Qu'est-ce que tu voulais que je lui dise - Bénabar - Reprise des négociations

Petit rappel car il y a longtemps que je n'ai pas alimenté cette série des faces B : je poste ici les chansons méconnues qui méritent une écoute attentive, soit parce qu'elles sont musicalement fabuleuses, soit parce que les paroles sont diaboliques.

Aujourd'hui, c'est les deux. Au bout des deux premières notes de piano de cette chanson je fonds en larme, et quand ça commence à chanter je vais me pendre. Et c'est Bénabar, le coupable. Pour ceux qui ne connaissent que les chansons "rigolotes" du chanteur, avec des instruments de fanfares qui font pouet pouet, écoutez celle-là, et lisez-moi ces paroles.

Toute la cruauté de la vie y est magistralement dépeinte. Celui qui n'a pas vu une cour de maternelle où nos enfants découvrent la barbarie des relations humaines ne peut pas comprendre le premier couplet. Le regard de la petite fille qui ne comprend pas sa mise à l'écart, je l'ai vu tant de fois, et parfois, c'était mes enfants, ou moi, les bourreaux.

Le piano, simple, avec un peu de violon, à la fin, accompagne parfaitement les tristes constats qui sont assénés dans chaque couplet. Les chagrins d'amour, les injustices, les séparations, la douleur ... Toutes les imperfections de la vie humaine concentrée dans quelques minutes musicales. Sans jugement, sans leçon et sans autre morale que "c'est la vie". On ressort de la chanson en trainant notre misérable condition humaine et bizarrement, j'aime ça.



Cette gamine assise en pleurs
que chagrinent de trop grands malheurs,
les grandes s’amusent sans elle,
exclue de la bande, elle reste toute seule.
Une qui commande, des favorites,
il parait qu’elle est trop petite,
à la marelle y’a des V.I.P.,
dans les maternelles comme en boîte de nuit.
Mais faut pas pleurer, ça va s’arranger...

Qu’est ce que tu voulais que j’lui dise ?
Toute la vérité, rien que la vérité ?
Est-ce que tu voulais que j’lui dise,
que ça ne f’ra qu’empirer ?

Le plus triste, le plus dommage,
elle le sait pas et c’est de son âge,
mais elle-même un jour elle fermera sa porte
quand à son tour elle sera la plus forte...

Ce garçon assis dans un coin,
quinze ans, la tête dans les mains,
premier amour, premier chagrin,
comme le shampoing, la formule deux en un.
Il a beau dire que c’est pas grave,
jouer les hommes, faire le brave,
la savoir dans les bras d’un autre,
ça lui brise le cœur, ça lui ronge le ventre...
Mais faut pas pleurer, ça va s’arranger...

Qu’est ce que tu voulais que j’lui dise ?
Toute la vérité, rien que la vérité ?
Est-ce que tu voulais que j’lui dise,
que ça ne f’ra qu’empirer ?

Qu’il a pas fini de pleurer,
qu’la leçon n’est jamais apprise,
mais si ça peut le rassurer,
lui-même un jour fera sa valise.

Cette femme qui cache ses pleurs, le café coule dans la cuisine,
son patron n’était pas fier, faut dégraisser, drôle de régime.
Chemise cartonnée, demandes de formations,
dossiers bien classés,lettres de motivation,
d’un geste elle balaye de tristesse et de rage
les fiches de paye, les demandes de stages.

Qu’est ce que tu voulais que j’lui dise ?

Puisqu’elle savait déjà,
elle le savait mieux que moi,
que ça ne va jamais s’arranger,
que ça ne f’ra jamais qu’empirer.

Ce vieil homme fatigué d’Algérie,
qui regrette son Maghreb jour et nuit,
tout juste toléré aujourd’hui,
faut dire qu’ça fait que trente ans qu’il est ici.
Qu’il ne sera jamais propriétaire,
qu’il occupe une chambre de bonne,
au pays de Voltaire, au pays des lumières
et des droits de l’homme.

Ce sans-papier rejeté qui repart,
sans même dire au revoir,
sans nous dire merci
pour le billet de charter gratuit
vers la misère de son pays.
ça le soulagera sûrement d’apprendre,
et faudrait quand même pas qu’il oublie
qu’on a gravé Fraternité
sur le fronton de nos mairies.

Ce taulard emprisonné
dans une cellule à six,
il devrait en profiter
parce que bientôt ils seront dix.
Ce malheureux qui dort
sur une ventilation de métro,
il s’en fout de savoir que je le chante
pas assez fort et beaucoup trop faux.

Qu’est ce que tu voulais qu’ils me disent ?

Commentaires

1. Le vendredi, 19 novembre 2010, 01:18 par Stef

Je ne connaissais pas, belle découverte.

2. Le vendredi, 19 novembre 2010, 10:33 par Fil

Y'en un paquet des "faces B" de Bénabar à découvrir encore :)

Pour info, prochain album début 2011 pour Bénabar. Un avant-gout est à télécharger sur sa page Facebook, une balade légère intitulée "Ta main à nos enfants".

3. Le vendredi, 19 novembre 2010, 10:55 par Merome

Fil : Merci pour l'info. Le titre est écoutable ici.

4. Le vendredi, 19 novembre 2010, 11:03 par Bob

Pendant la moitié de la chanson j'ai cru que c'était Vincent Delerm qui aurait appris à chanter proprement...
J'attends de voir la suite, pour ma part le dernier album m'avait laissé largement indifférent.

Ajouter un commentaire

Les commentaires peuvent être formatés en utilisant une syntaxe wiki simplifiée.

La discussion continue ailleurs

URL de rétrolien : https://merome.net/blog/index.php?trackback/741