Les premières notes de l'album Zoolook

Il y a quelques semaines, lors d'une après-midi jeu avec des potes presque ou déjà quarantenaires, notre hôte nous colle un album de Jean-Michel Jarre en musique de fond. Je me demande intérieurement quel album de JMJ je préfère et puis je pose la question à mes deux adversaires, et tous deux me répondent la même chose, et c'est évidemment le même album que moi : Zoolook.

J'ai réécouté depuis cet album et je le fais en rédigeant cet article, chaque fois l'émotion est intact au démarrage d'Ethnicolor, la première chanson du disque.
Il faut dire que c'est l'année 1984, j'ai 9 ans, mais quand l'album arrive à mes oreilles (à travers L'arche du Captain Blood) un petit peu plus. Je commence à comprendre et à me passionner pour la micro-informatique qui balbutie, je me rends compte des possibilités infinies qu'offre le numérique, y compris dans la musique. Et dans cet album particulièrement, c'est la synthèse vocale qui me prend aux tripes, mi-humaine, mi-robotique, étrange, inquiétante, plaintive ou douce, Jarre nous expose une variété de sons nouveaux, décalés, futuristes.
Aujourd'hui, la prouesse technique est dépassée, il ne reste que la composition originale et agréable du musicien et ce n'est pas rien !

Mais revenons à cet échange avec mes deux contemporains. Nous vivions à l'époque à des centaines de kilomètres de distance, dans des contextes différents, on ne se connaissait évidemment pas et nous n'allions pas faire les mêmes études ni viser le même métier, pourtant, autour de nos dix, douze ans, cet album nous a marqué au point qu'on puisse en parler avec émotion trente ans plus tard.
Et c'est là que je bloque sur un bug de mon idéologie. Dans un monde libre, décroissant, (vraiment) démocratique, où les maisons de disque ne font plus la loi sur le marché de la musique, où la diversité culturelle est plus importante que l'aspect bankable de l'artiste, est-ce que ce genre "d'événement" musical reste possible ? Est-ce que trois gosses que rien ne relie pourraient s'émouvoir du même album au même moment et partager cela des décennies plus tard sans le rouleau compresseur de l'industrie musicale ? Et si non, est-ce que c'est grave ou pas ?
Quand vous allez à un concert de votre artiste favori et que vous vous retrouvez à côté d'inconnus qui vibrent au même rythme et aux mêmes notes que vous, ce partage-là, vaut-il ou supplante-t-il le partage peer-to-peer d'un MP3 ? La dilution des goûts qui accompagnera la diversité musicale sera-t-elle propice à créer de tels moments de communion ?

Si vous avez des réflexions autour de ce sujet, ça m'intéresse de les entendre.

Commentaires

1. Le jeudi, 22 août 2013, 20:16 par Raphaël D

Hmm...
La musique n'a pas attendu les majors, la radio ou la télé. L'expérience montre qu'on peut très bien partager de la musique sous forme de partition (le dernier album de Mozart est sympa et libre de droits d'ailleurs), ou de proche en proche (comme les comptines) : rien qu'en écrivant "Au clair de la Lune, mon ami Pierrot, prête moi ta plume, pour..." tu peux continuer la chanson et même la fredonner alors qu'on ne s'est même jamais rencontré, qu'on ne l'a pas entendue à la radio, et je ne me souviens pas de l'avoir "vue à la télé".

Avec les moyens "modernes", comme l'Internet, le crowdfunding, et pourquoi pas (on peut rêver) un revenu de base en guise de mécénat (mais au fond, on peut faire sans), on peut envisager de se créer entre nous la musique qui nous plaît, et la mettre en avant.

2. Le jeudi, 22 août 2013, 21:26 par Etheriel

Au dernier apres-midi "jeux", j'ai en effet noté un morceau de Jarre dans ta playlist ! Mais ce n'etait pas de Zoolook.

Perso, un peu la même expérience: tout petit j’étais autorisé (parce que j'en prenais soin !) à utiliser le tourne-disque de mon père. Et je devais avoir 6/7 ans quand mon père a ramené un truc qui m'a bluffé parce que ca ne ressemblait en rien à ce que j’écoutais (principalement des disques de ma mère, donc des vieux Beatles, Polnareff, ...) : Oxygene ! La pochette m'a choqué (ce crane dissimulé sous la planète terre), et ce son si spécial ! J'ai pas "aimé" à la première écoute, trouvant ca "trop étrange" sans doute. Mais apres plusieurs écoute, je me suis mis à vraiment apprécier ce disque si bizarre ! En fait, je crois que ce fût mon premier "choc musical", tout du moins le plus ancien dont j'ai encore quelques souvenirs !
Et encore aujourd'hui, Oxygene II et evidement Oxygene IV me rappellent des tonnes de souvenirs !

Un autre titre qui m'avait marqué sans que je connaisse le nom du groupe ni le titre, et que j'ai découvert des années et des années plus tard, c'etait "Another brick in the wall" des Floyd : j'entendais ca dans la 305 GLD, ca me plaisait, et je ne savais pas que des années et des années plus tard, je découvrirais le reste de la discographie de ce groupe !

3. Le vendredi, 23 août 2013, 08:41 par Merome

@RaphaelD : Je n'ai aucune doute sur le fait qu'on puisse créer et diffuser de la musique entre nous, et même trouver un modèle économique viable pour que les artistes (certains) puissent en vivre, pourquoi pas. Ce dont je doute, c'est de la diffusion à très grande échelle, à l'échelle "industrielle" d'un groupe de musique. Pour que Dire Straits ou U2 remplissent des stades à l'autre bout du monde, j'ai peur qu'il ne faille en passer par un modèle économique pyramidal où les petits groupes inconnus, peut-être aussi bons que ceux-là, mais pas soutenus par les majors, crèvent la dalle.

Il y a quelques exemples de communautés importantes qui se créent en dehors des modèles économiques dominants (Mozilla, voire des trucs comme Minecraft...) mais 1. Ce n'est pas dans le domaine musical. 2. Ca reste bien en deça de l'engouement qu'il peut y avoir pour des artistes connus à un niveau national ou international.

Je ne sais pas si ce serait un mal de ne plus avoir ce genre de grand messe musicale où tout le monde écoute pareil. Mais j'ai du mal à voir comment un groupe qui diffuse ses MP3 sur Jamendo pourrait tout d'un coup atteindre cette notoriété.

@Etheriel : J'avais aussi le 45 tours d'Oxygène (acheté par un de mes frangins) avec la terre en forme de crâne. Pour ceux qui connaissent pas :

Et moi limite la chanson me foutait la trouille. Il y avait un côté spatial, guerre des étoiles qui était presque flippant. Bon, j'étais pas vieux comme toi, j'étais plus sensible :)

Par contre, j'aurais aimé avoir ton avis sur ta vision d'un autre modèle économique musical. Je sais que celui-ci ne te convient pas plus qu'à moi, même si t'es pas forcément d'accord sur la solution à apporter. Mais est-ce que ce modèle "industriel" n'a pas cet avantage de faire connaitre à des millions de gens, en même temps, un même truc, et donc d'avoir un côté fédérateur qui n'est pas inintéressant, même artistiquement.

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