Le paradoxe du barbier illustre la difficulté de se représenter les implications logiques de propositions pourtant claires :
Le conseil municipal d'un village vote un arrêté municipal qui enjoint à son barbier (masculin) de raser tous les habitants masculins du village qui ne se rasent pas eux-mêmes et seulement ceux-ci.
Le barbier, qui est un habitant du village, ne peut pas respecter cette règle car :
- S'il se rase lui-même, il enfreint la règle, car le barbier ne peut raser que les hommes qui ne se rasent pas eux-mêmes ;
- S'il ne se rase pas lui-même, il est en tort également, car il a la charge de raser les hommes qui ne se rasent pas eux-mêmes.
Le paradoxe du démocrate
La Vème république postule que pour prétendre à gouverner le pays, il faut d’abord constituer une majorité à l’Assemblée Nationale. Or, de majorité, il n’y en a pas et cela semble durable. Il faudrait donc changer cette règle ou à tout le moins l’amender pour permettre à la démocratie de fonctionner quand il n’y a pas de majorité à l’Assemblée. Pour y parvenir, c’est très simple : il suffit de… constituer une majorité à l’Assemblée Nationale qui votera pour ce changement.
La France Insoumise semble être la seule à avoir mis le doigt sur ce paradoxe et à proposer une VIème république où le peuple a son mot à dire, mais les gens raisonnables de l’arc républicain (qui s’étend maintenant de l’aile gauche des macronistes à... l’aile droite des macronistes, avec l’appui de la plupart des éditocrates) ont beau jeu de les taxer de séditieux qui veulent renverser le système.
La révolution ne sera pas télévisée
Effectivement, lorsque l’on s’estime oppressé ou empêché par un système en place, et que l’on veut en changer, on y parvient rarement en utilisant docilement les règles dudit système.
Ainsi les sans-culottes qui voulaient renverser la monarchie en 1789 n’ont pas attendu que l’un des leurs devienne roi à son tour pour changer la monarchie de l’intérieur. Les suffragettes n’ont pas voté pour un homme qui voudrait bien leur accorder le droit de vote.
La manifestation d’un désaccord de principe passe nécessairement par la démonstration publique des paradoxes insurmontables du système en place. Ce que d’aucuns, malcomprenants, ont appelé la « bordelisation » de l’Assemblée Nationale.
La démonstration étant maintenant faite qu’un gouvernement macroniste lepeno-compatible ne peut pas être soutenu suffisamment longtemps, il reste à démontrer qu’un gouvernement macroniste soutenu à la fois par le PS et LR tombera à son tour, s’il parvient seulement à exister. Et au vu des premières tractations en ce sens, c’est pas gagné !
Et après ?
Si Macron était aussi rationnel qu’il essaie de nous le faire croire à chaque intervention télévisée où il nous explique que c’est nous les cons, il se rendrait à l’évidence : ni cette assemblée, ni vraisemblablement les suivantes ne seront plus jamais en mesure de dégager une majorité pour gouverner sereinement. S’il ne souhaite pas lui-même changer de Constitution, qu’il laisse à d’autres le soin de le faire, on ne lui en voudra pas, promis.
Mais dans le monde imaginaire de notre pseudo-monarque, tous les cheminots gagnent 4000€ net par mois, les coiffeuses émargent à 5200€ par mois (comme celle de Brigitte Macron), il n’y a donc pas lieu de changer quoi que ce soit.
Pourtant seul le président aurait le pouvoir de sortir de la crise par le haut en provoquant, par exemple, un référendum pour la mise en place d’une Constituante. Curieusement, personne n’évoque cette porte de sortie, pas même Mélenchon qui devrait pourtant y penser et s’en servir comme bélier pour enfoncer la porte du château, sans avoir à compter sur une assemblée plutôt divisée à son sujet.
L’autre alternative serait que le peuple prenne les choses en mains lui-même, mais dans cette hypothèse on ne gardera de la bordelisation de l’assemblée que le souvenir gentillet d’un débat cordial entre gens de bonnes familles. Il va falloir être plus méchant.
