La pollution expliquée à ma fille

Le plaisir du jeudi, c'est d'avoir le temps de chercher les gosses à la sortie de l'école. J'ai ordre d'avoir préalablement préparé du pain en m'arrangeant pour qu'il soit juste chaud comme il faut pour le copieux "quatre heures" qui suit.

- Vous avez vu, la voisine a fait un grand feu avec ses branches.
- Et ça pollue ?
- Oui, ça pollue un peu.

Numéro 2, visiblement embarrassée :

- Si ça pollue, il faut qu'elle arrête, il faut lui dire !
- On ne peut pas dire ce genre de choses à nos voisins. Ce n'est pas poli. Et puis, cela ne nous gêne pas directement, et elle ne le fait pas souvent.
- Ben oui, mais... ça pollue !
- Nous aussi on pollue. Des fois, la pollution ne se voit pas. Là, on voit bien la fumée, ça nous choque. Mais nous aussi on pollue même si ça ne se voit pas.
- Ah bon ?
- Oui, quand on laisse les lumières allumées pour rien, quand on branche un appareil, tiens, la machine à pain, ça pollue.
- Alors il faut la débrancher.
- Et on ne mange plus de pain ?
- On n'a qu'à l'acheter !
- Dans ce cas, c'est celui qui fait le pain qui pollue, c'est pareil, sauf que ça ne se voit pas chez nous.
- Ah bon ?

Numéro 2 dit souvent "Ah bon", ces temps-ci.

- Ce qui est important, c'est de polluer seulement pour de bonnes raisons, seulement quand on ne peut pas faire autrement. Nous as-tu déjà vu faire un feu pour nos branchages morts, ici ?
- Non.
- Sais-tu ce qu'on en fait, alors ?
- Non.
- On les emmène à ...
- La déchetterie.
- Voilà. C'est un peu pénible, parce qu'il faut réussir à mettre ça dans le coffre de l'auto, mais au moins, on ne fait pas un feu inutile.
- Et à la déchetterie, ils en font quoi ?
- Je ne sais pas, peut-être qu'ils les brûlent aussi, mais j'espère qu'ils récupèrent la chaleur pour chauffer quelque immeuble, ou alors ils broient et en font du compost qui est utilisé en horticulture. Cela devient une pollution "utile", ce n'est donc plus vraiment de la pollution.

Je vous passe les détails des reformulations et des questions plus ou moins débiles qui sont le lot commun des discussions avec les enfants, mais l'essentiel est là. L'essentiel, pour les adultes et les enfants, d'ailleurs, c'est de bien comprendre que la pollution naît de l'abus. Les Hommes, pour vivre, consomment des ressources et produisent des déchets. Ce qui en soi, n'est pas un problème. C'est quand on consomme trop ou pour de mauvaises raisons, et que l'on produit trop de déchets que l'on gère mal, que ça devient problématique.

Notre modèle économique actuel ne tient debout aujourd'hui que parce qu'on surconsomme, et donc qu'on surproduit des déchets. La pollution, que ce soit les émissions de gaz à effet de serre, les sacs plastiques dans les mers et les océans, les rejets de produits toxiques dans les nappes phréatiques, sont le fruit direct d'une société de consommation qui est le modèle de développement que l'on a choisi et que l'on tente d'imposer aux pays en développement. Il faut en sortir, et pour en sortir, ne comptez pas sur ceux qui en profitent outrageusement.

C'est à nous de casser le cercle vicieux. Si l'on ne surconsomme plus, on ne surproduira plus de déchets, et le modèle économique s'adaptera de lui-même. Encore faut-il atteindre la masse critique nécessaire à ce basculement. Sachant qu'il est peut-être déjà trop tard. Si ça ne vous fait pas flipper, vous avez de la chance. Moi ça m'angoisse au point d'écrire ce genre d'article toutes les semaines.

Si une fois ou l'autre, vous trouvez un de ces articles bien foutu, attaquant le problème sous un angle original ou permettant de comprendre certaines choses, faites passer l'adresse à vos amis, à vos collègues. Aujourd'hui, il est aussi important d'agir, que de faire prendre conscience. Si vous ne savez plus quoi faire pour être plus sobre dans votre vie quotidienne, alors faites partie de ceux qui diffusent les (bonnes) idées. Cela demande moins d'effort et moins de temps, mais c'est tout aussi efficace.