Après avoir revisité les vieux jeux vidéos qui ont marqué mon adolescence, voyons ce qui m'a sans doute conduit à faire des études dans l'informatique et à travailler dans ce domaine.

Flash back dans le milieu des années 80, je suis au collège, la micro-informatique commence à percer, et mon frère, un peu plus âgé que moi, s'achète un Atari 520 STF, faisant entrer l'informatique dans la maison.

Un mien cousin nous avait déjà mis à la bouche avec son ZX 81, puis son Apple IIc, voire avec son TO7 TI 99-A. Mais l'Atari ST va bien au delà de ces trois-là et propose une palette de couleurs impressionnante (16 parmi 512 par défaut) pour une résolution 320*200, des jeux comme on en avait jamais vus, et des logiciels d'un niveau quasi-professionnel (pour l'époque).

Un traitement de texte WYSIWYG !
L'acronyme en est devenu démodé et peut-être certains d'entre vous ne connaissent pas sa signification : What You See Is What You Get, ce que vous voyez à l'écran est ce que vous obtenez (à l'impression). A l'époque où les PC tournaient encore sous MS-DOS en mode texte, j'utilisais déjà un logiciel qui s'appelait "First page" (je crois) devenu plus tard "First Publisher" qui me permettait de choisir parmi plusieurs polices de caractère, de différentes tailles, de faire du multi-colonnage, d'insérer des images, d'utiliser un correcteur orthographique, ... et d'imprimer le résultat de tout ça sur une imprimante matricielle qui faisait un bruit caractéristique.

Ce n'est peut-être pas un hasard si je tiens aujourd'hui ce blog, si j'écris des romans et des pièces de théâtre : j'écrivais déjà des tas de choses à l'adolescence, à commencer par une sorte de journal que j'éditais à destination de mes parents et de mes frangins. Je le déposais aux toilettes, où chacun était libre de le lire. Il m'arrivait parfois d'être censuré par mes parents qui trouvaient que j'allais un peu loin dans la critique au vitriol de ce qui se passait dans la maison ! Je devais avoir 16 ans...

Un logiciel de dessin : Degas Elite

A l'époque, je ne savais pas que c'était un peintre qui était à l'origine du nom du logiciel. Mais ce qui m'intriguait surtout, c'est l'éditeur qui s'appelait "Batteries included". Je me demandais bien à quoi pouvait servir des piles dans un logiciel !
En choisissant 16 couleurs parmi 512, avec une souris à boule totalement imprécise, et deux mains gauches, je vous laisse imaginer la qualité des dessins que j'ai pu faire sur ce truc. Ceci dit, avec la possibilité de réaliser des cycles de couleur, on pouvait faire de jolies cascades qui ressemblaient vaguement à quelque chose.



Plus tard, avec Spectrum 512, on a pu hacker l'Atari pour qu'il affiche sur une seule image les 512 couleurs de la palette ! Ce qui permettait d'avoir un rendu photo-réaliste.


Un langage de programmation : le GFA Basic

Mes premiers pas en programmation, après le langage logo utilisé au collège ("Avance Tortue") et quelques essais sur le ZX81 de mon cousin, furent réalisés sous GFA Basic.
Avec le recul, je suis presque admiratif quant au nombre de trucs compliqués que j'ai pu faire à cette époque, avec un langage rudimentaire, aucune documentation ou presque, aucune formation, pas d'internet...
J'ai commencé par réaliser un programme qui calculait le classement du championnat de France de foot. Un de mes frangins était intéressé par le sujet, je jouais à Kick Off avec lui et on se faisait un championnat à nous, en notant tous les scores et en calculant les classements, qu'on éditait et rangeait dans un classeur, journée après journée.
Pour la première mouture de ce petit logiciel, je n'avais pas connaissance de la notion de tableaux, de procédure, voire même de boucles en programmation ! Je me souviens avoir buté sur un problème épineux : le nombre de variables limité du langage. Comme je n'avais pas connaissance de l'usage des tableaux, chaque équipe du championnat devait avoir une vingtaine de variables associées, ce qui portait à 400 le nombre de variables nécessaires pour faire tourner le programme, ce que GFA Basic n'acceptait pas. Je me suis donc résolu à ne garder que 19 équipes pour ce premier championnat.
Au fur et à mesure que mes connaissances en informatique augmentaient (notamment grâce à "l'option informatique" que j'ai commencée au lycée), je corrigeais et améliorais le programme, et j'en faisais d'autres, où je mobilisais également mes autres connaissances, en mathématique, entre autres. Lorsque j'ai eu conscience de ce qu'était le sinus et le cosinus, j'ai pu programmer une horloge et ses aiguilles, par exemple.
J'ai également pris tout un été pour reporter sur du papier millimétré le contour de mon département et chacun de ces villages (pris sur le calendrier des postes), reliés entre eux par des routes, pour faire un outil de calcul d'itinéraires. Bon, c'était avant que j'y connaisse quoi que ce soit à la théorie des graphes (que j'ai d'ailleurs totalement oubliée depuis) et donc le résultat était un peu incertain, mais la satisfaction d'arriver à faire quelque chose de ce genre avec si peu de moyen était énorme.
C'est aussi à travers un programme en GFA Basic que j'ai déclaré ma flamme à celle qui allait devenir mon épouse. Si c'est pas romangeek, ça ?

Je ne suis pas certain que nos enfants seront aussi stimulés par l'informatique que nous le fûmes. A l'époque, c'était la conquête de l'Ouest. Tout restait à inventer et c'était extrêmement motivant, passionnant, même.

Un éditeur de musique : Music Studio
L'Atari ST avait cette particularité d'être livré en standard avec une prise midi, ce qui permettait de brancher n'importe quel instrument pareillement équipé. Music Studio était un éditeur de partition avec lequel on pouvait composer et écouter la musique tout en voyant la partition défiler sous nos yeux (ébahis, il va sans dire). Lorsque mon cousin (oui, le même que tout à l'heure) y branchait son synthétiseur, on pouvait même lui faire jouer la partition à travers la prise midi, et les sons étaient alors bien meilleurs que ce que pouvait crachoter le chip audio de l'Atari.



Plus tard est arrivé la notion de "Soundtrack". Puisqu'il était décidément impensable de pouvoir un jour numériser une chanson dans son intégralité, il a fallu passer par une étape intermédiaire : on numérisait des samples, qu'on combinait pour reproduire la chanson d'origine (sans les paroles). Le résultat était bluffant, je me souviens d'une version de "She drives me crazy" des Fine Young Cannibals qui était plus vraie que nature, avec les riffs de guitare samplés, la pauvre boite à rythme reproduite...

Je me souviens aussi de Digital Drums, une boite à rythmes, justement, sur laquelle on pouvait composer son rythme avec des samples de batterie de fort bonne facture.

Bref, je vous ne cache pas que j'ai passé des heures et des heures de ma vie à fouiller et farfouiller les entrailles de ces logiciels, à perdre mon travail sur des disquettes qui ne marchaient pas bien, à me battre contre des bugs ou des limitations techniques bien frustrants. J'imagine qu'à l'époque, cet investissement de temps dans de telles futilités devait paraître bien obscur à mes parents, pourtant c'est toute la culture d'une génération, et c'est bien ce qui a guidé mes choix d'orientation scolaire puis ma vie professionnelle ensuite. Quand j'y repense, je relativise mes incompréhensions face aux activités de mes propres enfants. La chance qu'ils ont d'avoir encore tout ce temps à gaspiller...

Commentaires

1. Le jeudi, 5 juillet 2012, 13:41 par Calcoran

520 STE pour moi ... et turbo pascal, au travers d'un émulateur PC plus ou moins hacké.
Je me souviens aussi de la première fois où j'ai vu des images photoréalistes en VGA sur les écrans de la boutique d'informatique en bas de chez moi. Des images de Star Wars, je me souviens. Cette claque!

2. Le jeudi, 5 juillet 2012, 13:42 par Calcoran

...

Plus ça va plus j'ai l'impression de passer dans la catégorie vieux c.n de l'informatique ...

;)

3. Le jeudi, 5 juillet 2012, 13:49 par FilGB

J'adore ce genre de billets !
Pas la même génération et pas la même passion pour l'informatique mais c'est passionnant de suivre ça !

4. Le jeudi, 5 juillet 2012, 13:53 par Merome

@FilGB : en l'écrivant, je me demandais bien qui ça pouvait intéresser le 3615 MyLife, donc sympa de ta part de témoigner de ton intérêt.

5. Le jeudi, 5 juillet 2012, 14:20 par Bob

Le GFA, c'est pour les lamers. L'assembleur 68000 c'est bien plus rigolo.

6. Le jeudi, 5 juillet 2012, 16:51 par Merome

@Bob : J'étais trop jeune pour me faire mal avec de l'assembleur.

7. Le jeudi, 5 juillet 2012, 19:25 par scand1sk

Le dernier paragraphe sur la partie GFA Basic fait quand même un peu "vieux con" : d'une part, déjà à l'époque il existait beaucoup de choses (des dizaines de langages de programmation beaucoup plus évolués que le Basic et la théorie des graphes, par exemple), et d'autre part encore aujourd'hui il reste encore une infinité de choses à découvrir (la révolution des réseaux sociaux et des smartphones, c'était hier, c'est aujourd'hui, même).

8. Le jeudi, 5 juillet 2012, 19:41 par Merome

@scand1sk : la multitude de logiciels téléchargeables à volonté n'incite pas à creuser soi-même le sillon. Ce n'est pas une critique de nos adolescents actuels, mais de l'époque. J'ai régulièrement des stagiaires de 3ème auxquels j'enseigne les rudiments de la programmation en PHP. Leur intérêt pour la chose est très faible, alors qu'on trouve une documentation incroyable sur le sujet à portée de clic. Moi qui passait des heures à chercher la bonne syntaxe, la bonne fonction pour faire telle ou telle chose... La difficulté stimule la créativité.

9. Le jeudi, 5 juillet 2012, 23:25 par scand1sk

Je sais bien que la passion est rare auprès des jeunes, et je sais de quoi je parle : je suis prof d'informatique en IUT, si on a chaque année 3 ou 4 étudiants vraiment passionnés sur une promo de 60 (qui ont fait le choix des études d'informatique !), c'est déjà énorme.

Mais n'étais-tu déjà pas une exception à l'époque ?

Après, on peut parler de génération Y, se lamenter sur la jeunesse qu'il n'y a plus, mais pour ne pas déprimer trop vite, je préfère essayer d'adapter ma pédagogie aux étudiants que l'inverse...

10. Le vendredi, 6 juillet 2012, 07:25 par Etheriel

Je me retrouve beaucoup dans ce billet. Pour avoir débuté en 1986 (Logo sur Apple IIc), puis avoir passé des centaines d'heures à faire du Turbo-Pascal, avec l'aide de 3/4 bouquins (car il n'y avait pas le net) pour decortiquer "tout ce qu'on pouvait faire avec ce langage". J'ai meme encore, par nostalgie, les install TP 4.0 et toute mes oeuvres dans un repertoire sur mon DD actuel :)

11. Le vendredi, 6 juillet 2012, 08:35 par Merome

@scand1sk : Encore une fois, je ne fais pas ici la critique de la jeunesse actuelle. Je fais un constat de l'époque qui n'est plus propice à ça. Peut-être étais-je l'exception déjà à mon époque, mais toutes choses égales par ailleurs, ceux qui s'intéressaient à l'informatique à cette époque ont dû passer par cette frustration de n'avoir aucune documentation, par cette joie de faire des choses incroyables par soi-même, en mettant en oeuvre des mécanismes mathématiques appris à l'école, ... Un peu comme les légos ont pu passionner certains (parfois les mêmes !) par la créativité nouvelle qu'ils offraient .

@etheriel : Je n'ai (malheureusement ?) rien gardé de tout ça pour ma part. Le Turbo Pascal, j'en ai fait au lycée, j'avais d'ailleurs porté mon fameux programme de classement du championnat de France :) Mais très honnêtement, tout ce que j'ai fait sur PC ensuite n'a jamais pu supplanter les émotions que j'ai pu connaître avec Atari et Amiga. Je doute que ce soit juste une question de sensibilité dû à l'âge ou la découverte. Ces machines/OS avaient vraiment une "âme" que l'industrialisation à la sauce Microsoft ne permettait pas d'approcher, même de loin.

12. Le vendredi, 6 juillet 2012, 10:40 par Bob

Ou c'est peut-être aussi juste parce qu'on a 20 ans de plus ?

13. Le vendredi, 6 juillet 2012, 13:16 par scand1sk

De deux choses l'une : d'une part il fallait faire face à la difficulté d'accès à la documentation à l'époque (encore que les librairies et bibliothèques ont toujours été relativement bien fournies en livres), mais d'autre part dessiner deux aiguilles à l'écran suffisait à émerveiller (en passant, comprendre que sinus et cosinus sont les coordonnées d'un point sur un cercle, c'est des maths niveau lycée, donc pas franchement trivial).

Aujourd'hui, on a plein de documentation accessible instantanément (encore qu'il faille faire le tri, les "tutoriaux" que l'on trouve par dizaines sur le Net ont très rarement un intérêt pédagogique...), mais il en faut beaucoup plus pour être impressionné. Je ne pense pas que, globalement, ce soit franchement moins difficile qu'avant...

Après, parler d'"âme" pour des Ataris, là ça fait vraiment nostalgique. J'ai vécu tout ce que tu décris ici sur PC 286.

14. Le vendredi, 6 juillet 2012, 18:13 par Etheriel

@merome: je pense que tu "idealises" ton atari. Moi, je pense aujourd'hui aussi que "avant c'etait mieux" quand je repense à mon turbo pascal, MS/DOS, ses interruptions, les bidouilles hardware en adressant la memoire video directement, ... mais au final, c'est juste que "tout ca a evolué" et qu'on est "nostalgeek" comme tu dis...

15. Le samedi, 7 juillet 2012, 00:28 par FilGB

J'aime bien raconter ma vie à l'écrit, et j'aime bien quand les autres racontent la leur aussi ;)

16. Le samedi, 7 juillet 2012, 12:13 par Merome

@Etheriel : pour une part seulement. Regarde aujourd'hui l'attitude de ceux qui ne peuvent pas décrocher du Mac ou de l'Iphone. Lorsque le logiciel est dédié au matériel et vice versa, on arrive à des trucs vraiment particuliers qu'on ne peut pas retrouver dans des matos standardisés. Comme le comportement d'une bagnole, ou le son d'une guitare, on s'y adapte, on s'y attache, et il y a plus que de la nostalgie derrière.

17. Le samedi, 7 juillet 2012, 16:43 par toto

coucou
j'commente alors que j'ai en gros lu que le titre (ouaip, c'est comme ca) (mais c'est que j'ai pas la nostalgie d'ca, j'jouais a sonic moi, l'informatique, c'est pas que j'ai pas fait, mais c'est que j'étais pas concentrée, pi surtout, c'est encore un de mes talons d'achille )
(mes commentaires sont totalement hors sujet, c'est a cause de mon pseudo tu sais, faudrait peut etre que j'en change, ce serait plus clair)
bref.
tiens d'ailleurs, j'ai enfin compris le petit bonhomme que t'as comme tête sur twitter, j'ai mis le temps, mais j'ai lu les spirous d'il y a quelques années. (j'suis pas rapide rapide, j'comprends vite mais faut m'expliquer longtemps, ou pas d'ailleurs, parce que des fois j'écoute pas quand meme) (en rapport avec achille talon que j'ai pas lu en bd non plus, j'ai un de ces retard en bd moi, franchement c'est pas sérieux)
bref.
pffff.
j'voulais juste passer un petit coucou. t'écris bien et t'es un bon, ca s'voit, surtout que j't'ai jamais vu, alors j'peux l'dire (totologie).
voila, voila.
j'vous souhaite un bon we.
(je gagne systematiquement au concours du commentaire le plus imcomprehensible, c'est ma marque de fabrique (c'est ballot))
bisous
(et du coup j'vais lire quand meme le texte sous le titre)

18. Le samedi, 7 juillet 2012, 16:44 par toto

ok j'ai lu, et c'est impressionnant :)
:)
(mais euh, j'voulais pas commenter en doublon)

19. Le dimanche, 8 juillet 2012, 10:27 par Merome

Moi je pense que les archéologues du web, dans 100.000 ans, quand ils vont tomber sur les commentaires de Toto, ben ils vont se suicider à coup de pelle.

20. Le mardi, 10 juillet 2012, 21:17 par toto

ca les occupera au moins.

21. Le lundi, 16 juillet 2012, 22:33 par Nath

Waou ! Sacrément accro !

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