Faisons appel à nos connaissances en management, gestion de projet et qualité pour réfléchir à l'amélioration continue de la politique.

Un certain nombre des lecteurs de ce blog a déjà été en contact dans son entreprise avec ce qu'on appelle généralement une "Démarche Qualité". Parmi eux, je salue "100", qui commente régulièrement ce blog et qui, je le sais, est particulièrement impliqué dans ce genre de démarche. Qu'il n'hésite pas à me corriger ou à compléter mon analyse, comme d'habitude surfaite.

La démarche qualité, qu'est-ce au juste ?
Volontairement, je vais donner ma perception de la chose au lieu d'une définition officielle qu'il me serait facile de trouver sur l'un ou l'autre site.
La qualité est donc une méthode de management qui vise l'amélioration continue dans le respect des standards du marché. C'est assez vague, mais c'est fait exprès pour que cela puisse s'appliquer à tout et n'importe quoi, de l'usinage de la plus petite pièce à la conduite d'un projet de tunnel (étanche) sous l'Atlantique pour relier Paris à New York en 1h.
Ceux qui y ont touché vous le diront : c'est énormément de paperasse, une impression continuelle de gacher du temps à des futilités administratives pour des résultats somme toute décevants.
Malgré tout, je n'arrive pas à m'enlever de l'idée que l'intention est louable, et qu'il ne manque pas grand chose pour que cela soit un véritable outil efficace, puisque toute la qualité s'appuie sur le bon sens.

Le "système qualité" est l'ensemble des rouages qui vont permettre à la démarche de fonctionner. Il intègre notamment les fameuses "procédures", une sorte de graphe immonde qui est censé permettre à un novice de prendre son poste les doigts dans le nez avec un minimum de formation. Elles servent aussi de référentiel pour détecter les anomalies éventuelles, et les corriger. Pour que tout cela fonctionne, il faut bien d'autres documents et stratagèmes dont je ne vais vous énumérer que celles dont je me souviens et dont je souhaite parler ici :

L'engagement de la direction : C'est tellement évident qu'on n'y aurait pas penser. Si la Direction ne s'implique pas dans le bazar, alors elle aura beau jeu de dire que ça fonctionne pas bien. On lui demande donc de rédiger un engagement formel et signé, qui doit être visible de tous.

Le client : Toute démarche qualité doit avoir un client que l'on va chercher à satisfaire. Le choix du client n'est pas anodin et pas si facile qu'il n'y parait : bien souvent une entreprise a des clients de différentes natures. Un fournisseur peut éventuellement être un client dans une démarche qualité. Le client peut-être interne, ou externe à l'entreprise. On voit régulièrement un service particulier se "certifier", et les autres services deviennent ses "clients".

Les objectifs : Comment satisfaire le client ? Est-ce en lui offrant un produit meilleur ? Moins cher ? Disponible plus rapidement ? C'est là aussi un paramètre important de la démarche, qui va transpirer dans toutes les procédures.

Les indicateurs : Une fois l'objectif fixé, il convient de mesurer si l'on s'en approche, et pour cela trouver l'indicateur pertinent. Un indicateur est toujours difficile à trouver. Et il est toujours imparfait. C'est comme ça. Je dirais que c'est le point faible de toute la démarche : on peut avoir une démarche qualité qui tourne comme sur des roulettes mais avec des indicateurs qui n'indiquent rien.

L'amélioration continue : Cette notion permet de s'assurer que lorsqu'un dysfonctionnement est détecté, une réponse est apportée. Pour ceux qui ont vu les Choristes : Action => Réaction !

Les auditeurs : Vulgairement appelé les flics, ils vont vérifier que les procédures sont correctement appliquées et dans le cas contraire faire remonter le dysfonctionnement. Le tout en expliquant que ce n'est pas du fliquage, non non, c'est pour votre bien et tout et tout. Il se trouve que je suis auditeur... niark niark...

La réunionite aigüe : Revue de direction, comité technique, réunions d'auditeurs, réunion d'élaboration des procédures, revue des processus... Toutes ces réunions sont INDISPENSABLES. C'est tout !

Venons-en maintenant à l'objet de cet article : le gouvernement ISO9001:2000, ou comment pourrait-on appliquer La Norme au projet d'envergure nationale qu'est la direction d'un pays comme la France ?
D'abord, admettons que ce n'est pas complètement idiot de l'imaginer. Des tas d'administrations se mettent à la Qualité, je ne vois aucune raison pour que cette méthode réputée ne soit pas appliquée aux plus hautes sphères de l'Etat. Je trouve même ça d'une logique implacable.
Reprenons nos items ci-dessus en les adaptant à l'Etat français :

L'engagement de la Direction : La direction, ici, pourrait être représentée par le Président et/ou le Premier Ministre. Son engagement est matérialisé, je crois par la "Déclaration de politique générale" du Premier ministre devant l'assemblée. Encore que, c'est un peu différent, mais passons...

Le client : Pour moi, cela ne fait aucun doute, le client du gouvernement, ce sont les électeurs français. Ils ont mandaté le Président pour choisir un ministre et appliquer une politique. Ils attendent un résultat en retour. Ce sont bien eux (donc nous) les clients.

Les objectifs : Là, ça se complique, nous avons tous des objectifs personnels qu'il est difficile de concilier. Le bonheur, l'opulence, le bien-être, avoir une pelouse plus belle que celle du voisin, se taper la femme du voisin, ... Il me semble, mais vous pouvez me contredire en commentant ci-dessous, que l'objectif général, c'est de permettre à tout le monde de vivre dignement dans la collectivité. D'ailleurs, on peut faire le rapprochement avec notre devise : Liberté, Egalité, Fraternité. J'ai la faiblesse de croire que tous les gouvernements qu'on a connus ont au moins eu ces bonnes intentions.

Les indicateurs : Damned, quel indicateur mesure la "Liberté, Egalité, Fraternité" ? Je crois que cet indicateur reste à inventer. Mais alors qu'utilise-t-on jusque là pour gouverner le pays ? Le PIB, principalement. Je vous laisse juger de la pertinence de l'indicateur, et de l'impact que cela peut avoir, sachant que toute gestion de projet (même sans parler de qualité) fonctionne sur la base d'indicateurs. D'autres indicateurs, bien sûr, sont utilisés. Le chômage, par exemple. Mais si j'en crois Thierrry Breton et Dominique Strauss Kahn, pour pas faire de jaloux, pour résoudre le problème du chômage, il faut ... de la croissance du PIB. Un qualiticien dirait : "Il faut faire une fiche de non conformité !".

L'amélioration continue : Justement, pour corriger un dysfonctionnement ou une incohérence comme on a vu à l'instant, il faut prendre en compte les erreurs, et s'engager à s'améliorer. Cherchez bien dans les gouvernements tels que nous les connaissons, cette notion est complètement zappée. Elle est remplacée par une mesure plus radicale : si au bout de 5 ans le résultat est décevant, c'est tout le monde dehors et on repart sur les mêmes bases, avec juste une autre méthode...

Les auditeurs : Le gouvernement n'est pas audité. Il est subit par ses clients. Il n'y a, à ma connaissance, aucun retour objectif de l'action du gouvernement. On pourrait penser que c'est le rôle des médias. Pour une centaine de raisons que je vous épargne, ça n'est pas suffisant, ni efficace. Une grande avancée serait sans doute d'avoir un panel d'auditeurs neutres et objectifs, choisis parmi les électeurs qui jugeraient de l'action du gouvernement. Les scrutins prendraient alors tout leur sens, et les désaveux récents du gouvernements actuels par exemple, occasionneraient vraisemblablement des remous à l'audit. Encore une fois, ça me semblerait souhaitable, sans aller jusqu'à la dissolution ou le changement de gouvernement, il y aurait sans doute des solutions pour prendre en compte le message des urnes, même s'il est sujet à interprétation (mais de ce côté là, la Norme laisse une certaine latitude : l'important est de prendre en compte le message, et de montrer qu'on cherche à résoudre le problème).

La réunionite aigüe : Ah ben ça, par exemple, ça marche niquel actuellement !

Conclusion : Cet article n'est là que pour donner à réfléchir. J'ai l'impression de me répéter, mais il semble que cela soit nécessaire : je n'ai aucune autorité pour parler de ça. Et donc ma conclusion, c'est que les gouvernements gagneraient sans doute à mettre en place une vraie méthode de gestion de projet. Quand on y réfléchit bien, tout cela est bien opaque, et l'opacité est masquée par les élections qui nous renvoient une illusion de démocratie et donc d'efficacité.

Commentaires

1. Le jeudi, 23 juin 2005, 22:08 par 100

Je trouve ta réflexion interressante, pour le reste nous avons eu l'occasion d'en parler, ce qui est dommage c'est que les habitués ne réagissent pas. La qualité vous fait peur ;)

2. Le vendredi, 24 juin 2005, 11:17 par Marzi

Je suis moins positif que toi sur l'application de la qualité dans mon job de tous les jours. Ceci dit, une partie est utile, c'est indéniable... notammetn la partie indicateur: dans ma société, nous avons un vrai indicateur mesurant le service rendu par nos applications (je suis informaticien :)), et on sait que notre principal concurrent (qui fait des voitures dont le nom commence par "Re" et termine par "nault") nous l'envie.
Ceci pour dire que ca m'arrache le coeur de le dire, mais tu as en partie raison. Meme si je ne crois pas au "un seul indicateur" : ca restera tj une somme d'indicateur. Actuellemetn, on peut critiquer la pertinence du PIB, mais pas celle du taux de chomage. Quoi que, si, il faudrait lui ajouter le taux d'emploi précaire. Ensutie, y'a le taux d'insécurité : il est pertinent, mais tout le monde le soupconne truqué (pas moi ;)). Ceci dit, donc, tu pourras jamais regroupé ces indicateurs en un seul. Et mesurer la performance d'un gouvernemetn, à travers cette somme d'indicateur, dont certains dépendent du contexte international, ca devietn tres dur. D'autant que finalement, chacun applique son ratio personnel devant l'indicateur qui le sensibilise le plus : ce qui fait qu'à la fin, on ne vote pas tous pareil. Mais ca pourrait limiter le coté volatile des électeurs francais, qui se dispersent de plus en plus, Jospin en sait qq chose.

3. Le lundi, 29 août 2005, 09:16 par egdltp

La plus important dans une démarche qualité est de faire "tourner la roue" : Si les indicateurs sont bons c'est qu'ils ne mesurent pas les bonnes choses, il faut donc enrichir le tableau et donc prendre en compte d'autres paramètres de la situation qui eux ne sont pas forcément bons et mettre en place de nouveaux plans d'action. S'ils sont mauvais, il faut agir afin de les améliorer.
Tout dans la description de la démarche montre que les objectifs ne seront JAMAIS atteints. Mais on ne cherche pas a atteindre un objectif mais a améliorer des situations. C'est cela que les dirigeants n'arrivent pas à accepter ou a expliquer : d'où la "magnifique" image de marque de la "Qualité" et de ses participants...

4. Le jeudi, 24 novembre 2005, 03:02 par John Broomfield

If an organization "implements ISO 9001" to obtain a certificate then it will obtain less value than a company that uses the standard to improve the system it uses to run the business.

Many articles focus on the woes of the former organizations and do not report on the successes of the latter.

Any company can use ISO 9001 to develop its process-based management system so it could be used to drive its core process to add value faster while the system enables employees to prevent loss sooner. The core process, by the way, translates the needs of customers into cash in the bank (ready for the six sigma treatment).

Our website has described how our clients do this since 1997 and this is based on the hardcopy guidance we have published since 1987.

5. Le jeudi, 24 novembre 2005, 09:17 par Marzi

Mouarf :)

6. Le jeudi, 24 novembre 2005, 17:03 par Merome
Marzi : Could you repeat please ? I don't understand !

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