Chroniques présidentielles : Epilogue

C'est parti pour un nouveau cycle présidentiel. Analysons la chose.

Hollande est donc élu, comme on le savait depuis 20h sur France 2 et TF1, depuis 12h sur twitter, et depuis un an ou deux dans les sondages. Quelle surprise !

Examinons les chiffres de plus près.
Si l'on tient compte des suffrages non exprimés et des blancs, on constate que la "majorité" obtenue par Hollande est toute relative : 35,37% des adultes français ont voté pour lui, contre 31,49% qui n'ont pas voté, ne se sont pas inscrits, ou ont voté blanc. Ceci malgré le forcing des médias pour nous inciter à choisir un camp, en orchestrant depuis plusieurs années le match qui fera le plus d'audience.
Un match étant d'autant plus passionnant qu'il est serré, nous pouvons observer un rapprochement évident entre la gauche et la droite traditionnelle, qui se marchent dessus sur le centre.
Autrement dit, la politique menée sera quasiment la même et seul le style changera. Dimanche, nous avons donc voté pour (ou contre) un style.

Ce n'est d'ailleurs pas tout à fait anormal d'élire un président sur son style, vu que son seul rôle (théorique) est de représenter la France à l'étranger et d'être le chef des armées. Les lois, ce qui fait notre quotidien et l'orientation politique réelle du pays, ce sont les députés qui vont en décider, et donc, c'est aux législatives qu'il faudra s'en préoccuper.

Des législatives qui s'annoncent épiques : le Front National est bien décidé à faire barrière à l'UMP, pendant que le Front de gauche débarrassé du vote utile pourrait accéder au niveau que les sondages lui créditaient à tort au premier tour.
Et quand on voit ce que le PS a à proposer : plus de croissance, baisser le prix de l'essence... Des mesures dignes des années 70-80, quand on croyait encore que la Terre était inépuisable, et la pollution une nouvelle source de business.

Avec un peu de recul, on se rend compte que plus qu'un nouveau cycle présidentiel, c'est d'un nouveau cycle démocratique qu'il s'agit. Cette succession "d'alternances sans alternative" (lisez absolument cet article de Frédéric Lordon d'où est issue cette expression) produit une frustration chez l'électeur qui se rend compte qu'il n'a plus, voire qu'il n'a jamais eu, voix au chapitre.
Un élément déclencheur de cette prise de conscience est sans doute le vote contre le TCE en 2005. Même s'il était composé d'une multitude de courants parfois contradictoires, le "non" l'a remporté puis s'est fait spolier de ce résultat par des élus qui ne nous ont jamais vraiment représentés.

Conséquences, des initiatives fleurissent depuis sept ans, se construisent petit à petit et arrivent à maturation. Des plus conventionnelles, comme le collectif Roosevelt 2012, aux plus geeks comme l'émergence du parti pirate, en passant par les plus citoyennes, comme en Islande, et comme Etienne Chouard, Alain Badiou et Jacques Rancière les défendent.

On peut s'étonner, voire s'émouvoir du faible score de François Hollande face à un Nicolas Sarkozy aussi détesté, mais il faut peut-être se féliciter du fait que malgré l'intense campagne médiatique mettant en avant d'aussi tristes valeurs que la compétition, la haine de l'autre, l'amour de l'argent, Sarkozy n'ait pas été réélu.
L'affaire Mohammed Merah, qui a occupé l'espace médiatique pendant plusieurs semaines, a eu finalement un effet dérisoire. Comme si les gens commençaient à percevoir la supercherie. Comme si on ne les baladait plus comme avant, comme avec le nuage de Tchernobyl ou la guerre chirurgicale du Golfe.
L'Etat de grâce du nouveau président, même pas intronisé, semble déjà terminé et la gueule de bois déjà là. C'est un phénomène nouveau, je crois.
Le niveau de conscience de la population a augmenté, grâce au web entre autres, mais aucune offre politique n'existe encore pour la faire prendre corps. Et pour cause : cette nouvelle forme de démocratie ne passe pas par des élections. Les élections empêchent précisément ce type de société "éclairée" de voir le jour.

C'est ce combat, prioritairement, qu'il faut maintenant mener. Si vous ne deviez le faire qu'à travers les élections, faites en sorte que les élus soient ceux les plus ouverts à ce type de changement. A priori, ils sont à gauche.
Mais bien au-delà des élections, c'est au quotidien qu'il faut semer des graines. En diffusant l'idée que la démocratie réelle est la solution, et en la diffusant aussi hors du web.

Commentaires

1. Le mardi, 8 mai 2012, 18:03 par Nath

Diffuser l'idée, c'est un bon début mais après ? Comment on concrétise tout ça ?

2. Le mardi, 8 mai 2012, 20:18 par Merome

@Nath : On ne peut pas concrétiser sans une masse critique. Donc diffuser d'abord. Ensuite, tirage au sort ou pas, il faut une nouvelle constitution, donc une constituante. Les Islandais ont réussi à le faire sans violence. J'espère que Hollande est plus indiqué que Sarkozy pour accepter des revendications massives sous une forme à imaginer (pétition ? manif ? occupy ? grève ? journées sans achat ? sans télé ? Désobéissance civile ? ...)

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