Un petit article techno pour changer.

Je ne suis pas très au fait des nouveautés technologiques, je me contente d'observer ça de loin et avec un prisme de plus en plus méfiant dû à mon âge avancé sans doute, mais surtout au fait qu'il me semble qu'il y a de moins en moins d'innovations technologiques sans arrière-pensée commerciale au mauvais sens du terme. Évidemment qu'on n'invente pas une techno pour ne pas chercher la vendre ensuite, mais encore faut-il voir comment on la vend et dans quel but.

Windows 8 est un désastre, plus personne n'en doute, pas même microsoft qui s'apprête à sortir une version "corrective" 8.1 qui réintègre le bouton "démarrer" qui avait disparu. Mais l'écran d'accueil du nouveau système d'exploitation reste basé sur des applications plus ou moins "intégrées" au système comme on le voit sur les tablettes tactiles et autres smartphones.

Je ne vais pas faire une critique détaillée de ce mode de fonctionnement, car j'en serais bien incapable n'en ayant vu que des bribes, mais vu de l'extérieur, je vous livre mon impression toute en nuance : c'est de la merde.

Ce qui était bien et beau avec l'informatique, puis l'internet, c'était d'avoir un espace de liberté créative totale, où chacun pouvait redessiner le monde comme il le souhaitait, en développant son code lui-même, ou en choisissant vraiment ce qu'il voulait voir ou faire. En cela, c'était révolutionnaire par rapport à la télévision qui diffusait unilatéralement la même émission que ça vous plaise ou non.
En multipliant les "app stores" et les portails d'accueil à la Windows 8, les éditeurs nous présentent leur vision du monde. On sait qu'Apple refuse toute application qui dérange les bonnes mœurs, par exemple comme si l'on avait besoin d'un filtre parental mondial où ce serait les humains les enfants et les grandes multinationales les parents. Prenons une application comme celle d'Allociné, que l'on peut intégrer à Windows 8. De prime abord, on se dit que c'est pratique d'avoir un accès direct à la base de données géante du site, et connaître les dernières sorties, voire même les salles et les horaires des séances près de chez soi, comme ça, directement dans son environnement de travail, comme on peut avoir maintenant la météo locale ou un fil d'informations continues.
Ben oui, mais non. Qu'est-ce qu'Allociné va nous présenter en tête de gondole quand on va utiliser l'application ? La dernière superprodution américaine ou bien "Les nouveaux chiens de garde" ? Le dernier film de Dany Boon ou bien celui de Pierre Carles ?
Vous allez me dire, avec raison, qu'il reste la possibilité de rechercher soi-même des infos sur les films moins consensuels et commerciaux, et on croit tous bêtement être parfaitement insensibles au matraquage promotionnel, d'autant plus quand la publicité n'est pas présentée comme telle, mais comme une information innocente. C'est vrai, après tout : l'application Allociné, il faut bien qu'elle affiche quelque chose, alors pourquoi pas ce qui est le plus populaire ?

Je vous concède que lorsqu'un utilisateur unique de l'application Allocine (ou une autre, hein, je ne fais pas une fixette sur celle-là, c'est juste un exemple) visualise une affiche d'un film débilifiant, il peut avoir l'intelligence nécessaire pour passer outre, et dans le cas contraire, cela n'a rien de gravissime. Mais lorsque c'est des millions de gens qui en même temps visualise le même écran promotionnel, il y a un risque de fabrique de l'opinion. Et personne n'y échappe, pas même ceux qui, comme moi, la critiquent et l'observent.

S'il vous paraît évident et naturel que Windows 8 ne propose pas en standard une application "Mozilla" qui montrerait les dernières nouveautés de Firefox, si cela tombe sous le sens que vous ne trouverez pas une information sur le système Android sur votre Iphone, alors vous avez compris que vous n'accéderez, par défaut, sur vos appareils électroniques qu'à ce que leurs éditeurs ou fabricants veulent bien vous montrer. Que nous reste-t-il alors comme liberté ? Individuellement, heureusement, encore beaucoup : celle de ne pas utiliser ses appareils ou les configurer à notre sauce pour que les nuisances soient moindres. Mais collectivement ? Les messages subliminaux envoyés en masse par tous ces appareils connectés ne présentent-ils pas un monde différent de la réalité ?

Les google glass sont l'archétype, l'aboutissement de cette dérive. Nous allons voir le monde à travers les yeux de Google. Au moins dans ce cas, nous ne sommes pas pris en traître, mais interrogeons-nous sur les nombreux appareils et applications que nous utilisons déjà, sans compter l'affichage publicitaire urbain (parfois lui aussi connecté) auquel nous ne pouvons pas échapper du tout ?

De plus en plus, maintenant, quand on me présente une nouveauté technologique comme celle-là :



Moi je vois ça :

Commentaires

1. Le vendredi, 6 septembre 2013, 15:36 par Galuel

Je ne peux qu'applaudir la grande pertinence de ce post. J'avais réalisé un petit post rapide sur le thème des Google Glass :

http://blog.creationmonetaire.info/...

Mais je voudrais être plus pertinent encore et préciser un point qui est plus grave que ce qu'il paraît, je cite :

"Je vous concède que lorsqu'un utilisateur unique de l'application Allocine ... visualise une affiche d'un film débilifiant, il peut avoir l'intelligence nécessaire pour passer outre, et dans le cas contraire, cela n'a rien de gravissime"

Mais non ! C'est pire. Car le fait même de visualiser cette affiche est une violation du libre regard. Un vol de temps de vision libre, de temps d'existence libre. Ainsi un individu qui voudrait véritablement réclamer sa liberté devrait pouvoir éviter de voir s'afficher devant son regard, dans l'espace public notamment (je pense au métro, à la rue, aux espaces publics...) toute image, tout son, toute odeur ou quoi que ce soit d'autre.

Que donc celui qui souhaite subir images, sons, odeurs, touchers, fabriqués par d'autres puisse le faire, n'est pas un droit pour celui qui les fabrique de les imposer à qui ne le souhaite pas.

L'espace public, qu'il soit numérique ou pas, est donc en violation des libertés individuelles quand il affiche des sensations qui n'ont pas fait l'objet d'un accord préalable.

2. Le vendredi, 6 septembre 2013, 15:55 par Bob

Tout à fait d'accord avec toi Galuel. Bien plus que les gadgets technologiques fermés - dont chacun reste, au fond, libre de les adopter ou non - c'est plutôt l'intrusion des écrans publicitaires dans l'espace public qui m'inquiète.

Et encore, ceux que j'ai par chez moi ne sont pas (pas encore ?) sonorisés...

3. Le vendredi, 6 septembre 2013, 16:12 par Merome

@galuel et @bob : nous sommes tous d'accord, inutile de feindre :) Ce que je voulais dire par cette phrase, c'est qu'à l'échelle de l'humanité, une seule paire d'yeux qui voit une pub (quel que soit son format numérique ou physique) n'a pas d'impact mesurable. Le souci et l'impact mesurable sur l'évolution de la société vient du fait que des millions de paires d'yeux voient la même chose au même moment (ou presque) et que ces images soient proposées par une société commerciale dans un but qui n'a rien de philanthropique.

4. Le vendredi, 6 septembre 2013, 16:50 par ®om

Très pertinent.

> En cela, c'était révolutionnaire par rapport à la télévision qui
> diffusait unilatéralement la même émission que ça vous plaise ou non.

> Qu'est-ce qu'Allociné va nous présenter en tête de gondole quand on va
> utiliser l'application ? La dernière superprodution américaine ou bien
> "Les nouveaux chiens de garde" ? Le dernier film de Dany Boon ou bien
> celui de Pierre Carles ?

Il me semble que ce que disait Bourdieu sur la télévision peut
s'appliquer à cette sélection de contenus par les éditeurs :

> La télévision, qui prétend "enregistrer" devient un instrument de
> création de réalité.
http://www.youtube.com/watch?v=rT_4... (à 12mn20)

5. Le vendredi, 6 septembre 2013, 23:56 par Stef

J'ai du me depatouiller 30 minutes avec Windows 8.1 chez un copain qui eu ça par défaut sur sa nouvelle installation pro. Je me considère comme un utilisateur "béta plus" dans le sens ou sans être spécialiste de l'informatique et plus vraiment un geek, j'ai un gros pourcentage de mes 30 dernières années passé sur des ordinateurs dont une bonne partie a les tripatouiller (logiciel ou harware) pour moi ou les copains (utilisateurs "béta".
Ce fut 30 minutes de calvaire, j'ai eu l'impression d'être redevenu un noob :) , l'interface est aussi intuitive qu'elle est belle (j'avais pas vu aussi moche depuis la disparition du minitel). Au final, -comme souvent avec les nouvelles versions- l'installation de son ancienne imprimante a été impossible, les quelques forums consultés arrivaient au même échec. On a contourné le problème en échangeant ses imprimantes perso et pro, l'autre étant reconnue...
On dit souvent qu'un Windows sur 2 est raté, je crois qu'on a le bon successeur des Windows 200 et Vista sur le coup... :D

6. Le vendredi, 6 septembre 2013, 23:57 par Stef

Lire *Windows 2000 et Vista dans la dernière phrase (c'est ça de relire trop vite...)

7. Le dimanche, 8 septembre 2013, 04:16 par Marc

@Galuel je cite "un individu qui voudrait véritablement réclamer sa liberté devrait pouvoir éviter de voir s'afficher devant son regard, dans l'espace public
notamment (je pense au métro, à la rue, aux espaces publics...) "

ok. je vais dans ton sens. et à ce titre, je dois dire que la présence de familles Romes avec nombreux enfants aux abords de la gare que je fréquente tous les jours est pour moi très incommodante.
Je pense que ces personnes n'ont pas leur place à l'endroit où ils stationnent, que cet endroit n'est pas fait pour ça et leur mandicité me dérange profondément.
Donc tu vois, ta remarque peut s'appliquer dans d'autres sens.

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