Travailler plus... pour moins voir ses gosses

Il n'y a pas que la météo qui se rafraichit, l'atmosphère professionnelle aussi.

Il est des slogans qui s'inscrivent dans l'air du temps et qui accompagnent des changements sans que l'on sache bien s'ils en sont l'origine ou le reflet.
"Travailler plus pour gagner plus" est sans nul doute une jolie trouvaille de Nicolas Bruni, qui colle bien aux oreilles et ramollit les cerveaux les plus retors.
Hasard ou coïncidence, je trouve que le climat professionnel, et pas que le mien pourtant jadis favorisé, se dégrade au rythme du détricotage du droit du travail. Partout, l'employé épie son voisin et juge son propre labeur par rapport à celui des autres. Le doute s'installe : il ne faudrait pas que tout d'un coup le fainéant ce soit moi.
Alors on trouve toujours plus planqué que soi, quelqu'un qui fait visiblement moins bien son boulot, ou qui en fait moins, ou moins vite. Insidieusement s'installe l'idée que nous avons mangé notre pain blanc, et qu'il faut maintenant se retrousser les manches. La menace écologique et la déplétion pétrolière ajoutent sans doute un peu de stress à tout ça. On risque d'en chier un max d'ici pas tard, on s'y habitue petit à petit en s'auto infligeant des punitions.

Les salariés de Continental ont, dit-on, voté massivement pour un retour aux 39h. Difficile de savoir si c'est pour gagner plus ou simplement pour assurer la survie de leur usine, par rapport à ses "concurrentes". La concurrence, maintenant, c'est aussi celle des autres usines du même groupe. C'est aussi celle de votre voisin de bureau. Nous sommes en concurrence avec nous-mêmes, et c'est nous qui y perdons. Toujours.

Travailler plus, c'est avant tout la meilleure façon de foirer sa vie personnelle. Ceux qui n'ont pas de conjoint n'en trouveront vraisemblablement pas sur leur lieu de travail entre 18 et 21h ou alors ils seront trop occupés pour les voir. Ceux qui sont déjà casés prennent le risque de voir leur femme embaucher un mari intérimaire, le plus précaire n'étant pas toujours celui qu'on croit. Ceux qui ont des enfants s'apercevront, trop tard, qu'une partie des apprentissages fondamentaux et des valeurs acquises par leur(s) rejeton(s) ont été inculqués par une nounou ou des professionnels de l'accueil périscolaire qui défendent d'autres idéaux que les leurs, ont une autre vision de l'éducation qu'eux.

A partir de là, chacun doit se demander régulièrement l'importance de son boulot par rapport à sa "vraie vie". L'importance de l'heure sup, par rapport à la poésie de Maurice Carême à apprendre par coeur. L'importance de l'écran plasma qu'on pourra (peut-être) se payer par rapport au coucher de soleil (gratuit), juste en face de chez soi, derrière les pommiers en fleur. L'importance de ce rapport à finir pour demain au regard du désir qui luit dans les yeux de son/sa partenaire quand on le/la serre dans nos bras.

On oublie trop souvent ce que ne disent pas les slogans politiques.

Commentaires

1. Le mercredi, 19 décembre 2007, 23:12 par Filou

1000 fois d'accord ! Excellent article, difficile de mieux résumer ma façon de penser !

Ps : pas en fleurs les pommiers en ce moment et en plus à 16h28 l'heure du couche de soleil je suis... au boulot :-/

2. Le mercredi, 19 décembre 2007, 23:37 par Stef

Tu devrais signer "Meromantique" ce genre d'article. :)

3. Le jeudi, 20 décembre 2007, 05:40 par mc

"Qui c'est le monsieur/la dame qui m'a apporte la super mega console dernier cri pour Noel?"

"Mais...c'est ton papa/ta maman, mon cheri!"

"Ah? Et je le/la reverrai quand?"

"Pour Noel prochain, si tu es bien sage et que tu travailles bien a l'ecole"

4. Le jeudi, 20 décembre 2007, 07:26 par stripthis

Et si on travaille plus pour que les autres travaillent moins (et gagnent plus) on a le droit de pas avoir de vie sociale ? ;)

5. Le jeudi, 20 décembre 2007, 09:38 par Allonzenfants

Je ne suis pas certain qu'en écrivant ce type d'âneries vous fassiez réellement avancer la cause que vous défendez. A savoir qu'un autre monde est possible où nous disposerions du temps autrement sans nous alliéner au travail ( quand on en a) et qui nous permettrait de mieux vivre collectivement.Et pourquoi les nounous et ceux qui s'échinent à éduquer nos mômes seraient ils mal intentionnés? C'est ensemble qu'on pourra reconstruire quelque chose de mieux! Avec les nounous et les éducateurs...

6. Le jeudi, 20 décembre 2007, 11:06 par raf

@ allonzenfants

Et s'ils étaient, les nounous, les éducs, simplement, débordés, mal formés ou pas (nounous), ce qu'on retrouve par exemple dans la "parasanté" et gériatrie... ?
Quand à ce "type d'âneries", comme vous dites, je l'entends de plus en plus de la part de ceux qui travaillent dans le monde de l'entreprise, common dit... Et ça fait longtemps que je le vois venir, parfois je suis heureux d'être précaire, libre et d'avoir eu la chance de ne pas faire d'études pour me mener, en uniforme-cravate, au bureau...
alors vivre ensemble autrement, sans aliénation, oui, mais en attendant, on a un sacré bon paquet d'aliénés...
salutations.

7. Le jeudi, 20 décembre 2007, 11:23 par marzi

Bah, tant qu'il reste du temps pour blogger, c'est qu'il y a du surplus de temps libre :)

8. Le jeudi, 20 décembre 2007, 11:35 par Merome
Qui a dit que les nounous étaient mal intentionnées ? Certainement pas moi ! Moi je dis juste que je préfère que mon gosse soit éduqué avec mes valeurs, que celles de quelqu'un d'autre, qui sont respectables, sans doute, mais qui ne sont pas les miennes.
9. Le jeudi, 20 décembre 2007, 11:44 par Allonzenfants

Je suis à fond pour le droit à la paresse. Tout est une question de choix. Mais si vous considérez qu'en gériatrie le personnel est débordé, ce en quoi je vous approuve n'hésitez pas même si vous n'avez pas fait d'études à aller leur prêter main forte. Ou créer une association ou ce que vous voulez mais de grâce ne vous en lavez pas les mains sous prétexte que la droite pourrait récupérer votre initiative.Et pour vous garder de toute récupération droitière adhérez à un parti d'extrême gauche. On est forcément quoique vous en pensiez plus fort à plusieurs, avec ceux qui bossent et ceux qui ne bossent pas, enfin ne sont pas rémunérés pour leur travail. Et d'ailleurs on devrait abolir le salariat et que tout le monde ait le droit à un revenu sans contre partie de travail.

10. Le jeudi, 20 décembre 2007, 13:42 par bertrand

Une précision lourde de sens : les salariés de Continental n'ont pas voté pour un retour au 39 ou 40h (ce serait contraire à la loi) mais pour une diminution du salaire horaire. Le but étant de faire baisser suffisement ce salaire horaire pour que les majoration d'heure sup soient ineffective (40h payées 35). C'est donc travailler plus pour gagner moins (plus d'heure, donc plus de frais (transport, garde d'enfants...).
C'est le progrès !

11. Le jeudi, 20 décembre 2007, 14:21 par Kuk

Beau texte.

Ah! pour Allonzenfants fr.wikipedia.org/wiki/Tro...

12. Le jeudi, 20 décembre 2007, 14:22 par Stef

@ Allonzenfants :
"Et d'ailleurs on devrait abolir le salariat et que tout le monde ait le droit à un revenu sans contre partie de travail."

Je n'arrive pas a cerner si c'est du second degré et dans ce cas quel en est le message ou si c'est sérieux et dans ce cas je serais curieux de voir un développement de l'idée vers quelquechose de concret et viable ?
Pas travailler pour gagner pareil ? C'est sûr que ça m'intéresse carrément mais je pense pas que les autres soient d'accord :)

13. Le jeudi, 20 décembre 2007, 15:22 par Dodo2012

Entièrement d'accord avec vous, vous parlez de nounous, quand ils ont la chance d'en avoir, sinon ils peuvent s'éduquer dans la rue avec le succès qu'on connait... Il viendra nous parler de racaille après...

14. Le jeudi, 20 décembre 2007, 16:14 par Merome
Stef : Un salaire sans travail, ça s'appelle le Revenu Minimum Garanti, je crois et c'est une idée qui fait son chemin. Je ne me prononce pas, par contre, sur son applicabilité. Je t'invite à lire le blog de Jean Zin qui en parle régulièrement et qui fait aussi une revue de presse régulière des nouveautés scientifiques assez pointue. Tout ça pour dire que ce n'est pas juste un idéaliste quelconque et qu'il a un poil de crédibilité à mes yeux : http://jeanzin.fr/index.php?2006/04/05/41-la-revolution-du-revenu-garanti
15. Le vendredi, 21 décembre 2007, 09:30 par FoncFum4x4

Ce qui me frappe en ce moment c'est à quel point tout le monde semble admettre que les choses doivent aller plus mal, qu'il faut faire des sacrifices.
Comme le libéralisme ne suffit plus à expliquer cette exigence de sacrifices, on fait appel à l'écologie. Tout se passe comme si le but de la sociéte étais d'empêcher le progrès social.

16. Le vendredi, 21 décembre 2007, 09:47 par Merome
Ceci dit : ce que l'écologie va sacrifier en premier, c'est la croissance économique. Donc je doute que cela soit une "manoeuvre" des libéraux. Et donc les 4x4 de ton pseudo, il faudra oublier...
17. Le vendredi, 21 décembre 2007, 20:56 par FoncFum4x4

je ne prétend pas qu'il y ai un complot entre écolo et libéraux, je remarque juste que ces deux systèmes ne s'oppose pas comme on aurait pu s'y attendre.
De plus on ne manque pas de pétrole pour rapatrier les produits fabriqués à l'autre bout du monde, ni pour demander plus de mobilité aux employés.
Quant au 4x4 de mon pseudo, je n'en possède pas, c'est pur provoque, car je trouve amusant que les conducteurs de 4x4 soit considérés comme la cause de tout les malheurs du monde.

18. Le samedi, 22 décembre 2007, 22:19 par alex

Le cas de continental est un peu particulier. Mais le slogan travailler plus pour gagner plus nous oblige en rien à faire des heures supp.

Je suis un peu du meme avis que Merome. Je trouve inutile de faire des heures pas possible, d'aller à droites et à gauches n'importe ou dans le monde pour gagner ses 70-100K€. Ce n'est pas ce que je souhaite faire...

Merci à Merome, que c'est pas que lorsque est jeune parent que avoir du temps libre pour soit est quelques choses d'appréciables ...

On parle toujours des couples avec enfants, mais lorsque l'on est célibataire, c'est fort appréciable d'avoir une vie apres le boulot : soirée after work, soirée salsa, pub, .... Lorsque l'on est célibataire, on a une certaine liberté, il faut justement en profiter au maximum.

19. Le samedi, 22 décembre 2007, 23:18 par Agaagla

tout à fait d'accord avec ta vision des choses Mérome... J'exerce pour ma part un métier qui envahit suffisamment mon temps libre (à tel point que je ne me déplace presque jamais sans mes affaires lorsque je vais voir parents et amis) (bien que certains me considèrent comme une fainéante... m'avez-vous reconnue ?) et je sais pour l'avoir déjà expérimenté que plus, c'est trop. On a besoin d'en sortir et de vivre vraiment, de prendre le temps de se poser. Travailler plus, vraiment, je crois que pour beaucoup de gens cela signifie ne plus rien faire d'autre. Alors non. Parce que le reste, le temps passé à s'écouter, à partager avec ceux qu'on aime est trop fondamental.

20. Le dimanche, 23 décembre 2007, 11:48 par Stef

Merome, l'article de ton lien brasse beaucoup d'air pour pas grand chose de concret...
Je reste (vilain capitaliste obtus) sur une impression de gentille utopie.

Mais pour en revenir a ton article sinon, ma vision du travail va moi aussi vers une recherche d'équilibre entre travail/revenu et temps libre/loisirs/famille.
Pas toujours facile a gérer et a équilibrer entre les obligations et la motivation... ;)

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