Les vacances en voiture électrique

Un petit compte-rendu de mon slow-travel en voiture électrique de la semaine dernière.

Petit cours de rattrapage pour ceusses qui atterrissent éventuellement ici sans me connaître : je fais attention à la planète depuis 2005 en réduisant comme je peux mes émissions de CO2 et de particules. J'essaie de le faire avec intelligence, en tenant compte de l'énergie grise et tout ça, et je n'oblige personne à faire comme moi même si j'incite par tous les moyens à prendre conscience du problème.

Je ne crois pas que la voiture électrique représente une solution ultime à tous nos problèmes, mais il me semble qu'elle dispose de nombreux atouts, dans certaines circonstances.
Depuis 2008, j'avais pris l'habitude de partir en vacances en train, car je n'aime pas rouler en voiture, d'une part, et parce que jusqu'à 2012, je n'avais que des voitures thermiques qui puent et font du bruit, et jusqu'à l'année dernière aucune voiture électrique qui me permette de transporter toute ma famille (5 personnes + 1 chien de 37 Kg).
En 2016, j'ai commencé à louer une Renault Zoé (modèle R240 pour les connaisseurs) pour 160 euros par mois (avec mise à la casse d'un vieux diesel) et 12500 km / an pendant 3 ans. Et je me suis dit alors : serait-il possible de partir en vacances avec cette voiture ?
La réponse courte est : oui.

Choisir une destination

Avec cette voiture, j'ai une autonomie d'environ 150 km (comptez le double pour la nouvelle Zoé sortie fin 2016). C'est très variable selon les saisons, le relief, le poids des passagers et des bagages, le chauffage, la clim. Mais en été, 150 km est assez facilement atteignable sur du plat. Pour recharger la voiture complètement, il faut compter une bonne heure sur une borne à 22kW (le maximum accepté sur ce modèle). Pour ne pas passer des heures sur la route alors que je n'aime pas ça, j'ai donc choisi une destination pas trop lointaine, à environ 300 km de mon domicile : Le Chinaillon (au-dessus du Grand Bornand, dans les Alpes).

Théoriquement, 300 km = 2 * 150 km, donc une seule pause recharge devrait suffire, mais il faudrait pour ça que la borne se situe très exactement à mi-chemin (ce qui n'est pas le cas), et compte-tenu du relief défavorable et des marges de sécurité que j'ai prises, je suis parti sur 2, voire 3 arrêts. Il faut comprendre qu'une batterie se recharge un peu comme on remplit une bouteille d'eau : rapidement au début, mais à la fin plus lentement. Il est plus efficace de commencer des recharges que de les finir et donc de faire plusieurs petits arrêts qu'un gros.

J'ai utilisé essentiellement le site Chargemap pour planifier mon trajet. Il répertorie toutes les bornes sur une carte, leur puissance, leurs conditions d'utilisations, heures d'ouvertures, et c'est un site communautaire où chacun peut poser ses commentaires. C'est très précieux car à ce jour, les conditions de recharge sont très diverses. Il y a les points de recharge gratuits du constructeur (garages Renault, mais seulement ceux qui sont équipés, et si la borne n'est pas en panne, et pendant les heures d'ouverture), les bornes publiques gratuites, les bornes gratuites sur des parkings payants, les bornes payantes, le tout avec ou sans badge et les badges sont eux-mêmes gratuits ou payants, et il y en a de multiples sortes... Le câble est attaché à la borne ou alors il faut l'amener, et les connecteurs sont multiples eux aussi... C'est l'anarchie la plus totale, mais avec Chargemap, on sait (presque) tout à l'avance. On ne peut prévoir, par contre, si la borne sera déjà utilisée par un autre usager, ou si elle sera en panne, alors il faut prévoir des plans B, voire des plans C pour assurer le coup.

Préparer le trajet

La Zoé est grosse comme une Clio, à peu près. Les batteries sont sous l'habitacle, ce qui laisse assez de place dans le coffre. Mais cinq personnes et un chien, avec les bagages qui vont avec (y compris les câbles de recharge !), on touche aux limites de l'exercice, et pourtant, toute ma famille a l'habitude de réduire les bagages à leur plus simple expression depuis que l'on voyage en train et on n'est pas très exigeant du point de vue du confort.

Plusieurs essais depuis des mois m'ont convaincu d'une chose : mettre le chien dans le coffre prend beaucoup trop de place. Il vaut mieux le caser derrière le siège passager avancé presque au maximum. Cela laisse le coffre entièrement disponible pour les bagages, ce qui donne ceci :

Première étape : Héricourt - Pontarlier. 110 km

J'avais déjà eu l'occasion de recharger chez Renault Pontarlier, mais chargemap indiquait que la borne était en panne (depuis janvier !). C'est toujours vrai, mais heureusement, la borne de l'atelier reste accessible si on demande gentiment. En plan B, il y avait des bornes 7kW chez Décathlon (charge plus lente) ou les bornes du SIEL (à Métabief, Vaux et chantegrue, Labergement Sainte Marie...) mais je n'avais jamais pu les expérimenter et l'accès au badge étant conditionné par l'ouverture des mairies correspondantes, un samedi 15/07 (lendemain de jour férié donc), j'étais pas trop sûr d'y avoir accès...
Petite pause viennoiseries d'une heure dans la zone commerciale toute proche et on repart, batterie chargée à 99%

Seconde étape : Pontarlier - Bellegarde Sur Valserine. 125 km

L'étape la plus pénible, petites routes très vallonnées et sinueuses, avec quelques sueurs froides en regardant l'autonomie estimée quand on est arrivé au-dessus de Morez. Ne connaissant pas la route, je me disais qu'une simple erreur de GPS ou une déviation inattendue pourrait nous mettre dans le pétrin. Mais je me rassurais en me disant qu'en maintenant la consommation en-dessous de 14kWh/100 km, il n'y avait aucune raison de ne pas réussir à parcourir ces 125 km (en été).
On arrive enfin à Bellegarde, et on se pose sur le point de recharge CNR où il n'y a personne. Première fois que je tente une recharge payante. Je tente de suivre bêtement le protocole mais je trouve que les messages affichés à l'écran sont ambigus. Je n'ai pas noté, mais quand il est écrit quelque chose comme "démarrer la charge" avec un bouton "OK", je me dis que tout doit être branché avant de presser sur OK. Mais non, il y a d'autres écrans pour choisir le type de prise... Bref, je finis par y arriver et on va s'acheter un pique nique (pas très bon) dans une boulangerie toute proche et on s'installe au bord du Rhône en attendant les 45 minutes maxi de recharge.
J'avais prévu initialement de rejoindre la destination finale directement depuis là, mais le relief de cette étape et de celle qui arrive me fait un peu flipper. En plus, je ne peux pas récupérer l'accès à ma résidence de vacances avant 17h, et il est encore tôt, donc autant en profiter pour faire les premières courses et une recharge supplémentaire à Auchan Annecy.

Troisième étape : Bellegarde - Annecy. 50 km

J'avais largement sous-estimé les temps de trajet dans ces routes de montagne très fréquentées. On met 1h15 pour arriver à Annecy et si l'une des deux places du parking d'Auchan Annecy est libre, j'apprends (même si c'était indiqué sur chargemap mais je n'avais pas fait attention) qu'un seul véhicule peut recharger à la fois. Heureusement, le propriétaire de la Nissan Leaf qui est en train de charger sort du magasin au moment où je le débranche, sans le savoir, c'est lui qui m'explique que s'il y a 2 places et 2 prises (Chademo et Type 2), un seul peut se brancher. Je sors mon badge "Kiwhi Pass" (fourni par Renault avec la Zoé, si on en fait la demande) que je n'ai jamais alimenté, jamais servi et qui est périmé depuis quelques mois (valable un an, mais j'ai lu sur les forums qu'il donnait quand même accès aux bornes gratuites), il débloque bien la borne mais le câble est trop court pour atteindre la 2nde place réservée au véhicule électrique ! La Leaf étant partie, je prends sa place et peux enfin me brancher. En fin de charge, toujours branché, je lance le pré-conditionnement de l'habitacle (la climatisation pendant que la batterie charge) car ça commence à taper sévère...

Dernière étape : Annecy - Le Grand Bornand/Chinaillon. 40 km

J'ai bien fait de recharger à Annecy car une fois arrivé au-dessus du Grand Bornand, il ne me reste que 56 km d'autonomie affichée ! Pas sûr que j'aurais pu faire le trajet Bellegarde - Le Chinaillon sans recharge intermédiaire. Aucune borne "fiable" n'étant accessible autour du Grand Bornand, il faut descendre à Annecy pour recharger de façon certaine et c'est à plus de 30km et plus d'une heure de route. Bon, c'est en descente tout le long, donc à la limite, même avec 0 d'autonomie au départ, on pourrait y arriver. Mais c'est angoissant.

Pendant mon séjour, je ne suis descendu que deux fois à Annecy et j'en ai profité pour recharger à 100% au parking (payant) Carnot du centre ville. Chaque fois, j'avais bien plus d'autonomie affichée à l'arrivée qu'au départ. Du coup, pour le retour, j'ai considéré que je pouvais me passer d'une étape à Annecy. Par contre, échaudé par le tronçon Pontarlier - Bellegarde par les petites routes, j'ai cherché une solution de secours en ajoutant une étape à Saint Claude (39).

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Première étape : Le Chinaillon - Bellegarde : 76 km

On est parti assez tôt (7h30) pour pouvoir atteindre Saint-Claude avant la fermeture du garage Renault. L'arrêt à Bellegarde était plus une sécurité qu'une nécessité car on aurait pu rejoindre Saint Claude d'une traite (118km et beaucoup de descente, mais départ avec 60 d'autonomie affichée, j'ai pas pris le risque), mais je me réservais ainsi la possibilité de "sauter" Saint Claude pour recharger autour de Pontarlier. On ne sait jamais. On change de boulangerie à Bellegarde pour s'acheter un petit déjeuner pas si mauvais.

Deuxième étape : Bellegarde - Saint Claude : 42 km

Ça commence par une déviation un peu pénible à Bellegarde. Le genre de truc qui pourrait me faire flipper si j'étais en fin de batterie, heureusement, là, on vient de partir et on n'a que 42 km à couvrir, ça devrait le faire. Sauf si Renault Saint-Claude nous réserve une mauvais surprise. Mais y a pas de raison. Mais quand même, ce serait pénible. L'éternelle angoisse du conducteur de véhicule électrique.

Il y a le Kangoo du garage qui recharge sur la borne de Renault Saint Claude. On me laisse la place rapidement, mais je dois redemander à l'accueil pour qu'on me passe le badge qui lance la charge (le gars doit pas le faire très souvent parce que ça lui a échappé). J'utilise mon câble type 3 acheté d'occasion puisque non fourni avec la Zoé (j'ai eu un type 2 que je n'ai jamais servi car très peu de bornes le proposent autour de chez moi). La moindre des choses serait que Renault fournisse le câble qui va bien (avec la Zoé ou attaché sur les bornes de recharge qu'ils proposent).

Troisième étape : Saint-Claude - Labergement Sainte Marie

Comme on arrive dans les horaires où Renault Pontarlier est fermé (entre 12h et 14h), et que je veux tester ma carte KiwhiPass périmée et vide de tout crédit sur les bornes du réseau SIEL, je choisis le point de recharge de Labergement Sainte Marie qui a la bonne idée d'être au bord d'un lac fort bien aménagé. Je galère à appliquer le protocole pourtant illustré sur le côté de la borne, et c'est mon fils qui me débloque en passant le badge KiwhiPass devant la borne et non sur le côté comme je le faisais (j'ai pas trop l'habitude des badges sans contacts, ceux que j'utilise au boulot, on les passe devant une borne avec une led qui clignote au passage, là c'est un bête autocollant, ça me semble moins parlant). Bref, je finis par recharger une dernière fois en me baladant près du lac.

Conclusions à chaud

Au lendemain de ce périple, quelques réflexions à chaud ou presque.

  • Les longs voyages en voiture électrique demandent encore beaucoup de préparation et ne sont pas tout à fait sécurisant. Si je peux trouver personnellement un peu d'intérêt à optimiser les tronçons et caser les pique-nique ou les courses dans les temps morts, pour satisfaire mes idéaux écologiques et mon plaisir d'optimiser tout et n'importe quoi, c'est beaucoup moins drôle pour les passagers qui subissent le trajet, surtout s'ils n'apprécient pas les voyages en voiture (comme moi).
  • 5 personnes + un chien et les bagages, ça fait beaucoup pour la petite Zoé. Je suis pas très exigeant en matière de confort et rompu au minimaliste (que j'apprécie), mais là, on touche les limites, dans tous les sens du terme. L'année prochaine, quand mes enfants auront pris quelques centimètres supplémentaires et mon chien (qui a dit mon épouse ?) quelques kilos, ça risque d'être mission impossible.
  • Voyager en train a d'autres contraintes (ne pas rater la correspondance, les retards éventuels, les voisins de wagon bruyants, le manque d'indépendance une fois sur place, le prix) mais le confort n'est pas comparable, la fatigue du voyage non plus. Point de vue CO2, par rapport à une voiture électrique, la différence n'est pas significative, je crois.
  • Je suis quand même content d'avoir démontré par l'expérience que la chose était possible. Ça me donnera des arguments supplémentaires pour faire la promotion de la voiture électrique et du "slow travel". La plupart de mes voisins/collègues/amis considèrent qu'il est impossible d'avoir 2 enfants sans rouler en monospace surdimensionné. Si si, c'est possible, mais il faut rationaliser et réfléchir, choses qu'ils ont perdu l'habitude de faire...
  • Ce trajet de 600km m'a coûté 2* 5 = 10 euros (les deux recharges de Bellegarde), qui dit mieux ? Pour être honnête, il faudrait ajouter la charge initiale de la voiture que j'ai faite à la maison : 2 euros environ, et la dernière charge du parking d'Annecy, mais elle est comprise dans le prix du parking (un peu plus de 5 euros)
  • Ma consommation moyenne d'énergie finale (affichée au tableau de bord) sur ce trajet vallonné s'élève à 12.5kWh / 100 km. Avec le mix énergétique français, ces 12.5 doivent être multipliés par 3 (coeficient de conversion entre 2.58 et 3.25 selon les sources) pour obtenir la quantité d'énergie primaire réellement consommée, soit 37.5 kWh/100km. Une voiture thermique consomme 12kWh / 100km en plus de son carburant, pour le raffinage de l'essence. 1 litre de diesel équivaut approximativement à 10,1 kWh. Donc une voiture diesel consommant 5 litres au 100km gaspille 62 kWh d'énergie primaire pour parcourir 100km, presque deux fois plus que moi.


Si vous avez des questions liées à tout ce que je viens de raconter, je me ferai un plaisir de vous répondre...

Commentaires

1. Le vendredi, 22 septembre 2017, 05:34 par Gaille

Respect, fallait oser...

2. Le samedi, 25 novembre 2017, 13:26 par Vincent

> Ma consommation moyenne d'énergie finale (affichée au tableau de bord) sur ce trajet vallonné s'élève à 12.5kWh / 100 km. Avec le mix énergétique français, ces 12.5 doivent être multipliés par 3 (coeficient de conversion entre 2.58 et 3.25 selon les sources) pour obtenir la quantité d'énergie primaire réellement consommée, soit 37.5 kWh/100km

Même si l'AIE le fait, la comparaison entre les différentes énergies est un peu capilotractée : en ordre de grandeur, un gramme d'uranium contenant autant d'énergie qu'une tonne de charbon, est-il vraiment pertinent de les comparer en partant de la vapeur produite en cassant un noyau d'une part et en brûlant du carbone de l'autre ?

Pareil pour la comparaison entre l'éolvoltaïque et ces énergies : on compare des pommes et des oranges.

Et pourtant, on se base sur ces chiffres pour prendre des décisions.

À partir de là, autant comparer des choses comparables : des kWh.

Ça me fait penser à la bêtise du PIB.

3. Le lundi, 14 mai 2018, 07:47 par Martin

La prochaine fois tu feras ça en Tesla EASY !!! Marrant ton histoire, un peu comme tout tes billets ;)

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