Et sa variante pathologique : la collectionnite.

Quand j'étais gosse, je collectionnais les autocollants, les capsules de bouchons de champagne, les bandes dessinées des schtroumpfs et d'Achille Talon, les pièces de deux francs, les billes, ...
Mais c'est ma collection d'autocollants qui était la plus "importante". Avec près d'un millier de références, comptabilisés régulièrement (avec la date en face de chaque recompte) et rangés dans des boîtes de chocolat de Noël ou des boîtes de puzzle. Les "doubles" étaient rangés à part, et constituaient une précieuse monnaie d'échange pour obtenir de nouvelles occurrences auprès d'autres collectionneurs de mon village (si, si, il y en avait).

Les plus beaux fleurons de ma collection étaient sans doute les plus gros autocollants, comme ce pare-soleil de voiture marqué "Dynastar", ou d'autres éléments gigantesques qui passaient à peine sous mon lit, une fois roulés.
Dans le genre plus "rare", j'avais réussi à choper une petite flamme bleue blanc rouge comme il y a(vait ?) sur les plaques minéralogiques de la gendarmerie.

Je me souviens encore de ce jour où il était question de me racheter un pantalon, dans un magasin de vêtements. Il se trouve que certains jeans étaient vendus avec un petit autocollant représentant un coyote (Bip bip !). Honteusement et discrètement, j'avais subtilisé plusieurs autocollants pour alimenter ma collection, en priant pour qu'à la caisse, ni mes parents, ni les vendeuses ne constate mon délit.

Petit à petit, j'ai abandonné la collection (et les vols caractérisés qu'elle me faisait commettre), ainsi que toutes les autres. Aujourd'hui, je porte un regard amusé sur cette occupation, et sur ceux qui continuent, adultes, à collectionner des trucs.
Car je crois que la collection, en soi, est une habitude puérile au mieux, bassement matérialiste, au pire. Car à quoi sert une collection, je vous le demande ?

Prenons un collectionneur de timbres, qui stocke méticuleusement ses bijoux dans des classeurs thermorégulés à l'abri de l'humidité, et emmerde le guichetier de la poste et tout ceux qui sont derrière dans la file pour obtenir sa planche de timbre du bicentenaire de la carrière de Johnny Halliday qui vient de sortir. Sa collection, si elle est bien tenue et un tant soit peu fournie, peut valoir un peu d'argent. Soit. Si le collectionneur fait ça pour l'argent, alors il est matérialiste, ce que je disais plus haut.
Si c'est un amateur qui entasse les milliers de timbres qui lui sont adressés pour leurs jolies couleurs ou leurs belles dents, sa collection ne vaut rien, dans tous les sens du terme. Comme ma collection d'autocollants, le seul plaisir est de la feuilleter égoïstement, ou pire, de la montrer aux autres qui s'en foutent, avec une fierté non dissimulée. Puéril. Inutile.

Un collectionneur de bouquins (BD, romans, ...) peut se targuer d'avoir une collection "utile". C'est souvent faux : encore une fois, quand on est enfant, on peut se permettre de lire et relire des centaines de fois le même volume des aventures d'Astérix (ce que j'ai fait, parce que mes frangins avaient cette collection là, entière). Mais une fois adulte, c'est juste de la science fiction ou de la mauvaise foi que de se dire qu'on peut relire un vieux truc qu'on a déjà lu, et que c'est là tout l'intérêt de stocker sur des kilomètres d'étagères qui plient sous le poids des livres et des années, ces ouvrages qui nous ont tant apporté.

La collection, de quoi que ce soit, ne résiste pas à l'analyse objective et adulte. Plus le temps passe, moins on a de temps, moins on a de place à consacrer à nos manies d'adolescents. Le plus difficile étant d'accepter de jeter ou revendre mais surtout d'oublier ce qu'on a collecté pendant tant d'années avec une affection démesurée.
Les loisirs numériques ont dématérialisé certaines collections, et ainsi réglé en partie le problème de l'espace physique de stockage. Le collectionneur de VHS peut aujourd'hui jeter ses armoires et garder ses vidéos de bien meilleure qualité sur un disque de grande capacité qui ne prend pas de place. Mais c'est alors le risque de perte qui devient invivable, la sauvegarde régulière et externalisée pour éviter l'incendie, le problème de longévité des formats de stockage...

Face à ces constats, il n'y a qu'une posture que la raison nous dicte : il ne faut rien garder. Une vidéo, une fois vue, perd 90% de son intérêt. Un roman, une fois lu, ne sera pas retouché pendant des mois, sans doute des années. Un timbre, un autocollant, un bouchon de champagne ne sert et ne servira jamais à rien... Des bibliothèques, des médiathèques, des sites internet nous permettent de retrouver instantanément ou presque tout ce qu'on s'emmerdait la vie à garder chez soi avant.
Ne doivent rester sur nos étagères que ce qui est utilisé régulièrement, et non pas ce qui flatte l'oeil ou le portefeuille du collectionneur. C'est ainsi que je considère qu'une série de jeux de société n'est pas à proprement parler une collection. Chaque fois qu'un de mes jeux sort, la partie est différente, et intéressante. Les jeux qui ne sortent pas sont revendus, inutiles car ne correspondants pas à mon profil de joueur. Je ne collectionne pas les jeux pour en avoir plein, et pour que ça en jette sur mes rayons. Je ne cherche pas la perle rare sur ebay pour donner de la valeur à mes possessions. Je cherche, de façon pragmatique et économique, à diversifier mes expériences ludiques et à faire découvrir des jeux aux gens.

Si j'avais, si j'avais ça, je serais ceci, je serais cela,
Sans choses je n'existe pas, les regards glissent sur moi.
J'envie ce que les autres ont, je crève de ce que je n'ai pas,
Le bonheur est possession, les supermarchés mes temples à moi

Les choses - JJG

Commentaires

1. Le jeudi, 21 mai 2009, 22:35 par Agaagla

et soudain on voit poindre le décroissant qui est en toi...

tu as un peu raison, c'est vrai

mais moi mes kilomètres de bouquins c'est pour le boulot que je dois les garder ! (le collectionneur a toujours une bonne excuse)

2. Le vendredi, 22 mai 2009, 10:29 par Nico

Que penser de la collection de flippers ou de bornes d'arcades ou de consoles retro ?

Certains en sont malade, ils font des milliers de km pour aller chercher un modèle spécifique ? Toutes ces machines sont ensuite alignées dans des salles de jeux.

On retrouve le plaisir de LA collection et des objets que les autres n'ont pas ou envie. Mais parallèlement à ça, ces jeux sont "utiles" puisque très ludique et souvent en fonction.

Est-ce qu'on rejoint alors ta collection de jeu de société qui n'est pas une collection ? Ou est-ce un type de collection "pour adulte qui sont restés enfants" ?

3. Le vendredi, 22 mai 2009, 12:07 par Don

On peut aussi considérer la collection comme un souvenir...
J'imagine bien le collectionneur de timbre dire: "Tu te souviens Marta, celui-là c'était en 67, après la guerre nous nous somme installés 6 mois dans la Creuse. Et celui-là c'était pour le baptême de Raymond, c'était une canaille, hein Marta."

Une collection c'est un plaisir personnel et égoïste (c'est comme la masturbation en gros :) ). Vu que nous n'aimons pas tous les mêmes choses, une collection n'a de valeur que pour le collectionneur (à moins de collectionner les Ferrari), et ne peut donc nullement servir de faire valoir.

J'ai longtemps collectionné les verres à bière, j'en avais une 50ène de différentes marque. Ca n'avait aucune valeur(ce n'était pas le but d'ailleurs), je les trouvais simplement jolis, et j'aimais passer 5 minutes à choisir dans lequel j'allais servir mes convives.

Comme pour ton autocollant de pantalon, je les volais en partant des bars :)

Pour moi une collection se situe entre le jeu et le souvenir (j'ai de bons souvenirs liés à certaines acquisitions).

4. Le lundi, 25 mai 2009, 11:42 par Nath

Quel parti pris et que de jugements de valeurs dans ce billet ! Est-ce que collectionner quelque chose n'est pas aussi respectable que n'importe quel autre loisir ? Personnellement, je préfère un collectionneur de bouchons de champagne à quelqu'un qui passera son temps libre à chasser ou pratiquer des sports automobiles...

5. Le lundi, 25 mai 2009, 14:44 par Merome
Nath : Vas-y, argumente qu'on rigole. Je te rejoins sur la chasse et le sport automobile. Mais des trucs pas intéressants objectivement, y en a plein. Maintenant, une collection, concrètement, quel est son intérêt. Avec exemple...
6. Le lundi, 25 mai 2009, 17:05 par Fil

Je suis à peu près d'accord avec toi sur l'analyse mais pas du tout sur la conclusion : "il ne faut rien garder".
Bah pourquoi pas ?

Depuis quand la puérilité et le matérialisme sont des fléaux à combattre quand ils se limitent à une sphère aussi restreinte qu'est celle de la vie privée ?
Pourquoi ces 2 "tares" (selon toi) ne seraient pas simplement une volonté des gens de s'évader par des choses qui n'ont de la valeur que pour eux et quelques autres et qu'ils sont juste heureux comme ça.

Toi qui semble aimer (un peu) l'art (au sens large : musique, écriture...) tu tombes dans une conclusion hyper terre-à-terre où tout doit être réglé comme du papier à musique qu'on ne gardera pas de toute façon. C'est triste.
Y'a rien de plus irrationnel qu'un être humain, putain svp, qu'on garde au moins cet aspect là.

Alors que je suis certain que tu collectionnes les disques de JJG.

7. Le lundi, 25 mai 2009, 17:39 par Merome
Et là je sors ma botte secrète : l'exception culturelle. Un disque de JJG n'est pas un objet. Un MP3 me suffit et là, ce n'est plus une collection "matérielle", et c'est "utile" dans le sens où c'est culturel, partageable.
Un objet qui n'est pas utilisé n'est par définition pas utile. Une BD qui n'est pas lue. Un DVD qui n'est pas passé. Un timbre qui n'est pas collé (ni même regardé)... Le billet est volontairement extrême et provocateur. C'est une position de principe destinée à faire réfléchir le lecteur qui en a la capacité. Je ne m'adressais donc pas à toi :)
8. Le lundi, 25 mai 2009, 23:20 par Stef

N'étant pas fan de collections, je rejoins Merome d'un coté, on retrouve souvent un coté puéril et un peu ridicule dans ce "hobby".

Apres les jugements tranchés ne me semblent pas justifiés (même si j'avais remarqué dans le sujet une exagération volontaire provocante ;) ), a mon avis tout dépend ce qu'on fait de ce loisir et comment on utilise cette passion.
Le collectionneur peut se contenter de monter sa collection dans son coin, en la montrant parfois a un copain qui aura la politesse de ne pas s'endormir devant. Il peut choisir d'y dépenser des fortunes, juste pour le principe de posséder des pièces rares et inutiles... Mais il peut aussi s'en servir comme support, pour un enrichissement culturel (chercher l'origine de chaque timbre, que ce soit historique, géographique...) ou social (nombres de salons et de sites sont consacrés aux collections, moyen de rencontrer des gens partageant la même passion).

On peut ainsi trouver des bons cotés et des cotés ridicules a chaque loisir :
- le foot et ses poilus idiots en short qui courent apres un bout de cuir font quand même du sport et apprennent -parfois- l'esprit d'équipe.
- le produit culturel est partageable certes, mais a condition qu'on la partage avec quelqu'un qui l'apprécie également, comme une collection finalement. Un album de timbres ou un album de JJG se résument au même mot pour moi par exemple : ennui. :)
- le joueur de jeux videos s'échine a monter un "mega-perso de la mort qui tue" a force d'haures de jeu alors que le Webmaster va lui effacer en quelques secondes. Par contre il peut en tirer nombre de conversation msn mémorables, assorties de fous-rires, E-amitiés (je vient de l'inventer, a moins que ça existe deja :) ), voire un peu d'enrichissement culturel. J'ai eu droit a l'histoire du Quebec un soir !

Bref pour dire qu'on peut prendre un angle de vue moqueur ou positif pour tout loisir, travail, activité en général mais que les collectionneurs ne méritent pas d'être plus maltraités que les autres. Alors que les chasseurs, eux... :)

9. Le mardi, 26 mai 2009, 02:59 par Fil

Entre les vraies-fausses théories des billets, un peu exagérées mais pas trop et les vraies-fausses vannes, qui font rire tout le monde mais pas vraiment non plus, voire le contraire, effectivement, ce blog commence (heu non "demeure" pour rester dans cet humour jovial et guilleret.. aha...) à devenir effectivement hors de ma portée psychique que, visiblement, même le dernier des lémuriens n'aurait pas à envier.

Je déconne hein évidemment... Ahah... LOL, mdr, ptdr...

10. Le mardi, 26 mai 2009, 08:24 par Merome
Stef (lui) a bien cerné mon point de vue, il ne s'agit pas de clouer au pilori le premier des collectionneurs de sous bock. Juste de lui faire prendre conscience, peut-être, de la futilité de son hobby, et qu'il existe, peut-être encore, de meilleures façon d'utiliser son temps et son argent. Effectivement, l'argument culturel peut être avancé dans beaucoup de cas, et si c'est une réalité, je n'y vois pas d'objection si ce n'est qu'il n'est pas nécessaire de posséder un objet pour s'en servir comme prétexte culturel. Lire le prix Goncourt tous les ans, pourquoi pas. Les garder sur une étagère, c'est juste idiot. Il faut creuser un peu pour savoir ce qui nous pousse à garder les choses comme ça, cet article était avant tout destiné à ça : se poser des questions vis à vis de ses propres possessions.
11. Le mardi, 26 mai 2009, 11:30 par Nath

"Nath : Vas-y, argumente qu'on rigole. Je te rejoins sur la chasse et le sport automobile. Mais des trucs pas intéressants objectivement, y en a plein. Maintenant, une collection, concrètement, quel est son intérêt. Avec exemple... "
=> mon objectif premier n'était pas de te vendre l'intérêt d'une collection, simplement j'ai trouvé qu'à force de vouloir faire réagir, tu en devenais limite blessant par ta façon de présenter les choses.
Et en contre-exemple, j'ai énormément de BDs chez moi... cela peut s'apparenter à de la collection car j'aime l'objet en lui-même. Mais j'ai relu toutes mes BDs plusieurs fois et je les relis encore... Et leur version dématerialisée ne m'intéresse absolument pas (j e veux pouvoir lire dans mon lit, vautrée sur le canapée ou dans les chiotes si je veux...)

12. Le mardi, 26 mai 2009, 13:47 par Merome

Nath : si tu as des BD et que tu les lis, tu n'entres pas dans le champ de mon article. Parce qu'à ce moment là, je collectionne aussi les fourchettes et les chaises chez moi.
J'espère ne pas avoir été blessant. Si je l'ai été je m'en excuse. J'espère avoir été provocateur. Si je l'ai été, je m'en félicite.

13. Le mercredi, 27 mai 2009, 10:57 par Nath

"J'espère avoir été provocateur. Si je l'ai été, je m'en félicite." => en tout cas tu as eu plus de réactions que sur tes deux derniers billets plus politiques ;)

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