On ne change pas une équipe qui gagne.

Quand je regarde notre société telle qu'elle est, en essayant d'être aussi objectif que possible, je constate une chose : elle dysfonctionne. Et ce, sur au moins deux points qui ne sont pas discutables :
- Elle cultive et entretient les inégalités. On peut considérer que c'est voulu ("It's not a bug, it's a feature"), mais ce n'est en tout cas pas ce qu'il y a écrit au fronton de nos mairies. Les inégalités, c'est un fait, s'accentuent, même et surtout par temps de crise.
- Elle n'est pas viable à terme, d'un point de vue écologique et énergétique. Les ressources s'amenuisent, le changement climatique arrive. C'est scientifique et indubitable.

Nous sommes donc, dès aujourd'hui et dès maintenant, dans un système qui ne fonctionne pas. Par exemple, au sujet des retraites, on essaie de nous expliquer que, du fait de l'allongement de la durée de vie et du nombre d'actifs par rapport au nombre de retraités, on ne pourra plus financer dans le futur. C'est oublier qu'aujourd'hui déjà, les retraites sont mal foutues et inégalitaires et que c'est le fruit des choix effectués il y a un moment maintenant.

Malgré cela, je constate avec tristesse et avec étonnement que dès qu'il s'agit de proposer d'autres modèles, d'autres façons de penser, on cherche à se rattacher au fonctionnement actuel, en oubliant immédiatement la plupart de ses défauts.
C'est ce que résumait fort bien Mrs Thatcher dans la petite phrase : There is no alternative_. Autrement dit, tout va mal, le système a montré qu'il n'était ni viable à terme, ni agréable sur le moment, mais c'est comme ça, on ne peut pas faire autrement.

La démocratie telle qu'elle fonctionne aujourd'hui a un gigantesque pouvoir de destruction de toute forme de protestation. Les manifestations d'hier étaient prévisibles, prévues, estimées, et leurs conséquences étaient déjà annoncées par les analystes. Tout cela fait maintenant partie d'un jeu social parfaitement rôdé, optimisé pour gêner le moins possible, et pour ne déboucher sur rien de révolutionnaire.

C'est déprimant, mais c'est comme ça. Je cherche depuis longtemps une façon de s'extirper de ce cercle vicieux, et j'arrive toujours à la même conclusion : la technique du contre-pied.

Le libéralisme a semble-t-il tout prévu, et il s'est basé sur une chose contre laquelle nous avons du mal à lutter : notre propension à vouloir toujours plus et mieux. En soi, ce n'est pas condamnable et je suis le premier à adhérer à cette logique. Mais là où nous nous fourvoyons, c'est sur la meilleure manière d'obtenir le meilleur. Et ce qui nous trompe, c'est ce que le système met en place autour de nous pour nous guider vers une mauvaise direction, celle qui permet aux plus riches de s'enrichir, et celle qui provoque la destruction de la planète.

C'est ici que nous devons prendre le contrepied. Tout ce que la société (la publicité, les politiciens, la pression sociale, ...) nous invite à faire est suspect. C'est parfois très visible et évident ("travailler plus pour gagner plus", ça sentait quand même rudement l'arnaque), c'est parfois plus sournois (les "progrès" qui n'en sont pas, téléphones jetables, effets de mode, ...) et cela nous donne même l'illusion de nous réaliser, de vivre enfin comme il faut, de "profiter"...

Le système s'effondre sur lui-même si nous le prenons à contre-pied. Chacun peut le faire à son niveau, en fonction de sa situation, de ses compétences et de son courage. C'est bien sûr largement plus facile pour le cadre sup que pour le chômeur en fin de droit, et donc c'est logique que le premier fasse plus d'efforts que le second.
L'autre avantage du contre-pied, c'est que c'est un cercle vertueux. Quand on commence à marcher à côté des routes bien tracées, on gagne immédiatement en liberté, en estime de soi, et dans certains cas en niveau de vie.

Concrètement, lorsqu'on m'incite à travailler plus pour gagner plus, je travaille moins et je gagne moins en passant à temps partiel quand c'est possible. Si l'on m'invite à changer de voiture, je garde mon vieux tromblon (et économise ainsi un paquet de pognon que je peux investir dans l'entretien de l'ancienne voiture, et à d'autres postes de dépenses bien plus intéressants). Si on fait un grand parking à côté de l'école, j'y amène mes enfants à pied. Si l'on veut me faire tout acheter à la grande surface du coin, je résiste en préférant les producteurs locaux. Quand on veut me faire acheter des cerises au mois de janvier, je mange les pommes de mon verger, ou les prunes que j'ai congelées cet été.

D'une manière générale, se demander à chaque action de ma part, à qui elle profite vraiment ? À moi, ou à celui qui me vend le produit ou le service ? Et chercher sans cesse à sortir du système qui, on le sait, ne tiendra pas.

Je rêve d'une sorte d'économie parallèle qui se mettrait en place insidieusement comme une résistance obstinée au formatage de nos consciences. De qui avons-nous besoin pour s'échanger nos richesses et nos savoir-faire ? De Leclerc et de Auchan ? Des industriels ? Des journalistes ? Des banques ? Non, nous avons juste besoin d'ouvrir les yeux et de comprendre et faire comprendre ce qui se passe au plus grand nombre.
Ce n'est même pas de la désobéissance civile ! C'est parfaitement légal mais ce n'est juste pas encouragé parce que bien trop difficile à maitriser et bien peu profitable pour ceux qui disposent déjà des moyens les plus importants.

Si vous avez des idées pour favoriser ou mettre en place une telle forme de résistance, n'hésitez pas à en faire part dans les commentaires...

Commentaires

1. Le jeudi, 9 septembre 2010, 06:14 par agase

merome,

Pour l'idée, je t'en ai déjà parlé. Mais souviens-toi ! tu m'as dit que ca ne tiendrait pas. Toi même tu n'y crois pas vraiment.

Ben oui, c'est du rêve, comme la plus grande partie de ton discours. Mais c'est vrai, ca pourrait être bien. Donc continuons de rêver.

2. Le jeudi, 9 septembre 2010, 09:55 par Merome

agase : quand je parle d'échange entre nous, je n'exclus pas l'utilisation d'une monnaie.

3. Le jeudi, 9 septembre 2010, 21:18 par flashman1974

Le capital est du travail accumulé. Seulement, comme on ne peut pas tout faire, ce sont souvent les uns qui travaillent et les autres qui accumulent (Auguste Detoeuf).

4. Le jeudi, 9 septembre 2010, 22:08 par agase

Est-ce que j'ai abordé l'aspect monnaie dans mon commentaire ?

5. Le vendredi, 10 septembre 2010, 08:48 par Merome

@agase : j'ai cru que tu parlais de ça. Donc explique ?!

6. Le samedi, 11 septembre 2010, 18:44 par ledjay

Est ce que tu as vu le film "l'an 01" de Gebe ?
Il me semble qu'il parle déjà de ce probleme.

Pour moi, faire autrement c'est forcement se marginaliser, sortir du rang, être différent...

Et ca n'est pas facile. ( à l'école, on voulait tous avoir les mêmes chaussures, le même cartable et on regardait tous les mêmes dessins animés...) Celui qui n'avait pas la télé était, de fait, mis un peu à l'ecart...

Le partage des connaissances et la création d'une communauté (coop pour acheter moins cher, mise en commun des moyens de transports etc..) impose de sacrées limites.
Perso si je dois m'engager je le ferai avec circonspection.

7. Le samedi, 11 septembre 2010, 20:43 par Merome

ledjay : vendre et acheter sur priceminister ou ebay est déjà un pas vers ce dont je parle. Le capitalisme ne me gêne pas en tout et si quelqu'un fait des bénéfices là-dessus, ça ne me dérange pas plus que ça.

8. Le samedi, 9 octobre 2010, 17:01 par Anoona

Je crois vaguement comprendre ce dont vous parlez, pour la simple et bonne raison que j'en arrive aux meme conclusions que vous, et ce, depuis un bout de temps deja... Malheureusement.
J'ai longtemps cherché comment y remedier, a mon humble niveau. Je suis passé par la rebellion pure et simple, la tentative d'information et de prise de conscience de ceux qui m'entourent, le refus ou d'autres choses encore... Soyons realiste comme vous l'avez dit :
"Le libéralisme a semble-t-il tout prévu, et il s'est basé sur une chose contre laquelle nous avons du mal à lutter : notre propension à vouloir toujours plus et mieux."

La solution pour la quelle je penche en ce moment viens directement de ma frustration. J'ai pris le parti, aujourd'hui, d'accelerer la chute de ce systeme en le poussant toujours plus a son paraoxysme. Rien ne changera tant que la masse de population passive ne se rebellera pas. Face a cette evidente conclusion, la seule alternative reste a accelerer le processus qui conduira a sa chute. Et tous les moyens sont bons, en ce qui me concerne ! Les pauvres se plaignent d'etre pauvre mais ne veulent pas agir. Je tente de les rendre encore plus pauvre. Les riches sont bien content de cet etat de fait, alors tentons de les rendre plus riches encore afin de creuser le fossé. Notre "gouvernement" veut faire de nous des citoyens de "1984", accelerons le processus. La revolte qui en resultera n'en sera que plus rapide. La population a peur de perdre le peu qu'elle possede encore, faisons lui encore plus peur et faisons lui perdre le reste. Quand elle n'aura plus rien, elle sera bien obligée d'agir !
Malheureusement, c'est la seule solution que j'entrevoie. Accelerer la chute de cet empire du mal que le monde de nos "elites" est devenu.

9. Le dimanche, 16 janvier 2011, 05:50 par néobio

"Je rêve d'une sorte d'économie parallèle qui se mettrait en place insidieusement comme une résistance obstinée au formatage de nos consciences. De qui avons-nous besoin pour s'échanger nos richesses et nos savoir-faire ?"

je vend ma maison pour aller vivre à la campagne , je suis artisan je vais continuer, mais je vais reduire mes besoins grace à une maison passive retapée entierement à partir d'une vieille ferme
cultiver permaculture et petit elevage

mon but c'est de n'avoir que trés peu d'argent à gagner et échanger mon travail

j'ai la chance de savoir tout faire , je reve de réussir à former des jeunes à tout savoir récupérer et recycler

à plus

10. Le samedi, 16 juillet 2011, 22:29 par ksamuel

Tu n'est pas le seul à avoir ce sentiment. Mais ça bouge partout:
des associations (les SEL, Kokopelli, Alliance pour la santé) se développent, des projets explosent (bitcoin, Khan Academy, wikipedia), les nouveaux medias se profilent (twitter, owni.fr, theinquisitor.com).

Le changement finit toujours par s'imposer.

La raison pour laquelle les gens ont un sentiment d'inertie c'est parceque:

1 - les changements de société se font à l'échelle d'une vie, pas d'une année.
2 - Ce ne sera pas forcément les changement qu'on voudra ou ceux qui seront bons pour nous. Ca pourrait l'être, mais généralement nos attentes sont déçues. Parfois c'est une bonne chose.

Pour passer tout ça, il nous faudra une bonne dose d'humour !

"... alors qu'en fait c'était qu'un combat, il fallait continuer le début"

:-)
11. Le samedi, 16 juillet 2011, 22:32 par ksamuel

Opups, je voulais dire theinquirer.fr, pas theinquisitor.com

12. Le mardi, 11 octobre 2011, 12:51 par blebas7

Je travaille moins ,de moins en moins, j'ai autoconstruit, fait un super jardin bio, poules et canards me donnent amendements oeufs et plaisir !
Je crois quasi indispensable la solitude pour celà, j'ai bcp d'amis qui me regardent "fonctionner" mais sont trop formaté pour bouger ;.........la peur les tient, et sans doute aussi leurs crédits !^^

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1. Le dimanche, 10 juin 2012, 04:59 par Pearltrees

Crise de la démocratie

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