A l'occasion de la sortie DVD des Nouveaux chiens de garde, j'ai revisionné le film une ou deux fois (Achetez-le !).

Et du coup, j'ai pu comprendre mieux certains détails du film, par exemple, ce moment où Alain Duhamel explique qu'à l'époque de ses débuts, il n'y avait qu'une chaîne de télé, que c'était le ministre de l'information qui dictait le programme, qu'il n'y avait que quelques stations de radios, quelques journaux... Et de conclure la chose suivante : aujourd'hui, puisqu'il y a des centaines de chaînes, dont plusieurs d'informations continues, qu'il y a internet, qu'il n'y a plus de censure, et une totale indépendance des médias au pouvoir, il est rigoureusement impossible de cacher des informations, et nous sommes donc infiniment mieux informés qu'à l'époque.

La concurrence est ici présentée sous son meilleur jour, et on a envie de croire l'éditorialiste qui exprime ses arguments avec un talent indéniable.
Il "oublie", les travers de la concurrence : le fait, par exemple, que puisque les chaînes sont concurrentes et privées, elles doivent, pour continuer à exister, avoir de l'audience. Une audience qu'il faut chiper aux concurrents, donc faire "mieux" qu'eux. Contrairement à un produit standard dont on peut modifier les caractéristiques ou diminuer le prix pour attirer le chaland, la matière servie par les médias d'information provient de la même source : l'actualité. Aussi, la concurrence va s'exercer non pas sur la qualité du produit, mais sur sa capacité à émouvoir le spectateur en le présentant.

Il y a un truc qui marche, particulièrement à la télévision, c'est la peur. La peur vous scotche le spectateur à son fauteuil. Si le journaliste parvient à vous faire croire que le monde extérieur, votre voisin peut-être, est hostile, il n'éteindra pas son poste. Et une technique éprouvée est de proposer le remède à un problème que l'on a soi-même entretenu voire créer de toute pièce. Si vous voulez extirpez un bisou-câlin à votre fille de 6 ans, racontez-lui une histoire qui fait peur, et proposez-lui vos bras pour la réconforter.

A mesure que les chaînes se sont multipliées, l'insécurité à pris une place prépondérante dans l'information. Du faits-divers relégué en fin d'émission, elle est devenue le gros titre perpétuel. Son traitement aussi a changé. Visages floutés, caméras cachées, interventions de police en direct, ... Le spectateur au coeur de l'action, là où il est beaucoup plus difficile de raisonner, de prendre du recul, on est forcé de réagir, on se défend naturellement contre l'agression télévisuelle.

Le fantasme d'une télé multi-facettes d'Alain Duhamel est par ailleurs bien écorné par une concentration industrielle des médias. Bizarrement, des marchands de canon et des banquiers qui collectionnent les titres, radios et télés. Si Bouygues (TF1) rechigne à parler des problèmes de béton de la centrale nucléaire de Flamanville, un autre média le fera. Mais que se passe-t-il si, sur un sujet donné, TOUS les propriétaires de médias partagent le même intérêt ? Par exemple, sur la croissance économique ? L'abaissement des charges sociales ? La fin de la "prise d'otages" des cheminots ?
Malgré la multiplicité des sources d'informations, le ticket d'entrée dans le monde des médias fait que les intérêts de la classe dominante sont toujours épargnés. Et pendant que le blogueur que je suis touche 10 internautes, Bouygues + Lagardère + Dassault + ... ont tout le loisir d'expliquer à des millions de téléspectateurs, d'auditeurs, et de lecteurs les méfaits des 35 heures, les doutes sur le réchauffement climatique, ...

La critique des médias est une chose extrêmement importante. Je ne m'en suis rendu compte que l'année dernière. Pendant plus de 30 ans, j'ai été intoxiqué par eux. On n'en sort pas indemne.

Commentaires

1. Le dimanche, 16 décembre 2012, 16:24 par krka

Je n'ai plus la télé depuis 1999 !
Ca redonne du temps.

Quand j'étais lycéens, on nous avait interrogés sur le sujet " Est ce qu'il est important de connaitre l'auteur d'un texte pour le juger".

A l'époque, jeune et naïve, j'avais répondu non.

Aujourd'hui, je me rends mieux compte qu'il n'y a pas que la qualité du raisonnement qui compte, mais également, quelles sont les intérêts de l'auteur.

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