Baisse le son !

Il fallait tôt ou tard que j'écrive un mot sur ce nouveau cauchemar des parents, nouveau dans le sens où nos parents à nous n'avaient pas ce fléau, en tout cas pas sous cette forme. Le sujet a déjà été effleuré dans le film "Demandez la permission aux enfants", où l'on peut voir un père excédé en exploser une par terre. Une quoi ? Une Nintendo DS, bien sûr.



C'est une console de jeu portable, destinée principalement aux enfants, mais je connais quelques adultes un peu attardés qui l'utilisent malgré tout.
Alors que, dans nos jeunes années et dans le meilleur des cas, nous nous partagions un seul "jeu électronique" pour toute la famille, dorénavant, la plupart des gosses ont leur propre console portable qui coûte quatre fois plus cher. Oh, j'ai bien tenté de résister à l'invasion, en proposant d'autres choses, d'autres activités, voire en dernier cours, une autre console que celle-là. Mais rien à faire. La DS est incontournable, et avec elle, ses niaiseries de jeux plus ou moins débiles.

Mais je ne vais pas m'attarder plus que ça sur la qualité des jeux, car il semblerait que dans le domaine, certaines choses m'échappent totalement. Se balancer des bananes et des carapaces ou sauter pour attraper des pièces, j'y suis assez hermétique. Je comprends bien, au moins, que cela puisse plaire aux gosses, dans une certaine mesure, mais pour un adulte, décidément, je ne vois pas, sauf à avoir été préalablement décérébré et conditionné par Nintendo dans sa jeunesse. C'est triste.

Non, ce qui est encore bien pire que ça, c'est la place que prend la console dans la vie quotidienne et néanmoins familiale. La console est en accès libre, les gosses peuvent se la brancher seuls et y jouer sans assistance parentale. Ils ne se privent donc pas de le faire, à tout moment de la journée, et particulièrement aux plus mauvais. Juste avant de partir à l'école alors qu'on est déjà à la bourre. Juste avant d'aller au lit alors que ça les excite au plus haut point. Juste quand on a besoin d'un peu de calme pour lire, écrire, se reposer, conduire tranquillement.
En cela, cela s'approche un peu de la plaie des téléphones portables qui sonnent à tout bout de champ et vous interrompent pendant un jeu de société, un film, une discussion, ...

Bien sûr, quand une partie est en cours, que le niveau est élevé et que le temps passé pour y arriver est conséquent, on rechigne un peu (au début) à fermer la console brutalement et tirer le gosse de son jeu. On respecte un minimum l'effort produit. "Je finis mon circuit", mon oeil, tu viens d'en recommencer un sous mes yeux, oui !

Ensuite, il y a le son. Ah, le son. Joie des bruitages débiles. Plaisir des musiques énervantes et répétitives, qui s'accélèrent au fil des niveaux. Et donc la plupart du temps, on demande aux gosses de le couper. Ce qu'ils font. Pour le remettre quelques minutes après, discrètement. Donc, il faut le redire et le répéter encore.

Et puis, il y a l'attitude qui va avec. Ces jeux énervent. Mince, j'avais dit que je ne m'étendrais pas, tant pis. Pensez donc, c'est du niveau zéro de maîtrise du jeu et donc l'absence totale de satisfaction intellectuelle. Il faut répéter mécaniquement les gestes qui marchent, comme un robot, et être à la merci d'une console qui éventuellement triche, ou bien d'un sort qui tombe d'on ne sait où sans contrôle aucun, ni riposte possible.
Je crois avoir pratiqué pas mal de jeux vidéos et avoir un certain recul par rapport à ça. Il est clairement des jeux "abrutissants", qui n'apportent strictement aucun plaisir. Surtout joués seul. La plupart des jeux que j'ai vus sur cette console sont de ce type.
L'enfant sort du jeu avec une humeur exécrable. Il est frustré. Il est encore dedans. Et fatalement, il n'est plus avec nous. Il arrive qu'il soit agressif ou aigri. Vraiment, parfois, c'est assez pénible à supporter.

En comparaison, et pour prêcher pour ma paroisse, l'attitude après une partie d'un jeu de société quelconque est très clairement différent et bien plus positif.

(...)
Petite pause dans l'écriture de cet article, pendant laquelle j'ai appris à ma fille à jouer aux "joyaux magiques", de Disney sur DS, et joué quelques minutes à Super Mario Bros avec mon fils, pour voir ce qu'il avait dans le ventre (le jeu, pas le fiston). Tout ça pour dire que je fais des efforts, j'essaie de comprendre. Et une fois encore, l'expérience s'est assez mal terminée, ma fille était irascible en passant à table. Mais dans ces deux jeux, encore une fois, que de frustration et bien peu de satisfaction. Soit l'on parcourt sans fin des niveaux interminables (au sens propre) en essayant de trouver le pixel depuis lequel il faut amorcer son saut pour tomber au bon endroit (Passionnant !). Soit l'on parvient à terminer le niveau rapidement, mais en ayant laissé de côté des tas d'endroits qui étaient susceptibles d'être intéressants, des salles cachés, des trésors secrets... Dans tous les cas, on en ressort frustré. Alors, je sais, je suis mauvais. Mais mes gosses sont (encore pour quelques semaines, ou mois) plus mauvais que moi encore. J'imagine leur détresse quand ça fait 10 fois qu'il recommence le même niveau à cause d'une carapace débile ou d'un trou mal placé.

Donc voilà, je suis sans doute un vieux con qui ne comprend rien à ces jeux, mais sans parti pris, je vous l'assure, survivre en famille avec des Nintendo DS est une gageure...
Le seul truc positif qu'on peut retirer de la situation, mais qui dénote aussi l'addiction presque maladive que suscite la console, c'est que cela donne un moyen de pression supplémentaire en cas de conflit :

- Mange ta soupe ou tu seras privé de Nintendo (en plus, ce nom de marque est imprononçable quand on est énervé, c'est comme les prénoms à trois syllabes ou plus : une fois arrivé au bout, on ne sait même plus pourquoi on est en colère !).
- Non, pitié !

Une bien maigre consolation.

Commentaires

1. Le vendredi, 4 juillet 2008, 09:53 par Filou

Tu n'imagines sans doute pas à quel point Wargang a les mêmes effets ravageurs sur ces plus jeunes joueurs... et leurs parents ! lol
(oui je sais tu t'attendais à ce genre de comms, et très probablement de ma part... ^^)

2. Le vendredi, 4 juillet 2008, 11:57 par Merome
Wargang s'adresse à des adultes. Pas à des gosses de 7-8 ans...
3. Le vendredi, 4 juillet 2008, 15:04 par loicf

Histoire très intéressante, même si je vous (te - je ne sais pas si j'ai le droit :D ) trouve un peu aigri quand vous parlez de ce bon vieux plombier.
"décérébré" "abruti", je ne reconnais bien là votre demi-mesure... qui me fait vous lire d'ailleurs.

La question est : comment vous êtes vous laissé convaincre d'en acheter... et deux en plus?

Est ce que les parents contemporains ont encore le choix de refuser une DS, un psp ou un smartphone? je me le demande vraiment...
----
Pour ce qui est du moyen de pression, il faut leur dire "privé de DS", ça fait moins de syllabes, et ça fait plus dans le coup ! :D

Je ne sais pas si mon comm est très enrichissant, en fait je suis sur qu'il ne l'est pas. Mais ça faisait un moment que je restais passif mes lecture sur ce blog, et je voulais un peu changer la donne.

A plus tard donc

4. Le vendredi, 4 juillet 2008, 16:21 par Merome
De la demi-mesure ? Dans mes articles ?
5. Le vendredi, 4 juillet 2008, 17:14 par loicf

Et uniquement du premier degrés :D

6. Le vendredi, 4 juillet 2008, 19:34 par manacur

Je n'ai rien à dire au sujet - seul de la compassion pour les parents d'aujourd'hui.
Voilà quelque temps que je tiens mon blog français, et plus je lis les commentaires dans différents blogs plus ça commence à m'agacer de devoir lire une multitude de fautes d'orthographe. Je me suis demandé si c'était normal que des adultes vraiment français ne sachent plus écrire leur propre langue correctement.
C'est pourquoi j'ai posé la question à Google: "blogs de langue française sans fautes d'orthographe" et je suis tombé sur ce blog à une discussion datant de l'année 2005. J'ai donc continué.
Je dois te dire que j'ai eu plaisir à lire l'enregistrement de ce jour qui m'a rappelé les temps, heureusement passés depuis bien longtemps, quand notre fille avait 14 ans et que l'abaissement du ton de la radio fonctionnait pour quelques minutes au plus.
Je suis un peu consolé et je retournerai pour lire au moins de temps en temps des textes sensés et sans faute d'orthographe.
Saluts très cordials
Curt

7. Le vendredi, 4 juillet 2008, 20:31 par Merome
Demi-mesure, et sans faute d'orthographe, vraiment, ça correspond tout à fait à mon blog, oui :)
8. Le vendredi, 4 juillet 2008, 22:21 par pggy

à la maison, pas moins de 3 DS (oups), la mienne, qui fut la première, puis ma fille de 8 ans à l'époque, puis mon fils de 5 ans ; car j'en avais assez qu'il me chipe la mienne ; et sa game boy color ne lui suffisait plus; forcement la DS est plus agréable.
la console n'est autorisée qu'à certaines heures de la journée et/ou de la semaine.
De plus ; pour ma fille ainée, j'ai trouvé de bon compromis : des jeux dit "intelligent" : math plays , les incollables CM1 (existe aussi en CE1, les autres je sais pas).
Bon forcement, les parents ne donnent pas le bon exemple. Un mari qui joue à la console depuis l'age de 10 - 12 ans( il en a bientot 33) et qui a écumés ses nuits a braqué des fourgons que sa femme s'évertue à remplir dans la journée.

Bref 3 consoles DS, une PSP one, 4 ordinateurs et une wii_.
Le tout c'est de trouver le juste milieu, et des jeux qui ne les rendent pas plus débilent qu'il ne pourrait le devenir.

9. Le vendredi, 18 juillet 2008, 06:49 par Bob

Je réponds tard parce que par crainte d'en remettre une grosse tartine je n'ai pas pris le temps, d'autant plus que la discussion "faut-il avoir été décérébré par Nintendo pour continuer à jouer à Mario quand on a passé 10 ans ?", on l'a déjà eue toi et moi et qu'on est tous les deux restés sur nos positions (un fait qui est en soi un sujet sur lequel je reviendrai sans doute, tiens).

Déjà, la lecture de ton billet donne l'impression que tu n'as aucune autorité sur tes gamins. Ayant déjà eu l'occasion de te voir en famille (sans les DS cependant), je sais que ce n'est pas vrai, et puis comme je n'ai moi-même pas encore de gosse je me garderai bien de donner des leçons. C'est juste qu'à te lire j'ai le sentiment que tu joues la victime consentante (et éplorée) d'un "fléau" que tu as toi-même introduit dans ta maison, et sur lequel tu refuses de reprendre le contrôle parce que ça te fait plaisir de pouvoir râler dessus :)

Sinon pour faire court, je pense que le problème fondamental du truc c'est que tu sembles voir le jeu vidéo comme un loisir d'une nature très exceptionnelle et qui lui conférerait des tares inévitables. À mon avis il ne s'agit que d'une forme de distraction comme une autre, ni plus ni moins. Au même titre que le cinéma, la musique, le tricot... ou le jeu de société. C'est pareil : il y en a des très bons, des distrayants, des intelligents, des jolis, des amusants. Mais aussi des stupides, des répétitifs, des déjà vus, des abrutissants, des frustrants, des énervants, des moches.

Et comme pour le jeu de société (ou quoi que ce soit d'autre), tout dépend de l'usage qu'on en fait. Je connais quelques personnes qui sont à la limite de l'asocialité... à force de faire du jeu de société, et de ne faire que ça. Comme disait manacur un peu plus haut : à son époque c'était la radio. Aujourd'hui c'est la DS. Pour moi ce n'est pas différent : le jeu vidéo ne revêt pour toi ce caractère exceptionnel que parce que tu veux bien le lui accorder. Si on le considère comme un loisir ordinaire, pas de raison que ça parte en vrille plus qu'avec autre chose.

10. Le vendredi, 18 juillet 2008, 08:19 par Merome
Bob : Au-delà du caractère volontairement provocateur de mon billet, je pense avoir compris au moins en partie ce que peuvent trouver certains adultes décérébrés ou non dans ce type de jeux. En l'occurrence, l'article se voulait plus axé sur l'impact de ce type de jeu vidéo sur les enfants. Fort de mon expérience dans le domaine - j'ai suffisamment passé de temps sur l'Atari ST de mon frangin pour parler en connaissance de cause - je sais qu'il y a des jeux qui énervent bien. Je me souviens d'une partie interminable de Gauntlet II avec un pote, ainsi que de longues parties de Rick Dangerous ou autres jeux de plateforme qui m'empêchaient de m'endormir tellement l'excitation et la frustration étaient fortes.
Et, comme je le dis, j'ai l'impression que les jeux DS, dans leur grande majorité, sont de ce type. A cela s'ajoute une différence majeure : la console portable s'introduit dans la vie familiale de façon beaucoup plus vicieuse que mon Atari ST qui n'avait rien de portable. Si l'on n'y prend pas garde, les enfants y joueraient le temps de tourner la page de leur BD, pour pas perdre une seconde, ce que la technologie leur permet. Dès lors, de la même façon que le téléphone portable n'est pas, en soi, plus idiot qu'un téléphone fixe, son utilisation intensive et instantanée rend les choses pénibles.

Concernant l'autorité sur les gosses, j'ignore quelles sont mes compétences réelles. Malheureusement, autorité ou pas, il y a manifestement des choses qui échappent au contrôle des parents. La "pression" de la société, si je m'en accommode bien en tant qu'adulte, par exemple en utilisant pas ou très peu de téléphone portable ou de 4x4 (!), ben quand elle est exercée sur mes enfants, c'est carrément plus difficile à supporter. D'où l'achat des consoles à mon corps défendant, et un certain nombre d'autres sacrifices à la ligne de conduite "idéale" que j'aurais voulu pouvoir garder concernant l'éducation des gosses.
11. Le mardi, 22 juillet 2008, 12:50 par Boub

N'étant pas un grand fan de jeux vidéos et ayant eu une éducation plus ou moins comme celle que tu voudrais donner vis-à-vis de ces "consoles brutissantes", je partage un peu le même avis.
J'ai vu mes trois cousins et ma cousine, dernièrement. Ils ont entre 8 et 12 ans. Les jeux vidéos sont partout, y compris jusque dans la chambre où on trouve la playstation et la télé qui va avec bien sûr.

Je me demande dès lors si les jeux vidéos ne remplacent pas quelque part les parents dans le rôle de l'éducation ?
C'est sûr ça peut paraître plus simple, et c'est surtout beaucoup plus reposant je pense de laisser ses enfants dans leurs chambres à regarder la télé ou à jouer à je-ne-sais-quel-jeu.
Mais en même temps, les parents sont-ils à blâmer quand ils sont contraints de rentrer vers 19h-19h30 chez eux pour commencer par faire à manger et éventuellement s'ils en ont l'énergie s'occuper de leurs enfants ?

C'est un débat qui me semble assez complexe. Il y a d'une part le rôle des parents à étudier, et d'autre part la satisfaction que trouvent les jeunes à préférer jouer sur leur console que faire autre chose.
Les deux sont liés, à mon avis.
Il y aurait beaucoup de choses à dire donc, mais c'est l'heure de manger :)

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