Les traces

L'autre jour, je passais dans un de ces petits villages de quelques centaine d'habitants perdu entre deux collines au milieu des champs et des forêts. Des vieilles fermes, de nouveaux lotissements, et au milieu du village, tel un hôtel de ville trônant au-dessus d'une citadelle : une vieille école primaire avec deux entrées au-dessus desquelles on peut lire "Garçons" et "Filles".

Un bâtiment d'un ou deux siècles, dont, il y a quelques années seulement, des vieillards pouvaient encore nous conter la construction et nous narrer des anecdotes de potaches.
À l'époque où le PIB était si peu important qu'on ne le mesurait même pas, on a cru bon d'investir du temps et de l'argent dans un service public de qualité, coûteux, universel, qui se déclinait dans le moindre des hameaux égarés jusque dans les montagnes.

Le bâtiment est encore là, solide, utile, témoin d'une époque pourtant révolue où l'on misait sur le durable et la connaissance.

Je me demande ce que mes arrière-petits-enfants penseront de mon époque. Quelles traces auront nous laissées dans l'histoire politique et sociale du pays ? Quelle avancée la civilisation aura fait pendant que ma génération était aux commandes ?

Des stations de lavage "éléphant bleu", où l'eau croupie de graisse et d'hydrocarbures s'enfuyait par les égouts ?
La carte Waooh d'Auchan et l'anniversaire du magasin Leclerc ?
Des lotissements préfabriqués et des tours à bureaux climatisées ?

Au mieux, tout cela aura disparu, et se sera échoué sur le continent de plastique au beau milieu de l'océan Atlantique.
Au pire, cela aura été remplacé par plus jetable et ridicule encore. Des supermarchés entiers de téléphones portables, et des kilomètres carrés de restaurants servant de la junk food.

Comment pouvons-nous, collectivement, nous tromper à ce point de direction ?