Le 2 janvier 2012, je radote déjà mes marottes de 2011.

J'ai honte, mais je reviens sur cette histoire de monnaie avec un autre angle. Au bout d'un moment, si vous n'êtes pas scandalisés, je ne peux plus rien pour vous.

Raisonnons par l'absurde comme j'aime le faire parce que ça me correspond bien :

Hypothèse absurde n°1

Imaginons un groupe de 10 personnes qui veulent s'échanger des trucs en tout bien tout honneur. L'un produit des bidules, l'autre des machins, un troisième des choses... etc etc, et tout le monde a intérêt à avoir ce que l'autre produit parce qu'il ne sait pas le faire lui-même.
Seulement, ce groupe de personnes n'a qu'une seule pièce de monnaie, indivisible, pour donner corps à ces échanges et les rendre équitables. Une seule pièce pour 10, qui passe de main en main au gré des transactions.
Conséquence évidente : celui qui a la pièce est le seul à pouvoir acheter et il ne peut pas acheter quelque chose qui a plus de valeur que son unique pièce.
Corollaire non moins évident : Les autres, qui n'ont pas la pièce, n'ont pas moyen d'acheter quoi que ce soit, et en plus n'ont plus forcément intérêt à continuer de produire des bidules et des machins qu'ils ne sont pas certains de vendre, même si le besoin et l'envie existe chez les clients potentiels.

Hypothèse absurde n°2

Reprenons notre groupe de 10 personnes, et imaginons que l'un d'eux produit une marchandise spécifique : des pièces de monnaie. Conscient de son rôle particulier et unique au sein de la communauté, il consent à prêter les pièces qu'il crée, moyennant un intérêt de 1 pour 1 : une pièce prêtée, 2 pièces rendues.
Chacun des 9 protagonistes du groupe emprunte une pièce au dixième (appelons-le le "banquier"), et s'engage à lui verser 2 pièces au bout d'une période de temps quelconque, en comptant sur ses ventes de bidules et machins futurs.
Considérons que les échanges sont bien équilibrés et que les 9 pièces circulent bien comme il faut d'une tirelire à l'autre. Si les 9 personnes sont honnêtes, elles profitent du moment où leur trésorerie compte 2 pièces pour rembourser leur dette auprès de la banque, mais comme il n'y a que 9 pièces en circulation et que le banquier en attend 18, tous les remboursements ne pourront pas être honorés.

N'est stupide que la stupidité

Ces deux hypothèses paraissent tellement absurdes qu'on se demande bien comment je vais pouvoir en tirer une morale utile. Détrompez-vous : vous et moi pataugeons très exactement dans un système monétaire très similaire à ces deux-là :

1 : Nous manquons de monnaie, globalement, parce que la mission principale de la banque centrale européenne, écrite dans ses statuts (contre lesquels nous avons voté majoritairement en 2005), est de maîtriser l'inflation (donc le "trop plein" de monnaie).
La conséquence, c'est qu'il y a un chômage élevé (artificiellement) et des besoins légitimes non assouvis. Par exemple, la population manque d'argent pour isoler sa maison correctement ou installer des panneaux solaires. Pourtant, on a des gens qui savent faire ça et n'ont pas (assez) de boulot. On a des gens qui seraient prêt à payer pour ça s'ils avaient un peu de pognon. Et on a un problème de réchauffement climatique qui doit être résolu rapidement par ce genre d'initiative.
Autrement dit, on se prive volontairement d'un système où il n'y aurait que des gagnants. Pourquoi ? Pour que les seuls gagnants soient ceux qui ont déjà l'immense majorité des richesses et ne les dépensent pas ou alors dans des trucs qui niquent la planète.

2 : La création monétaire par le crédit, comme c'est la norme aujourd'hui, implique une "aspiration" de toute la monnaie vers les banques, car la somme correspondant aux intérêts n'est jamais créée. Si on laissait le système mourir ainsi, sans plus jamais créer de monnaie, la totalité de la monnaie existante finirait dans les coffres des banques, et plus aucun particulier n'aurait un sou en poche. Tout ce nous avons sur notre compte en banque n'existe que parce qu'il correspond à une dette de quelqu'un quelque part.
Corollaire : tant qu'on veut que le système tienne debout, il faut créer, échanger, détruire plus de richesses demain que ce qu'on a fait aujourd'hui. Pour pouvoir payer les intérêts des crédits de l'année N, il faut un peu plus de crédits contractés en N+1. Bref, la seule solution pour que notre système économique tienne debout, c'est d'accélérer la destruction de la planète qui nous fait vivre.

L'essentiel du malheur des hommes vient de notre incapacité à concevoir ce fonctionnement à l'échelle macroscopique et à se révolter contre.

Commentaires

1. Le lundi, 2 janvier 2012, 14:50 par JeffRenault

On peut dire que l'année commence bien avec ce billet très didactique :)

Je commencerai par relever une injustice flagrante : les détenteurs de la fortune mondiale ne dépense pas toute leur dite fortune à niquer la planète ! Il isole peut-être leurs logements à eux qu'ils ont que même tellement qu'ils savent plus ou is habitent. Tu vois que tu es un peu injuste ;)

Plus sérieusement, ton billet aide à faire comprendre, à vulgariser le système bancal et stupide dont on nous promet pourtant au mieux qu'il est le seul possible, au pire qu'il est le moins pire :(

Non ce système n'est pas le seul possible : il est le seul qui garantit au 1% leur domination.

Prochaine étape : mettre en corrélation avec le système soi-disant démocratique...

Merci pour ton billet, et bonne année !

2. Le lundi, 2 janvier 2012, 18:47 par Stef

Moi j'ai trouvé la solution ultime au probleme : je cale des billets de 500€ sous les portes et dans les joints des fenetres, comme ça je bloque la monnaie pour isoler ma maison ! :)

Bonne année Merome, en 2012 je vais essayer de poster plus souvent interessant et moins souvent dérision, ça commence mal...

3. Le lundi, 2 janvier 2012, 20:35 par 8119

S'aider de la microsociété topique permet (surtout) d'imaginer un système viable.
Il est évident qu'il n'appartient qu'à la barbarie d'associer un quelconque mérite avec le droit d'accéder aux biens vitaux ; il suffit, pour faire société, d'additionner et de diviser, les richesses par le nombre de personnes.
Toute la question de "ce qui fait justice" réside ainsi dans la manière d'évaluer les biens, en raison du fait qu'il faille ensuite les répartir équitablement.

4. Le mardi, 3 janvier 2012, 05:45 par Yvan

Intéressante réflexion, mais si "notre incapacité à concevoir ce fonctionnement" était vrai il y a 200 ans (faute d'éducation pour tous, de communications mondiales en temps réel et de technologies efficaces) ce n'est plus le cas aujourd'hui je pense :-)
Aujourd'hui, le seul défi est d'affronter les consciences, toutes celles qu'on tente d'éveiller afin de les amener sur le chemin de la réflexion d'un changement possible (et il est à notre portée ce changement, les rapports de la FAO le confirment depuis plusieurs années déjà) !
"Quel mammifère détruit sciemment l’habitat de ses petits, et
empoisonne sciemment ses même petits ?" (pour de l'argent, qu'on se le dise) :
=> Nos enfants nous accuseront : http://www.youtube.com/watch?v=Q8LF...
Documentaire effrayant, en réaction à une conférence donnée à l'UNESCO en 2004, mais plein d'espoir également si on tient compte des chiffres de la FAO ! (à voir et à partager, pour éveiller les gens)

Et pour rejoindre le commentaire de JeffRenault, je citerai Jean Ziegler qui disait en cette fin 2011 :
"Les ressources de la planète peuvent nourrir 12 milliards d’humains, mais la spéculation et la mainmise des multinationales sur les matières premières créent une pénurie."
=> http://www.bastamag.net/article1995...

Pour finir, merci pour ce billet et bonne année à tous ! ;-)
(encore un nouveau blog dans mes favoris ^^)

5. Le mercredi, 4 janvier 2012, 15:09 par Nath

Très belle vulgarisation !
Alors maintenant que l'on voit d'où vient le problème, que fait-on ?

6. Le jeudi, 5 janvier 2012, 06:02 par Yvan

@Nath

Il faut se bouger, et réclamer le pouvoir, viendez : http://fr.wikipedia.org/wiki/Mouvem...
http://en.wikipedia.org/wiki/Occupy...

Car il faut bien se dire une chose : la cause de tous les problèmes ce n'est pas l'argent, c'est le pouvoir qu'on a laissé à ces politiques qui ont fini par accorder tous les droits aux "banksters".
La solution semble alors évidente (pour de plus en plus de monde sur la planète) : si on ne prend pas le pouvoir pour voter nous mêmes nos lois (ou au moins contrôler efficacement ceux qui les vote) on n'en sortira jamais ! ;-)

=> http://paris.reelledemocratie.com/a...

Liberté, Egalité, Fraternité... Les vraies valeurs ne sont pas cotables en bourse !!!

7. Le jeudi, 5 janvier 2012, 09:23 par Lilian

Très bon billet, qui sous-tend effectivement la question de "qui a le pouvoir" (et son corollaire : "où sont les contre-pouvoirs").

Quand on voit que d'un clic, nos maîtres décident de monter le taux de TVA réduit (impôt le plus injuste, faut-il le rappeler) et dans le même temps, réduisent l'ISF, il me semble que tout est dit.

8. Le mercredi, 11 janvier 2012, 22:59 par Stooff

Merci pour le billet Le hollandais. Ca fait plaisir de voir que ce genre de propos est possible publiquement (pour combien de temps), ce serait à la politique de tenir ce rôle normalement (Trop occupée à ne pas vouloir se faire tuer très certainement (cf : JFK, ...)) !

Arréter de voter pour le bien de la démocratie !"
Inconnu

9. Le jeudi, 12 janvier 2012, 10:31 par Madoff

Ça fait penser à une pyramide de Ponzi !

10. Le jeudi, 12 janvier 2012, 11:08 par Harald

je n’ai pas compris grand chose au billet mais je ne suis pas économiste non plus.
Qu’est ce qui fait la valeur de la pièce que crée un individu pour qu’il la prête aux autres ?

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