End of suburbia

Le réchauffement climatique qui devient très médiatique éclipse un peu un certain nombre d'autres problèmes écologiques ou de société qui sont pourtant tout aussi urgents et importants. On aurait tôt fait de croire que le seul soucis est de réussir à maitriser nos émissions de CO2 pour se sortir du marasme dans lequel on baigne. Grave erreur.
Un malheur n'arrivant jamais seul, l'inconscience des Hommes va nous mener rapidement dans une situation assez intenable, je vous explique :

Je vous recommande le visionnage du documentaire en quatre parties intitulé End Of Suburbia, sous titré en français par un moldo-slovaque option turc médiéval, mais bon, c'est compréhensible. Ce documentaire traite de l'après-pétrole, une espèce de légende qui traine depuis des décennies sans qu'on sache véritablement si c'est grave, si c'est bientôt, si c'est ma faute, sissi impératrice.

Le pic de Hubbert :

Hubbert est un géophysicien américain mort en 1989 qui a démontré dans les années 40 que l'extraction de pétrole suivait une courbe (La courbe de Hubbert) en forme de cloche :

Source Wikipédia

C'est à dire que dans chaque puits de pétrole les premiers litres sont difficiles et donc chers à extraire, puis on arrive dans le gros de la ressource avec une certaine facilité, jusqu'à épuiser la nappe et les dernières gouttes sont évidemment extrêmement difficiles, et donc chères à extraire.
Si l'on applique cette théorie à l'ensemble des puits de pétrole dans le monde, qui suivent donc tous le même modèle, il est évident que la production mondiale de pétrole va suivre la même courbe.
Cette courbe connait donc un pic, ou plutôt un plateau, qu'il est assez difficile de placer dans le temps, car les réserves de pétroles sont une donnée stratégique que les pays producteurs refusent (quand elles peuvent l'estimer) de fournir.
Hubbert avait prédit que la production américaine connaitrait le pic en 1970, ce que personne ne crut jusqu'en 1971 où la production américaine commença effectivement à décliner.

Les scientifiques s'accordent à dire que le pic mondial a eu lieu, ou aura lieu entre 2000 et 2020, en gros. Bref, c'est demain (ou hier, c'est selon).

Il faut bien avoir en tête qu'à partir du moment où le pic est dépassé, chaque baril produit coûte plus cher que le précédent. Ce qui ne se traduit pas immédiatement pour nous en une augmentation du prix de l'essence et des produits dérivés du pétrole, car le prix final est fortement influencé par les taxes et le contexte géopolitique international. Par contre, on peut-être certain qu'à terme, le pétrole va augmenter de façon conséquente, jusqu'à devenir simplement prohibitif pour l'usage courant que nous en faisons et ceci à un horizon proche, avant la fin du siècle. Nous allons connaître ça.

Sans pétrole, on fait quoi ?

C'est là que ça devient rigolo. Nous avons vécu une période où le pétrole coûtait quasiment moins cher que l'eau potable à extraire. Il eût été dommage de ne pas exploiter toutes les possibilités de ce produit, qui a d'innombrables qualités. Il est facilement transportable, il est stable et donc non-dangereux, il a des capacités énergétiques incroyables, c'est un fluide que l'on peut faire passer dans des tuyaux, des conduites, que l'on peut diluer, traiter, raffiner très facilement et à moindre coût. Aucune autre source d'énergie ne possède toutes ces propriétés. Aucune.
Dès lors, on a trouvé des tas de bonnes raisons de gaspiller du pétrole dans nos activités de tous les jours. Jusqu'à modifier carrément l'urbanisme et les habitudes de vies. Et nous autres, trentenaires et plus jeunes, on n'a jamais connu que ça.

Le documentaire cité en lien ci-dessus s'attarde sur un phénomène précis aux Etats Unis, que l'on a reproduit à plus petites échelle en France, qui est l'étalement des habitations dans des zones "sub-urbaines", sortes de gigantesques banlieues constituées d'immenses lotissements de maisons individuelles, avec un lopin de terre autour.
Le coût du carburant étant faible, et comme il fallait bien écouler tout cet or noir, les compagnies pétrolières et autres grands groupes ayant des intérêts dans l'affaire, ont poussé l'expérience à l'extrême, éloignant les habitants de leur lieu de travail de plusieurs dizaines de kilomètres, parfois une soixantaine ou plus, en prétextant une qualité de vie à la campagne sans commune mesure avec la vie citadine.

Loin du travail, loin des commerces, loin des voisins, mais tranquilles... Tant que l'énergie bon marché le permet.
Les alternatives aux pétroles n'existent pas. Le documentaire cite le nucléaire, le gaz naturel, l'hydrogène, les énergies renouvelables, ... et explique en quoi tout cela ne pourra jamais remplacer le pétrole. Le nucléaire est trop cher et instable, le gaz naturel est encore plus limité en ressources, l'hydrogène ne s'extrait qu'avec... du gaz naturel en consommant plus d'énergie que la production finale, les énergies renouvelables sont toutes discontinues (le vent tombe, le soleil se cache...). Bref, il n'y a pas moyen de trouver quoi que ce soit à mettre dans nos réservoirs dans vingt ou trente ans.

Et pourtant, personne n'en parle !

Il faut bien reconnaître que, bien que l'échéance soit relativement proche, quelques décennies au plus, et que nous soyons ultra-dépendants du pétrole, pas grand monde ne s'affole. Un peu d'ailleurs comme au sujet du réchauffement climatique ne serait-ce qu'il y a cinq ans. Tout le monde s'en contre-branlait. Tout au mieux, les médias nous passent des sujets vantant les bio-carburants, en occultant que l'agriculture est une grande consommatrice de pétrole (machines, pesticides et engrais sont à base de pétrole) et que les surfaces agricoles nécessaires à un remplacement du pétrole par du bio-carburant dépassent de loin les surfaces disponibles.

La ressource s'apprêtant à manquer, il serait judicieux de se poser les bonnes questions dès aujourd'hui : comment s'en passer ? à quoi vont servir les dernières gouttes de pétrole : à chauffer des maisons ou à un grand prix de Formule 1 ?
Au lieu de ça, l'état d'esprit qui domine est : comment faire pour être le dernier à avoir du pétrole dans le monde. Ce qui donne un relief particulier aux dernières guerres menées par les Etats-unis, pour chasser du Saddam aux armes de destruction massive introuvables ou du Ben Laden encore plus introuvable.

Un certain nombre de sceptiques remettent également en cause la théorie même, comme en 1970, où personne ne croyait Hubbert. S'appuyant sur des arguments un peu fallacieux : "ça fait dix ans qu'on nous prédit la fin du pétrole", "quand le pétrole sera plus cher, d'autres gisements non rentables aujourd'hui seront découverts", "la technique nous sauvera et trouvera un moyen de nous déplacer autant qu'aujourd'hui".
Je crains qu'ils se gourent sévèrement. Nous sommes aujourd'hui sur le "plateau" de la courbe. Il ne se passe rien et c'est normal. La chute sera en revanche vertigineuse très rapidement. Les gisements non rentables resteront chers et il ne s'agit pas de croire qu'un jour, il n'y aura plus de pétrole, mais bien qu'il sera à un tel prix que son utilisation quotidienne sera totalement impossible pour le commun des mortels. Quant à la technique, elle ne peut rien sans source d'énergie continue, bon marché, et facilement exploitable.

Dans le meilleur des cas, l'ensemble des énergies alternatives au pétrole nous permettra de continuer de nous déplacer et nous éclairer. Mais dans des proportions qui n'ont rien à voir avec celles d'aujourd'hui !

Comment s'y préparer ?

Simple : imaginez une journée sans pétrole. Donc, pas d'avion, pas de voiture, moins d'électricité (le nucléaire nous permettra de tenir mieux que d'autres, mais à quel prix ? Et serons-nous capables d'assurer l'entretien des centrales sans la croissance forte rendue possible par le pétrole ?), pas d'engrais ni pesticides pour les légumes, moins de viande (1kg de boeuf = 2 à 3kg de pétrole)... Remarquez du coup que ça va régler le problème de nos émissions de CO2... Si on ne se rabat pas sur des énergies abandonnées pour leur pollution, comme le charbon !

Il faut donc réduire notre consommation, nos déplacements, nos exigences. Dès maintenant. Déjà parce que ça nous habitue à ce qui nous sera imposé dans quelques décennies, d'autre part, parce qu'on réservera l'énergie bon marché aux choses les plus utiles à l'Homme. Essayez-de vous approvisionner localement, plutôt qu'au supermarché du coin. Mutualisez vos efforts et vos appareils quand cela est possible (covoiturage), imaginez déjà des solutions de production d'énergie individuelle dans votre logement ou votre futur logement.
Et puis éteignez la télé. Ça consomme !