Ma critique du livre de Nicolas Domenach et Maurice Szafran.



Le livre est sous-titré "Ce que Nicolas Sarkozy n'aurait jamais dû nous dire", j'ai envie de paraphraser en ajoutant "Ce que les journalistes n'auraient jamais dû faire".

Le livre n'est pas bon. Ça, c'est fait. C'est brouillon, c'est plat, c'est inintéressant et c'est mal écrit. Les journalistes de Marianne n'ont pas été capables de faire un plan correct. Ça n'est pas chronologique, ça n'est pas thématique non plus. Les chapitres sont découpés à la truelle et posés dans un ordre quasi aléatoire. Malgré la tronche de Sarko en couverture et la promesse d'un contenu en rapport avec le président, on a un chapitre sur Philippe Séguin, un autre sur Eric Besson, sans aucun lien avec le sujet.

Mais surtout, la lecture de ce bouquin a provoqué chez moi une sorte de malaise, car le véritable enseignement que l'on peut en retirer, c'est cette connivence détestable entre les milieux médiatiques et les personnalités politiques. Je n'en étais pas dupe, déjà, mais le bouquin enfonce le clou et m'inquiète presque. Sarkozy les a tous menés en bateau, il les a flattés, les a piégés, les a trimballés avec lui dans des soutes à bagages. Ils ont mangé les mêmes petits fours et partagé les mêmes hôtels. Et nous parlons ici des journalistes de Marianne qui sont parmi les plus virulents contre le gouvernement. Imaginez les autres ?

L'affaire DSK n'a-t-elle d'ailleurs pas montré la même dérive ? Un troupeau de journalistes et éditorialistes orphelins de leur candidat fétiche. Sans doute le futur président, celui qui allait les emmener dans des meetings historiques, fournir de belles images, des petites phrases, et écraser tout, jusqu'à son propre camp, sur son passage. Ils ont perdu leur plus gros "fournisseur".

Plusieurs fois, pendant la lecture du livre, m'est en effet venue en tête l'image de ces employés d'administration ou de grosses boites qui se font payer un voyage ou un resto aux frais d'un fournisseur généreux. J'en connais un ou deux qui ne vivent quasiment que pour ça, qui recherchent le déplacement professionnel qui leur permettra de prendre du bon temps en toute bonne conscience aux frais de la princesse.
Sans prêter à ces journalistes la même vénalité, je crois qu'ils sont, pour la plupart, fascinés par l'exercice du pouvoir et les moyens pour y parvenir, bien plus que par la réalité sordide des habitants de leur pays dont ils devraient pourtant témoigner.
À aucun moment le bouquin n'évoque le fond, comme jamais le fond des programmes politiques n'est abordé dans les interviews et les analyses politiques d'aujourd'hui. En revanche, comment Villepin déteste Sarkozy, comment Royal et Aubry se snobent, comment Hulot et Joly s'évitent, on le voit à toutes les éditions, sur toutes les chaînes et dans tous les journaux.

Et si la pauvreté politique actuelle n'était que la conséquence de médias traditionnels complètement rongés par le chiffre des ventes et l'audience ? Je préfère, et de loin, l'avis du blogueur qui n'a pas fait le voyage avec la star politique du moment, mais qui a lu son programme et en a ressorti les incohérences ou les idées neuves. On ne peut plus compter sur les journalistes pour juger sur les faits et sur le fond. Leur parole est forcément déformée par la proximité presque consanguine avec le milieu politique.

Sarkozy a eu l'incontestable talent de déceler cette faiblesse chez les carpettes qui le suivaient. En les tripotant (au sens propre), en les approchant, en les flattant, en jouant de cette proximité, il les a embarqués avec lui au point que même les critiques le servaient au final.

Jeunes journalistes, méfiez-vous de l'attirance des hommes et femmes politiques. Restez à l'écart. Lisez les discours et les programmes, gardez le contact avec le réel, ouvrez un compte twitter, prenez les conseils des spécialistes sur les questions techniques et écoutez la base. Les militants sans grade des partis, les français dans leur vie quotidienne, les scientifiques vous éclaireront bien plus sur les personnages que vous devez suivre et sur leurs propos.

Commentaires

1. Le jeudi, 9 juin 2011, 23:35 par Calcifer

"connivence détestable entre les milieux médiatiques et les personnalités politiques"

Ça tombe bien c'est justement la prochaine vidéo que l'on va mater mardi : Pas vu pas pris.
http://www.dailymotion.com/video/xc...

2. Le vendredi, 10 juin 2011, 12:14 par Calcoran

Sortie ce son contexte, j'aime beaucoup cette phrase:
"gardez le contact avec le réel, ouvrez un compte twitter"

Euh ... :grin:

3. Le vendredi, 10 juin 2011, 14:46 par Merome

@calcoran : C'est un virgule et pas un deux-point qui sépare les deux propositions :)

4. Le samedi, 16 juillet 2011, 00:00 par Lolie

La première fois que je me suis réellement intéressée à des élections, c'était pour les dernières présidentielles. J'ai eu le sentiment que les médias avaient préparé le terrain plusieurs (longs) mois à l'avance pour ne laisser aucun doute quant à l'identité des deux candidats en finale, et qu'au fond, le peuple n'avait pas franchement eu le choix. Les autres candidats, surtout les plus marginaux, m'ont semblé avoir été balayés sans qu'on s'intéresse ne serait-ce qu'un peu à leurs idées, à part pour les tourner en ridicule dans certains sketches.

Déjà que je n'étais pas très confiante en la possibilité d'un changement, je me suis sentie encore plus désillusionnée lorsque je me suis rendu compte que la majorité des gens était maintenue dans ses vieux schémas par les médias qui y trouvent leur compte. Là où il semblait simple, l'obstacle au changement s'est révélé être double...

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