Ma critique du dernier film de François Ruffin (et Gilles Perret) sur les gilets jaunes.

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Hier soir, j'assistais à une avant-première de la diffusion du film "J'veux du soleil" de François Ruffin. Ce film documentaire témoigne de la présence incongrue et inédite des gilets jaunes sur les ronds-point de France, depuis novembre 2018. Le député de la France insoumise a pris sa bagnole pour visiter quelques ronds points un peu partout en France et il a tendu la caméra et le micro à des gens qu'on ne voit jamais à la télé, et que les nantis comme moi ne croisent jamais ou ignorent superbement quand ils travaillent pour eux, dans les stations service, les amap, les hopitaux, les écoles, les ehpad.

Ruffin a le chic (voir Merci Patron basé sur le même principe) pour mettre sous le feu des projecteurs ces "gueules cassées" dont on aimerait nier l'existence. C'est vrai quoi, ce serait tellement plus simple pour notre conscience si l'on parvenait à se convaincre qu'il suffit de travailler pour s'en sortir, qu'on mérite notre bonne situation obtenue bien sûr à la sueur de notre front. Patatras ! Il casse notre rêve de société certes pas idéale, mais quand même pas si mal, somme toute, en nous montrant des gens qui en chient pour de vrai, alors que c'est même pas de leur faute.

Je me réjouis rarement du malheur des gens, mais comme beaucoup je suppose, quand je vois des gens en situation difficile, malades, mal en point, je me rassure lâchement en énumérant toutes les raisons pour lesquelles je ne me retrouverai pas dans la même situation. Celui-ci a le cancer, mais moi je n'ai pas fumé toute ma vie, celle-là élève seule ses deux gosses, mais moi je me suis pas marié avec le premier venu sans réfléchir aux conséquences... Mais cette méthode (de lâche, je le répète, j'en suis pas fier), elle ne marche pas avec les images de Ruffin. Il a une nouvelle fois trouvé des gens qui défient les lois de l'emmerdement maximal, et comme cette fois, contrairement au couple star de Merci Patron, il en a trouvé plusieurs, partout en France et avec des profils bien différents, on finit par se dire que, vraiment, cette France périphérique qu'on cache sous le tapis existe bel et bien, et on n'en finit plus de l'ignorer.

Il y a cette femme, handicapée, qui nourrit ses gosses en fouillant dans les poubelles. Ce mec, autoentrepreneur, qui bossait 15h par jour sans s'en sortir, et qui a fait un burn out et a tout perdu. Ces intérimaires qui se font exploiter ici et là. Des accidentés de la vie qui ont enchaîné les échecs ou les déboires. Les retraités qui ne s'en sortent plus avec leur pension... Des témoignages poignants de vrais gens qui se retrouvent sur les ronds-points et partagent leur peine qui devient commune. Le succès des gilets jaunes, il vient de là, du lien social qui les unit et que notre société a détruit petit à petit en supprimant les petits commerces et les services publics de proximité.

Ces témoignages sont entrecoupés de prises de paroles officielles, des journalistes ou des politiques. Abjectes ! Insupportables ! La salle où j'étais, pleine de gilets jaunes des environs, en costume, ne pouvait s'empêcher d'insulter le président à chaque apparition. La défiance au monde politique est devenue critique, une aversion presque physique entre deux mondes qui ne se comprendront plus jamais.

Bref, vous devez aller voir ce film, parce qu'il est drôle, parce qu'il est touchant et parce qu'il faut de temps en temps nous rappeler notre lâcheté à cautionner un système qui, par chance, nous a pour l'instant épargné.

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