Tu sais ce qu'elle te fait, et puis tu le refais

Chaque individu qui prend un peu de recul et de temps pour analyser les problèmes de nos sociétés constate rapidement les dysfonctionnements et leur cause.
Les ressources sont inégalement partagées et certaines s'épuisent rapidement. L'organisation de la production des biens issus de ces ressources génère elle-même encore plus d'inégalités. La financiarisation et l'optimisation de ces processus conduit à pousser ces inégalités à leur paroxysme.

Pourtant, une fois le constat posé, qui pour avancer des solutions ? Y en a-t-il seulement ? En fait non. En tout cas pas dans ce modèle là.
Il ne s'agit pas de changer quelques paramètres, mais de changer la formule elle-même.

Une fois que l'on a compris, et admis, que la croissance économique infinie se heurte d'un côté à la barrière des matières premières et de l'autre aux limites physiques de l'Homme, il n'est plus possible de raisonner avec le contexte du modèle de développement actuel. Dès lors, si l'on évoque isolément l'un ou l'autre problème directement lié aux abus du modèle "croissant", comme les délocalisations, le chômage, le problème des retraites ... Il est bien difficile pour un décroissant de proposer une solution qui soit cohérente. Appliquer des théories décroissantes dans une société de la croissance, c'est se tirer une balle dans le pied. Ce n'est plus de la décroissance, mais de la récession.

Effectivement, si, dans une économie mondialisée, la France se mettait par exemple à relocaliser ses activités, elle perdrait rapidement de nombreuses part de marché en raison de l'augmentation des coûts de production.

C'est même pire que ça : si d'un coup les gouvernements décidaient de ralentir un peu la course à la croissance, en acceptant une stabilisation de nos niveaux de vie et de richesse, le système entier s'écroulerait.
Notre économie ne tient que par le déséquilibre permanent vers l'avant qu'elle entretient, les projets actuels étant financés par la croissance future espérée. Les gigantesques déficits publics traduisent assez bien cette position bancale. Comme l'enfant qui apprend à marcher ne tient debout que par l'élan qu'il prend entre deux chaises, notre modèle de société n'est viable que si l'on continue d'accélérer perpétuellement.

À partir de là, on peut se demander si la décroissance n'est pas finalement qu'une vue de l'esprit. Une théorie inapplicable car inadaptée à la réalité des choses économiques au niveau mondial.
Déjà, il faut bien comprendre que ce système, la croissance exponentielle, s'écroulera de lui-même un jour ou l'autre. Je l'ai dit : les limites sont physiques : pas assez d'énergie, ni de matière premières pour continuer ainsi, et humaines : pas moyen de nous enfiler une cinquième télé et un trentième téléphone portable pour booster la croissance, tout a une fin.
Puisqu'on va se prendre le mur, d'une façon ou d'une autre, anticipons. Même le gosse qui apprend à marcher place ses mains judicieusement avant de tomber. Il n'y a pas de raisons qu'on ne sache pas faire pareil.

Si l'on abandonne la croissance, il faut le faire franchement et sans regret. En recentrant l'économie sur l'assouvissement des besoins réels des gens, et en acceptant que le volume des échanges sur ce nouveau marché n'a pas de communes mesures avec ce qu'on connait actuellement. Ça veut dire moins de choses, moins vite, moins loin, moins souvent, mais aussi plus de qualité de vie, plus de temps pour soi, plus de contacts, plus d'espérance de vie car moins de stress et de pollutions.

Je ne crois pas un instant qu'un politicien, un jour, se fera élire sur un pareil programme. J'ai espoir, par contre, que les individus que nous sommes serons un jour suffisamment nombreux à avoir compris tout cela et à l'appliquer au quotidien.
Dès aujourd'hui, des gens arrivent à vivre dans une société parallèle, en marge de la croissance. Les AMAP, les réseaux d'échange solidaires, la communauté du logiciel libre, les entreprises coopératives, ... sont autant d'exemples qui marchent et qui montrent ce que pourrait être une société décroissante. C'est maintenant et ce n'est pas une utopie.
Plein d'AMAP avec plein de clients, c'est la fin des supermarchés et des légumes aux engrais et pesticides.
Plein de SEL, c'est la fin des banques et des crédits pourris.
Plein de logiciels libres, c'est la fin des logiciels propriétaires qui enferment les consommateurs.
Plein d'entreprises coopératives, c'est la fin de l'actionnariat et des stocks options qui ne profitent qu'aux plus riches.

Pour sortir de la spirale infernale, c'est juste une question de masse critique.

Commentaires

1. Le jeudi, 4 février 2010, 16:57 par Fil

Il y a plusieurs obstacles à ton raisonnement, je crois. Même si globalement, je le comprends et mieux, je suis globalement d'accord avec ton utopie. oui oui, j'ai bien choisi le mot.

Le principal problème vient de là : "En recentrant l'économie sur l'assouvissement des besoins réels des gens"
Malheureusement et heureusement, les 6 milliards d'humains sont tous différents. Et dans ces différences, il y a celles des "besoins", des objectifs, des envies. Tout le monde ne souhaite pas le même mode de vie idéal que toi. Et donc, tout le monde ne tirera pas dans le même sens.

Et il me semble que c'est un peu dans la nature humaine depuis le plus vieil homme préhistorique -et c'est pareil chez nos amis les bêtes-, un des besoins majeurs est le pouvoir, le contrôle. Antinomique avec le collaboratif.

2. Le jeudi, 4 février 2010, 18:22 par Merome

@Fil : Les besoins (au sens propre) de l'Homme sont les mêmes pour tous. Manger, dormir. On peut y ajouter des besoins fondamentaux plus philosophiques, comme se divertir, "exister", et si chacun le fera à sa façon, on peut réunir tout ça dans un ensemble cohérent.

Après, que certains aient "besoin" de bruler du kerozène, ou de se prélasser dans des spas extérieurs chauffés, ou encore d'être plus riche que le voisin, d'une part, ça me semble pas tout à fait vrai (ou largement exacerbé par la société de consommation qui excite cette fibre), d'autre part, ça me semble contrôlable à terme, grâce à des codes sociaux différents qui s'installeront naturellement.

L'individualisme humain, j'en tiens compte, et même je compte dessus pour sortir de la société de consommation. Quand tout le monde se sera rendu compte de l'artificialité et du conformisme des produits qu'on nous propose, et de ce que ça cache, plus personne ne voudra de Coca Cola ni même manger chez MacDo.

3. Le vendredi, 5 février 2010, 11:04 par Nath

Je reviendrais causer de tout ça lorsque j'aurais lu les bouquins de Serge Latouche achetés suite au visionnage de son interview.

4. Le vendredi, 5 février 2010, 11:26 par Merome

@Nath : C'est une excellente façon de mettre à profit ton congé maternité.

5. Le samedi, 20 mars 2010, 18:54 par TT

Pour avancer du côté des solutions pratiques : http://yannickrumpala.wordpress.com...

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1. Le samedi, 14 juillet 2012, 15:14 par Pearltrees

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