Et maintenant, Nicolas, montre-nous le chemin !

Depuis plus de dix ans que tu prépares ce moment, nous avons eu l'occasion de te voir dans les pires moments comme dans les meilleurs. Nous avons apprécié ta fidélité d'abord, ta capacité à trahir ensuite, tes traversées du désert, tes retours en force. Petit à petit, tu as construit autour de toi, avec un talent que je ne saurais réfuter, une société à ton image, que je crois individualiste, liberticide, voire dangereuse pour la démocratie elle-même.

Pourtant, 24h après le résultat, je condamne sans appel les débuts d'émeute qui ont déjà eu lieu, et te souhaite le courage d'en venir à bout pour que l'on puisse voir, vraiment, si ton programme est réalisable ou non, et s'il est finalement bon pour la France et pour les français.

J'ai écouté avec attention ton discours, dimanche soir, il était de fort bonne facture, rassembleur, fédérateur... Tu y a repris des thèmes qui me sont chers, comme le thème écologique, avec la force et la détermination nécessaire. Tu as été humble et respectueux envers tes électeurs comme envers ceux qui, comme moi, avaient donné leur voix au camp d'en face. J'espère que ce discours te caractérise bien, car alors tous le soucis que se sont fait les anti-toi était bien inutile, voire contre-productif.

Malheureusement, je reste sceptique sur un certain nombre de points qui se trouvent constituer ce qu'on appelle un programme. Sur la forme et le discours, il n'y a quasiment aucun problème, mais sur le fond, il y a deux ou trois choses qui mériteraient d'être éclaircies, par exemple :

- Comment vas-tu t'y prendre exactement pour enrayer le réchauffement climatique, si dans le même temps tu veux relancer la croissance ? Sais-tu que, jusqu'ici en tout cas, toute croissance a engendré une augmentation des émissions de CO2 proportionnelle ou presque ? Qui sera ton vice-premier-ministre de l'écologie, prévu par le pacte écologique que tu as signé ? Comment envisages-tu de réduire l'usage de la voiture massivement ? Sais-tu que le nucléaire, s'il présente des avantages intéressants en matière d'émissions de CO2 qui pourraient nous permettre de réduire notre consommation en évitant une crise majeure, a bien d'autres défauts qui échappent à la durée de ton mandat, et même à notre espérance de vie à tous ? Est-ce bien raisonnable de confier à nos générations futures ce problème, sans savoir à l'avance s'ils auront les moyens de le résoudre ?

- Comment vas-tu contenter ton électorat populaire, qui a voté pour toi par conviction pour la "valeur travail", alors que tu t'assied déjà sur cette valeur en défiscalisant l'héritage ? En abaissant le taux du bouclier fiscal ? Les personnes concernées par ces mesures sont-elles des exemples à suivre en matière de "valeur travail" ?
Dans le même temps, comment vas-tu leur expliquer la mise en place de la franchise médicale, qui empêchera vraisemblablement les plus pauvres d'avoir accès aux soins de base ?

- Comment vas-tu régler les problèmes sociaux, soi-disant apportés par les 35h. Par exemple, à l'hôpital, si tu ne reviens pas sur les 35h, ni n'embauche de fonctionnaires, quelle est ta solution ?

- Comment vas-tu assouvir l'apparente soif de démocratie des français, qui se sont appropriés le TCE, puis qui ont massivement participé à l'élection présidentielle ? Vas-tu leur offrir un choix moins manichéen que le clivage gauche-droite désuet et qui a montré ses limites en 2002, en 2005 et dans une moindre mesure en 2007 avec le score de Bayrou et le vote utile frustrant ? Comment vas-tu contenter ceux qui sont d'accord avec toi sur l'économie, mais pas sur le traitement de l'insécurité ? Ou l'inverse ?

- Comment vas-tu désamorcer la menace de la délinquance, après l'avoir à ce point attiser ? En stigmatisant, en sectarisant, parfois même en insultant les protagonistes sous prétexte de fermeté, n'as-tu pas fait augmenté les violences aux personnes ? As-tu, lors de tes deux séjours à l'Intérieur, eu l'impression d'obtenir une quelconque amélioration, entre nous, sans truquer les chiffres ?

- Comment peux-tu être aussi naïf, de croire qu'un ouvrier, un employé, choisit lui-même le nombre d'heures qu'il souhaite effectuer, en fonction de ses besoins de trésorerie personnel ? As-tu conscience que d'une part certains ne souhaitent pas travailler plus pour gagner plus, et d'autre part que certains voudraient simplement travailler, si c'était possible, et que pour eux ce leitmotiv est difficile à entendre ?

Je suivrai ton action avec attention, sans a priori, mais sans concession. J'essaierai d'être objectif, autant que mon ridicule engagement sur ce blog le permet. J'aimerais sincèrement que tu réussisses là où d'autres ont échoué, et que tu me fasses mentir quitte à passer pour l'un de ceux qui a blogué "au loup".
En un mot, j'attends que tu nous montres la voie, car je ne peux croire que la passion qui t'anime depuis tout ce temps n'est pas le fruit de la conviction profonde de pouvoir changer les choses. Aujourd'hui, tu as toutes les cartes en main, alors fais-le, et sans attendre.