Derrière chaque fonctionnaire il y a... des élus.

Je fais un peu une fixette sur les élites et les élus, ces temps-ci. Ce billet ne va pas arranger les choses.
Il est généralement de bon ton de taper sur les fonctionnaires. Privilégiés, toujours en grève, avec la sécurité de l'emploi, fainéants, mauvais, ils mangent les enfants et violent nos femmes...
Les élus eux-mêmes, surtout s'ils sont de droite, ne ménagent pas leur critique de la fonction publique, et cherchent, soi-disant, à la rendre plus efficace, à "dégraisser le mammouth", selon l'expression con-sacrée.

Pourtant, si l'on y réfléchit bien, derrière chaque fonctionnaire, il y a un ou plusieurs élus. Un élu qui décide, qui emploie, qui rémunère, qui définit les conditions de travail, qui fait appliquer une politique...
Le fonctionnaire n'est qu'un exécutant d'une politique qu'il n'a pas choisi. Souvent même, il la subit bien plus qu'il ne la cautionne. Son efficacité au travail est largement dépendante de la politique menée par son élu ou son ministère de tutelle. L'instit ne choisit pas les aménagements de programmes débiles. L'ingénieur en travaux publics ne décide pas de la statue hors de prix à mettre sur le nouveau rond point. La création de telle ou telle commission à la con, de tel comité inutile, de telle groupe de travail n'est pas du ressort de la secrétaire qui y travaille. Derrière tout ça, il y a des élus, qui prennent des décisions.

J'ai vu des élus de droite faire appliquer les 35h dans leur établissement bien avant la loi sur l'aménagement du temps de travail. J'ai vu des élus de tous bords dépenser des millions pour des conneries qui nécessitent encore plus de fonctionnaires pour les faire tourner.
Il faut bien comprendre qu'un élu, pour exister, pour se faire réélire aujourd'hui, est dans l'obligation de faire dans la démesure, de faire des choses qui se voient, et de générer de l'activité, fut-elle couteuse pour la collectivité.

À la lumière de ce préambule, écoutez donc les conditions de travail des gens du Sénat, qui n'est pas réputé pour être particulièrement à gauche. 32h par semaine, prime de nuit pour tout le monde. Vous croyez que les fonctionnaires qui y travaillent se sont auto-attribués ces privilèges ? Qui a accepté ça ? Des élus.

Le gouvernement cherche à réduire le nombre de fonctionnaires en ne remplaçant pas les départs à la retraite. Riche idée... s'il se l'appliquait d'abord à lui-même.
"les effectifs des cabinets ministériels explosent : +17% pour les conseillers, et +10% pour les autres fonctions entre 2008 et 2009."
"les « services du premier ministre » gagnent 407 postes, pour atteindre 8 338 collaborateurs dont : 3343 au Conseil d’Etat (+53), et 2140 à la « coordination du travail gouvernemental (+335)." (source)

Le budget pour faire fonctionner tout ça explose au même rythme ("la « direction de l’action du gouvernement » coutera 559 millions d’euros en 2010, soit une augmentation de 73 millions d’euros par rapport à 2009.").

Mais on continuera de dire "les fonctionnaires coutent trop cher".

M'est avis que le phénomène n'est pas prêt de s'atténuer, car aujourd'hui, principalement, la fonction publique ne sert qu'à subventionner, directement ou indirectement les entreprises privées. À travers les marchés publics, d'abord, ce qui peut sembler logique, mais aussi à travers la mise en place d'infrastructures et de dispositions règlementaires de plus en plus avantageuses pour attirer l'investisseur, et donc les emplois, sur le territoire.
L'élu, par les temps qui courent, est dans l'obligation de céder au chantage à l'emploi. Telle entreprise menace de partir, ou même de ne pas venir sur le territoire de l'élu ? Qu'à cela ne tienne, on va lui acheter et lui équiper les locaux qui vont bien, faire passer l'autoroute pas loin, offrir des services gracieusement en échange de quelques emplois seulement, pour quelques mois à peine.

Mais n'oubliez pas : ce sont les fonctionnaires qui coutent cher.

L'autre tarte à la crème de la fonction publique, c'est la situation de monopole qui serait dommageable à l'usager. Laissez moi rire. Il suffit d'évoquer la téléphonie mobile et les fournisseurs d'accès à internet pour balayer d'un revers de la main cet argument débile de la concurrence libre et non faussée. La dérèglementation de l'électricité prend le même chemin avec des nouveaux acteurs qui surfent sur la vague de l'électricité "propre" en assaisonnant tout aussi proprement le client.
Dans les faits, la concurrence n'existe presque plus nulle part, et la libéralisation des marchés n'a jamais conduit qu'à l'appauvrissement du choix et de la qualité de service.

Mais l'important, c'est de bien retenir que les fonctionnaires coutent trop cher. Puisqu'on vous le dit.

Commentaires

1. Le jeudi, 17 décembre 2009, 15:41 par Nath

"Quand on veut tuer son chien, on dit qu'il a la gale..."
Dans cette lignée, il y avait un article intéressant sur la dette publique dans le dernier "Monde Diplomatique". Il posait la question suivante : "et si l'augmentation de la dette publique n'était pas une fatalité mais un acte délibéré ?"
L'illustration en était celle de Reagan qui avait fait de la réduction de la dette son cheval de bataille lors des élections de 1981. A la fin de son premier mandat, la dette avait été multipliée par 3. Les démocrates se frottaient les mains en ce disant qu'ils allaient pouvoir le mettre en défaut sur sa promesse non tenue, jusqu'à ce qu'ils s'aperçoivent que cette dette pharaonique faisait le jeu de la droite. En effet, le thème de la dette et en général plus avantageux à l'idéologie de droite qui prône pour la réduire une baisse des investissements publics, fonctionnaires, etc. Tandis que la gauche, traditionnellement, n'a pour réponse qu'une augmentation des impôts, ce qui n'est pas du tout populaire.
Arrêtons de croire que nos politiques sont de mauvais gestionnaires... ce sont surtout des manipulateurs qui bossent pour leur pomme et celle de leurs potes. (pas tous heureusement).

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