Le fond de la campagne, tel que le perçoivent les médias dominants, ce sont les sondages, et rien d'autres.

Au risque d'enfoncer une nouvelle fois des portes ouvertes, ou de faire la bien-pensance à bas prix, nous assistons une fois encore à une parodie de campagne électorale, ultra-contrôlée par les médias. Pire que ça, ce sont les médias qui créent les évènements qu'ils commentent, en s'auto-satisfaisant de leurs scoops à deux balles.

A la base de la manipulation : des sondages d'opinion. C'est à peu près ce qui se fait de mieux avant le micro-trottoir. Prenez une photographie d'un brin d'herbe en mode macro devant chez vous, publiez le cliché et dites "Le monde, c'est ça", avec un air suffisant. Vous aurez alors une bonne idée de l'escroquerie intellectuelle qui résulte de l'exploitation qui est faite de ces "enquêtes".

Parce que non seulement, à la base, le sondage d'opinion est une méthode très imparfaite pour estimer les rapports de force (par exemple, le vote Lepen est rarement avoué aux sondeurs, les instituts doivent y affecter un coeficient correcteur), mais en plus de ça, les chiffres à moitié faux qui en sortent sont commentés de travers par une presse qui ne se relit visiblement pas, une télévision qui ne se re-regarde pas, une radio qui ne se réécoute pas.

Prenons deux exemples plus ou moins récents, mais il en sort des pelletés chaque semaines :

Malgré Villepinte, Ségolène Royal ne séduit pas
C'est le Nouvel Obs qui titrait ainsi le 14/02 dernier. Suite à l'annonce de son programme, Ségolène Royal était attendue au tournant et l'objectif du sondage, à la base, c'était de savoir si elle avait convaincu.
Le sondage complet est disponible ici. On y voit que 77% des français n'ont pas changé d'avis suite à ce meeting de Ségolène Royal Villepinte. Pour un cerveau de journaliste, cela est suffisant pour affirmer que ces gens n'ont pas été séduits. Sauf que dans les 77% qui ne changent pas d'avis, il y a ceux qui adoraient Royal avant, et qui continue de l'adorer ensuite. Ainsi que ceux qui la supportaient, sans aller jusqu'à l'adorer, déjà avant et qui n'ont pas changé d'avis non plus.
Bref, dans les 77%, il y a des séduits !
Le reste du sondage nous indique que le nombre de gens qui ont changé d'avis en bien est presque trois fois supérieur au nombre de gens qui ont changé d'avis en négatif (16% contre 6%). Près d'un électeur sur deux trouve le programme de Ségolène convaincant et innovant, dit également le sondage. Des informations qui sont quand même reprises dans l'article du Nouvel Obs, mais sous un titre honteusement raccourci et vraisemblablement partisan.

Pour 56 % des Français, Sarkozy fait les bons choix
C'est un titre du Figaro cette fois, en juin 2006 en se basant sur un sondage BVA-Le Figaro-LCI, qui apportait également d'autres enseignements qu'on ne trouvait bizarrement pas dans l'article. Par exemple le fait que 81 % des sondés attribuaient l’insécurité à la dégradation des conditions de vie et à la pauvreté et que les médias créaient le sentiment d’insécurité pour 73 %...

A la lecture de cet article, d'où j'ai tiré ce second exemple, tout devient plus clair. En choisissant convenablement les questions et le moment où l'on fait le sondage, on peut considérablement faire varier l'opinion. Le sondage sur l'après Villepinte a été fait quelques heures seulement après le discours de Royal, alors que peu de français avaient connaissance de son programme, et aucun ne l'avait complètement assimilé. De la même manière, si vous faites un sondage sur l'insécurité après un fait divers dramatique, la compassion des sondés va faire grimper les stats favorables à la dérive sécuritaire.
Pire : les sondages, précédés des dépêches AFP la veille, en guise de teasers, font grimper les ventes, et donc augmenter les revenus publicitaires des journaux qui les publient.
Dimanche, Ségolène Royal prononce son discours que tout le monde attendait pour "qu'on puisse enfin connaître son programme" (bien que le programme du PS était en ligne depuis des lustres, et que la méthode Royal était accessible sur Désirs d'avenir".
Lundi, l'UMP attaque sur le coût des mesures, relayé immédiatement par toute la presse qui ne s'intéresse bizarrement toujours pas "au fond".
Mardi, un sondage IFOP enfonce le clou en donnant Sarko largement en tête. Laurence Parisot, présidente du MEDEF est aussi à la tête de l'IFOP. Le sondage a été commandé par Paris Match, dirigé par Arnaud Lagardère, ami intime de Nicolas Sarkozy...

Je vous laisse imaginer la peine des petits candidats dans cet enfer médiatique. Le PS a lui aussi quelques relais qui lui permettent de faire ce genre de pirouettes médiatiques, je ne m'inquiète pas trop pour lui.
Ce qu'il faut retenir, par contre, c'est que les sondages n'occultent pas le fond de la campagne, puisque pour les médias, les sondages sont le fond. Et même, le fonds de commerce. Pour nous, par contre, cela reste des fonds de tiroir...

Commentaires

1. Le dimanche, 18 février 2007, 21:00 par pierre

Salut,

Lire d'urgence le MARIANNE de cette semaine en particulier "la vérité sur la dictature médiatique"...Décidément, je ne peux plus me passer de cet hebdo qui m'éclaire de plus en plus sur le paysage politique actuel...

Bonne soirée.

2. Le dimanche, 18 février 2007, 21:58 par Raf

Tout à fait d'accord avec toi Mérôme sur le niveau particulièrement rase moquette de cette campagne présidentielle dans les médias. Pour en rajouter une couche sur les sondages, l'autre jour il y avait Séguéla sur France Inter qui expliquait que:
- 5 à 15% des gens se décident dans le bureau de vote
- les électeurs ne retiennent que les 4 dernières semaines de campagne et ne se décident donc que là-dessus
- en 2002 Jospin l'avait appelé le dimanche 21 avril à 11h du mat, en lui disant "J'ai les premiers sondages sorties des urnes, je suis à 18.5%, Chirac a 18% et Le Pen 14"!

3. Le lundi, 19 février 2007, 15:19 par Filou

Personnellement, je porte aucun crédit aux sondages d'opinion (et pourtant j'suis un peu dans la branche, c'est p-e pour ça d'ailleurs que je ny prête aucune attention ^^), je regarde vite fait quelques émissions où les candidats ou leurs porte-parole sont invités pour écouter ce qu'ils ont à dire et au final ma décision se dessinera toute seule à la lecture attentive des programmes que je recevrai dans ma boite aux lettres (courant avril ?)

4. Le lundi, 19 février 2007, 16:58 par Steh

Je ne sais jamais pour qui voter. Je n'ai pas la patience d'ecouter les emissions politiques... et entendre les politiciens critiquer ceux d'en face.
Meme quand ils parlent pour eux, ca sonne creux, vide.

au final, je dresse une liste pour ceux qui ne faut pas voter. bon tout de suite... la liste est plus longue.

alors... voter un petit politicien au premier tour et voter contre Le Pen au second? Pfff. Y a pas Nicolas Hulot finalement? on peut pas voter pour lui sans son accord par exemple? non... je reviendrai alors.

5. Le mardi, 20 février 2007, 08:46 par Bob

Tu as tout à fait le droit de te faire un bulletin Nicolas Hulot pour le mettre dans ton enveloppe le mois prochain. Bon il ne sera pas pris en compte, mais après tout ce n'est pas beaucoup plus idiot qu'autre chose :p

6. Le mardi, 20 février 2007, 11:34 par Filou

Voter pour un petit parti qui ne nous rebute pas c'est toujours moins pire que voter blanc ou nul (ou ne pas voter). Car dans ce systeme à la con où même les votes blancs ne sont pas comptabilisés l'abstention profite forcément aux candidats que je qualifierai de dangereux.

J'ai fait une petite simulation, élections avec abstention (nul + blanc) et sans abstention :
Sans abstention : 5 candidtats (A, B, C, D, E) et 100 votants.
Candidat...........Voix...........Pourcentage
A.................25................25%
B.................25................25%
C.................20................20%
D.................10................10%
E.................10................10%

Avec abstention au détriment des "petits" candidats :
Candidat...........Voix...........Pourcentage
A.................23................33%
B.................23................33%
C.................18................26%
D.................3................4%
E.................3................4%
Et après ils nous sortent que y'a eu 30 voix d'abstention, soit 30%, le taff normal quoi...

Conclusion : le résultat global change rien, càd c'est pas votre petite voix pour un petit candidat qui changera le résultat mais vous aurez limité le score de ceux que vous pouvez pas vous encadré.
En bref, à voter contre un candidat, autant voter pour un petit, ça aura plus d'effet que de voter blanc ou ne pas voter

7. Le vendredi, 23 février 2007, 15:50 par wolfgang Amadeus

de toute façon moi je vote le pen
car je veut que la france change
sa devient n'importe quoi meme les jeu en ligne devienne payant

8. Le vendredi, 23 février 2007, 19:20 par Filou

oufff avec Le Pen, c'est sur qu'il redeviendront gratuit, bah ui ca c'est sur ...

9. Le mardi, 6 mars 2007, 16:58 par piquecul

Méfiance wolfgang, méfiance Ce gars là aurait tendance à sortir son revolver quand il entend parler de musique classique. Ach elles et pien ponne nous faire croir que avec le borgne ca fa chancher surtou l'ortograff.

10. Le mardi, 6 mars 2007, 17:53 par Dedalus

quand on touche le fond, il est nécessaire de relever la tête. c'est ce que propose l'initiative citoyenne "Les sondages nous mentent, nous mentons aux sondeurs" sur www.tousmenteurs.fr

participez et puis diffusez, diffusez, diffusez...

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1. Le mardi, 6 mars 2007, 12:52 par Le Monolecte

Sondomythes

Les sondages et l'opinion publique, c'est un peu comme l'?uf et la poule, il est pratiquement impossible de déterminer lequel des deux fabrique l'autre. Ainsi vais-je clore mon tryptique sur la confiscation démocratique, après le vote utile et

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