Avec énormément de retard sur le reste du monde, je découvre les horreurs liées à l'exploitation du gaz de schiste.

Il y a des sujets sur lesquels je fais l'impasse, faute de temps. Je zappe en général le gros de l'actualité internationale pour me concentrer sur ce qui se passe chez nous et que j'ai déjà bien du mal à comprendre. Quand la polémique sur les gaz de schiste est arrivée en France, en ce début d'année, j'étais pas du tout sur le coup, d'où mon silence totale à ce sujet.

J'ai rattrapé (une partie de) mon retard depuis hier en visionnant le documentaire américain qui a été publié sur le web en 2010. Réalisé par un particulier (on se demande à quoi servent les journalistes) propriétaire d'un terrain qui permettrait l'extraction de gaz, le reportage nous montre les dégâts liés à l'exploitation de cette source d'énergie depuis des décennies aux Etats-Unis.
Évidemment, en ces temps de disette énergétique, disposer sous ces pieds de réserves insoupçonnées de carburant sans les exploiter aurait quelque chose de schizophrénique. Mais les choses ne sont jamais simples et pour récupérer ce gaz, il faut en passer par une exploitation industrielle coûteuse et dangereuse, pour ne pas dire pharaonique, qui n'est pas sans laisser de traces dans la nature.
Pensez donc : un forage à plusieurs centaines de mètres de profondeur, l'injection de milliers de litres d'eau mélangée à divers produits chimiques extrêmement dangereux permettant le gel du gaz naturel, la provocation d'un mini-tremblement de terre pour fracturer la roche... Ce n'est pas tout à fait anodin, d'autant que cela s'opère à deux pas des nappes phréatiques et des sources d'eaux potables.

Les États-Unis, avec la sagesse qu'on leur connaît, ne se sont pas posés beaucoup de question. C'est Dick Cheney, entre autres, qui a facilité l'exploitation de ces champs de gaz, en offrant aux compagnies pétrolières les terres publiques pour le bien de tous.

À partir de là, les problèmes ont commencé à apparaître. Trois fois rien : l'eau du robinet qui s'enflamme, des émanations gigantesques d'ozone et de produits volatiles autour des puits, des puits qui explosent, des riverains qui attrapent des maux de tête inexpliqués, puis des lésions cérébrales, ils perdent l'odorat et une partie du goût... Des dommages collatéraux dont les américains sont priés de s'accommoder puisqu'il s'agit de l'intérêt général, bien entendu.

Le reportage n'a aucune rigueur ou prétention scientifique, il présente des témoignages, des expériences amusantes avec des briquets près des robinets, sans trop verser sur la leçon d'écologie où la recherche de têtes à faire tomber. C'est un constat, amer et triste d'une situation vécue par quelques américains qui ont la malchance d'habiter près des forages et que l'administration "oublie" de considérer devant les intérêts industriels et stratégiques en jeu.

Avec tout le recul nécessaire au visionnage de ce genre de document amateurs, il nous pousse malgré tout à nous interroger sur le sens de toute cette mascarade. Ici avec le gaz de schiste, mais ailleurs avec le pétrole, le nucléaire, les OGM, les pesticides, les ondes radios des portables, ... chaque fois l'Histoire se répète : une poignée d'industriels peu scrupuleux, très éloignés des exécutants et des lieux de leurs méfaits, raisonnent sur la croissance économique, font du chantage à l'emploi, appuient stratégiquement là où ça fait mal en inventant une certaine idée de l'intérêt général. Des politiciens derrière eux, qui ne peuvent accéder au pouvoir qu'à la condition d'utiliser leurs leviers financiers, leurs entrées dans les médias qu'ils possèdent, et qui renvoient logiquement l'ascenseur. Des journalistes enfin, payés par ces mêmes industriels, priés d'aller enquêter ailleurs, et de préférence sur des sujets plus consensuels, ceux qui font vendre de la camelote, repeinte en verte ou même pas...

Restent les honnêtes citoyens, trop occupés à rembourser leurs dettes pour s'indigner correctement de toutes ces calamités, embrigadés dans une société de croissance au point qu'ils en oublient que des alternatives existence et pourraient être tentées.
De temps à autre émerge un reportage comme celui-là, dont la diffusion est rendue possible grâce à internet, mais dont le soufflé retombe sitôt le buzz passé.
Il faut qu'on arrive à changer tout ça. Il faut qu'on diffuse ces vidéos, ces articles, ces idées émises par des individus isolés. C'est le sens de mon article et plus généralement de mon blog. Visionnez cette vidéo et faites la passer. C'est important.


GASLAND par latelelibre

Commentaires

1. Le mercredi, 8 juin 2011, 11:40 par Calcoran

Je te trouve trop gentil, Merome, quand tu dis: "une poignée d'industriels peu scrupuleux, très éloignés des exécutants et des lieux de leurs méfaits, raisonnent sur la croissance économique"

Ce sont les politiques qui raisonnent en terme de croissance économique, parce que ça apporte un semblant de bien être au peuple et que ça favorise leur réélection. Les industriels, eux, sont bien plus terre à terre. C'est avec leur bourse qu'ils raisonnent. C'est uniquement en fonction de leur intérêt égoïste et du pognon qu'ils vont pouvoir se faire.

Parfois j'imagine les réunions qui doivent bien avoir lieu, quelque part au sommet de la hiérarchie de ces entreprises: "Bon, alors les gars, comme d'habitude, on a le choix. Soit on se fait un maximum de marges, soit on rogne un peu nos marges confortables pour limiter ou annuler un possible impact négatif de notre produit/activité sur la santé publique, l'environnement, etc. ... <silence> ... ok, oubliez, je ne sais pas ce qui m'a pris de proférer une grossièreté pareille, on maximise les marges bien sûr."

Accessoirement, ça me fait penser à un commentaire entendu ce matin à la radio. Ca parlait de sécheresse, exploitations bovines, cours du fourrage qui augmente en flèche. Et cette phrase: "Mais les spéculateurs sont impitoyables ...". Mais merde! Comment peut on accepter ça? Se faire de l'argent directement sur le malheur des autres! Sur la vie des autres, parfois (quand on spécule sur le blé, au hasard). Normalement, la place de quelqu'un qui répond "oui" à la question "Quelques millions en poche valent-ils la ruine et la famine que centaines ou de milliers de personnes?", ça devrait être la prison, non?

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