Chroniques présidentielles - Un an et un mois avant le premier tour.

J'entame une série de billets qui présenteront au fil des mois l'analyse que je fais de l'actualité politique en prévision des élections de 2012.

Selon le calendrier prévisionnel, ce n'est que dans un peu plus d'un an que nous connaîtrons la liste officielle des candidats à l'élection, mais on peut déjà faire le tour de l'échiquier politique pour deviner ce qui risque de se passer, de gauche à droite :

Le NPA d'Olivier Besancenot ne fait quasiment plus parler de lui, mais il est plus que probable que le charismatique postier reprenne du service et se présente à nouveau en 2012. Je leur prédis un mauvais score, malgré un climat économique et social qui pourrait leur être favorable, ils n'ont pas su proposer une alternative crédible, ni même intégrer une dimension écologique à leur extrémisme, cantonnant leur programme à celui de la gauche "productiviste".

Le Parti Communiste semble s'être fait manger par le Parti de Gauche de Mélenchon et je verrais bien pour ces deux mouvances une candidature unique. Mélenchon a trouvé un ton qui le fait passer sur toutes les radios : il s'insurge et insulte tout le monde, en ne disant pas, c'est vrai, que des conneries. Il surfe gentiment sur la vague protestataire et le "tous pourris" qui est de mise en période de crise. Son slogan : "Qu'ils s'en aillent tous" résume bien la stratégie du bonhomme. Cela ne doit pas faire oublier un programme qui est, sur le papier au moins, intéressant. Avec une dimension écologique qui n'a rien à envier à un programme décroissant, anticapitaliste, antiproductiviste, écologiste.
Il ne faut pas oublier cependant que Mélenchon est un ancien socialiste qui a été ministre de l'enseignement professionnel sous Jospin. Un fanboy de Jospin, si l'on en croit les déclarations de Jean Paul Huchon. Accusé de populisme, à la Lepen, il pourrait exploser en vol si les journalistes se mettent à ne plus supporter ses attaques incessantes contre leur corporation.

On ne sait plus trop où placer Europe-Ecologie/Les verts. L'écologie politique semble avoir pris un tour nouveau depuis les dernières élections européennes, suite à diverses prises de conscience sur les limites de notre planète. On se dirige vers des primaires entre Eva Joly et Nicolas Hulot, et il est pour l'instant bien difficile de voir comment les choses vont tourner.
Nicolas Hulot, après avoir prouvé malgré lui que l'écologie devait être au centre du programme d'un parti pour être utile, se trouve dans une situation où il ne peut plus être crédible sans s'engager franchement. S'engager, oui, mais où et comment ? Des rumeurs le disent prêt à partir avec EELV pour la présidentielle, mais aussi en pourparler avec Strauss Kahn pour un poste de vice premier ministre ! Et pendant ce temps, tout le monde continue à l'associer à TF1, L'oréal et la droite de Chirac...
Le personnage est aussi ambigu que charismatique et populaire. Son absence de positionnement clair sur l'échiquier politique traditionnel est à la fois une faiblesse et une force. Nombreux écologistes ont abandonné depuis longtemps l'idée d'un clivage gauche/droite pour un clivage plus proche de croissance/décroissance. Hulot pourrait mettre sa popularité au service de ce nouveau clivage et faire péter la baraque.
Le parti EELV lui-même est multiculturel, avec de vrais gauchistes mais aussi des centristes à la Cohn Bendit.
En l'absence de parti décroissant en ordre de marche pour les élections, il est probable que mon vote ira vers ce parti.

Le parti socialiste inexistant commence à peine à relever la tête. Incapables de proposer des alternatives et des propositions qui font rêver, c'est la guerre des chefs qui met de l'animation. Ségolène Royal, Martine Aubry et DSK sont sur les rangs, avec un bon avantage pour ce dernier, secondé par un Moscovici de plus en plus présent. Cependant, toujours pas l'ombre du commencement d'un programme. Enfin, j'imagine bien qu'un militant pourrait me donner un lien vers des grands principes fondateurs et se cacher derrière ça, mais qui aujourd'hui parle du programme du PS en France ? Parfois, je me demande si le PS lui-même en parle.

Au milieu de tout ça, il parait qu'il y a Bayrou. Est-il encore seulement vivant ? Même sa disparition passerait inaperçue. Le troisième homme de 2007 qui n'a pas voulu choisir se retrouve Gros-Jean comme devant avec un parti centriste très diminué. Malgré tout, je le crois capable de faire à nouveau parler de lui lors de la campagne, quand tout le monde aura bien été usé par les débats PS-UMP sur du vent. Il a le mérite d'avoir un peu plus de clairvoyance sur certains sujets et n'est pas encore totalement rendu inaudible par le bruit des casseroles qu'il traine.

À droite, les choses se compliquent au fur et à mesure que le gouvernement de Sarkozy s'enfonce dans le n'importe quoi. Pour les cantonales, aucun candidat UMP n'ose mettre le nom de Sarkozy sur les affiches. Une bérézina dont profite les seconds couteaux, à commencer par Villepin, épris de vengeance et plus vieux-beau encore que d'habitude. Il a même proposé ces jours-ci l'idée d'un revenu universel. Une idée habituellement réservée à l'ultra gauche et qui propose de remplacer l'ensemble des prestations sociales par un revenu inconditionnel versé à tous. On ne connaît pas les détails de l'idée telle que proposée par Villepin, mais une petite analyse à lire chez Stan vous renseignera un peu sur les enjeux qui se cachent derrière tout ça.
Nicolas Dupont Aignan profite lui aussi de toutes les occasions pour prendre ses distances avec le sarkozisme. Avec son air de schtroumpf à lunettes, on aurait presque envie de lui faire confiance quand il veut moraliser la politique.
Difficile de dire, parmi ces deux-là (et d'autres ?), lesquels vont véritablement se présenter. Mais bien sûr, leur présence ou non au premier tour va considérablement changer la donne pour Sarkozy.

Marine Lepen a réussi à reprendre le flambeau de son père honorablement. Elle dépoussière doucement le FN en se débarrassant des vieux fachos qui gênaient encore son ascension. En mentant à tout bout de champ sur les chiffres, elle parvient à exister dans le débat médiatique qui lui donne souvent l'occasion de s'exprimer en terrain connu. Il est peu probable qu'elle renouvelle l'exploit de son père en 2002, mais pas totalement impossible. J'aimerais la voir se débattre contre un écologiste un peu talentueux qui lui mette le nez dans ses faux chiffres tout en montrant son irresponsabilité totale en matière d'environnement.

Conclusion

À droite, comme à gauche, le mode de scrutin débile va montrer ses limites : le PS vampirisé par Mélenchon et les verts, l'UMP divisée en deux ou trois et attirée par le FN. On pourrait se retrouver avec un deuxième tour complétement inédit et étrange, les verts contre Bayrou ou Mélenchon. Ou encore DSK contre Marine Lepen. Si c'est un mal nécessaire pour que tout le monde se rende compte qu'il faut revoir l'ensemble du fonctionnement des institutions, alors tant mieux.

J'ai le secret espoir que cette élection marquera un tournant dans la politique française et j'avoue l'attendre avec impatience. Le contexte économique et politique mondial pourrait jouer un rôle déterminant dans le choix des français. Une crise alimentaire ou écologique majeure propulserait les verts en haut de l'affiche. Au contraire, un embrasement des pays arabes et des exodes massifs feraient le jeu de la droite dure. On en reparlera sans doute de nombreuses fois ici.

Commentaires

1. Le mardi, 1 mars 2011, 13:16 par Stan

Bonne synthèse ! On voit bien l'absence de projet cohérent de parts et d'autres (à part peut être coté FN remarque. ils ont au moins le mérite d'énoncer les choses clairement).

Le tableaux pourrait être déprimant, mais il y a un motif d'espoir. Quand on regarde de près chaque parti, chez mélenchon, au PS, au modem, Europe écologie, et surement même ailleurs, on voit bien qu'il y a un fond de consensus. Que les constats sont les mêmes. Seules les solutions différent, et encore.

N'oublions pas non plus tous les abstentionnistes qui sont pour beaucoup des dégoutés du politique.

Si on prend tous ces gens qui sont en marge de chaque "groupe", je pense qu'il y a moyen de créer un rassemblement. Mais autour de quoi ?

Quel serait le plus grand dénominateur commun possible de tous ces gens ? Je suis sûr qu'en établissant un espèce de manifeste de 10 revendications très explicites, on peut rassembler plein de gens et faire un truc.

2. Le mardi, 1 mars 2011, 13:16 par Bob

En attendant, le dernier tournant opere au niveau de la scene politique nationale est a 180 degres puisque nous venons d'assister, dans l'indifference generale, au retour du RPR aux manettes.

Juppe aux affaires etrangeres, Longuet a la defense... qu'on ne vienne plus nous dire que le gouvernement ne fait rien pour reinserer les repris de justice :)

En tout cas en matiere de tournant t'as raison, on est bien barres. Pour continuer la rupture dans le changement, je verrais bien Pasqua a la justice, Leotard a l'economie et Madelin a l'education.

Sans deconner, si avec tout ca la droite repasse en 2012 je crois bien que ca sera mon dernier bulletin de vote.

3. Le mardi, 1 mars 2011, 13:38 par Merome

@Bob : Tu es mauvaise langue : ils ont quand même viré Hortefeux pour montrer qu'on ne plaisante pas avec la justice dans ce pays. Bon, ok, il reste conseiller politique de Sarkozy, ça donne une bonne idée de ce à quoi il faut s'attendre pour 2012.

4. Le mardi, 1 mars 2011, 14:24 par Nature alerte

Pour info voici un tout nouveau site d'actualités pour mieux mesurer la situation écologique catastrophique de la planète et notre urgence à agir et à changer de comportement.

Nature alerte

http://naturealerte.blogspot.com

5. Le mercredi, 2 mars 2011, 11:27 par FilGB

@ stan : certains ont tenté récemment ce dont tu parles mais c'est mal/pas piloté : http://polethique.net/

Pour en revenir au billet de Merome, sympa tour d'horizon et je suis globalement d'accord. Comme toi je nourris beaucoup d'espoirs (trop ?) lors de cette élection.
Surtout que d'ici là, c'est pas impossible que j'ai complété certaines compétences et un retour de Sarkozy (voire pire, l'extrême-droite au pouvoir) aurait des chances de me faire fuir vers le Québec.

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