Je déteste les scénarios qui ne tiennent pas debout. Je veux dire, ceux qui sont présentés comme de véritables intrigues avec un dénouement surprise à la fin, qui s'avère être en contradiction totale avec tout ce qu'on nous a montré (écrit) auparavant.
Dernier exemple en date, qui m'a poussé à écrire cet article, le film argentin intitulé Les neuf reines, que j'ai visionné la semaine dernière. Le film raconte vingt-quatre heures de la vie de deux escrocs, qui s'associent temporairement pour réaliser un coup à plusieurs centaines de milliers de dollars.
Attention à partir d'ici, mes propos peuvent dévoiler des éléments du film qui pourraient vous gâcher son visionnage
Le film n'est pas désagréable à regarder, dans l'ensemble, et on sent très vite que la collaboration entre les deux malfrats va tourner court, à cause de la trahison de l'un des deux protagonistes. Evidemment, comme on nous présente l'un d'eux très naïf et l'autre sans scrupule, on imagine bien qu'à la fin, c'est le plus vil des deux qui va se faire abuser.
Du coup, on regarde attentivement évoluer le naïf, pour voir à quel moment il va se décider à escroquer son complice et comment il va s'y prendre. Bien sûr, pour maintenir l'intrigue du film intacte, le plus tard est le mieux, et c'est là que le(s) scénariste(s) a (ont) été poussé(s) à la faute. Sous prétexte de faire un coup de théâtre magistral à la fin, le scénario triche avec le rôle des personnages.
A un moment donné, on voit en effet notre escroc naïf s'interroger sur les suites à donner à ce coup en préparation. Il est question de gagner plusieurs centaines de milliers d'euros, mais pour y parvenir, il lui faut débourser une mise initiale représentant toutes ses économies, qu'il gardait pour sortir son cher père de prison. Un père qui l'invite surtout à ne pas commettre cette erreur, par ailleurs. On le voit donc errer, hésitant à débourser cet argent au risque de tout perdre, pensant à son père, qu'il aimerait sortir de prison, mais qu'il sait hostile à ce genre de pratique...
Cette dramatique scène d'hésitation et de doute tombe complètement par terre à la fin du film, lorsqu'on apprend que notre faux-naïf avait monté l'affaire de toutes pièces et que cet argent qu'il hésitait tant à dépenser allait juste temporairement dans la poche d'un de ses complices, et qu'il allait donc le retrouver à la fin, intact.
Sciemment, le scénario nous fait donc croire que le personnage lui-même ne sait pas ce qu'il va faire alors qu'il a tout préparé. C'est une erreur scénaristique qui se présente malheureusement fréquemment dans les films et séries policières, lorsqu'il y a plein de suspects pour un seul crime.
Le plus souvent, on remarque à la fin que le coupable lui-même ne savait même pas qu'il avait tué. Un comble. Il faut que ce soit l'inspecteur qui lui apprenne.
Ce type d'énormité scénaristique ne date pas d'hier, et ne se limite pas à la télévision. Sous réserve que ma mémoire ne me joue pas des tours, car cette lecture date d'il y a une quinzaine d'années, le célèbre roman "Dix petits nègres" d'Agatha Christie (1939) présente le même défaut. Alors que les personnages disparaissent un à un, et que l'étau se resserre donc sur le coupable, qui manifestement sera le dernier vivant, on se rend compte que le meurtrier balise chaque soir pour sa propre vie, alors que c'est lui qui va commettre le crime quelques heures plus tard.
Seulement voilà, si le roman décrivait la trouille de chaque personnage, sauf un qui est le coupable , on saurait dès la page 12 qui a tué, ce qui nuirait sensiblement à l'intérêt du bouquin.
J'ai développé à la longue une sorte d'allergie à ces scénarios à la gomme. A la fin des Neuf reines, j'étais donc passablement énervé par le dénouement, d'autant que les incohérences du film ne s'arrêtent pas au détail que j'ai décrit ci-dessus. Si c'est pour se taper ce type de scénario, autant regarder Matrix ou Le Caire Nid D'espions. Au moins, c'est drôle.
Commentaires
Allons bon, moi qui ai adoré ce film... Il va falloir que je le re-re-revoie, mais je n'ai aucun souvenir d'avoir été marqué par une incohérence particulière dans le scenar...
Bah clairement je me le repasserai à l'occasion (comprendre : probablement pas avant au moins un an, vu que certains des trucs de la pile-à-regarder ont bientôt cet âge-là) avec ton avis à l'esprit.
Mais pour autant que je me souvienne, tout le cinéma du jeune sur son père, la prison, etc n'est justement que ça : du cinéma pour faire marcher le vieux.
Et sinon, Totoro ?
Ouh ! Attention merome, c'est bientôt pour toi TELERAMA
merome, le grand critique de cinéma.
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