo vu que je la traine plusieurs années !), ça l'est moins pour les légumes bio. Ils sont plus chers, oui, mais nourrissent mieux aussi car pas gonflés artificiellement à l'eau. Et consommer bio et surtout local, c'est une des choses qui peut permettre que ça aille mieux plus tard. C'est le gros piège du prix attractif : tu payes moins cher un produit qui auparavant était produit par ton voisin et donc permettait que l'économie tienne debout.

Autant que possible, il faut donc acheter local et bio, quel que soit le prix pour espérer en sortir un jour. Ceux qui n'ont pas les moyens n'ont plus qu'à cultiver eux-même la chose. Ou s'inscrire sur Monnaie M, tiens :)

6. Le lundi, 16 septembre 2013, 15:16 par Calcoran

@Merome: Pour la pierre d'Alun c'était dans un compte rendu expliquant la décision de Biocoop de ne plus en proposer ... ça se basait sur une étude qui émettait des doutes sur une potentielle nocivité il me semble. Je n'ai rien retrouvé en ligne, mais je n'ai cherché que quelques minutes j'avoue.

@Bob: Sérieusement, j'ai des doutes quant à la proportion de gens qui ne peuvent réellement pas acheter bio pour des raisons financières. Je ne dis pas qu'il n'y en a pas. Mais j'ai connu des gens qui avaient du mal à boucler leurs fins de mois (et donc achetaient tout en premier prix en grande distribution), mais qui avaient tout de même acheté un animal familier de race à leur enfant ... l'animal était cher, et était régulièrement malade, d'où note salée du vétérinaire tous les trimestres à peu près. Ces personnes avaient aussi une TV écran plat achetée à crédit qui leur coutait relativement cher au final (j'ai du mal à comprendre comment certaines formes de crédit peuvent être considérées comme légales) ... alors que je suis près à parier qu'il existe tout plein de vieilles TVs cathodiques qui refusent de mourir et qui peuvent être achetées pour une bouchée de pain (bio si possible). Bref, c'est quand même pas mal une histoire de choix de vie, revenus modestes ou pas.
Mais quand bien même, admettons l'excuse des revenus modestes pour ne pas acheter bio, il reste encore une bonne partie de la population qui ne peut utiliser cette excuse et qui pourrait enclencher une dynamique positive en se mettant au bio.

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